Port de Marseille : une passerelle symbole de (di)visions
Par Julien VINZENT le 25 juin 2010
Et revoilà la passerelle. Ce charmant ouvrage, qui permet aux passagers de relier la gare maritime de la Joliette au J1, fait polémique depuis 2008. Une épine de 300 mètres de long et 12 mètres de haut dans le pied d’ »un Marseillais [qui] multiplie initiatives pour obtenir la destruction de cet édifice« , nous explique Métro. En bref : elle a selon lui été érigée à la va vite sans permis de construire au mépris des bâtiments historiques environnant et de la simple esthétique. Enfin, pas n’importe quel Marseillais : Eric Foillard, le promoteur de la rénovation de l’immeuble du Quai, situé pile en face, et entamée en 2008 justement.
Le site d’une pétition sur le sujet assure que « tous les Marseillais interrogés trouvent cette passerelle laide. On avait promis aux Marseillais qu’en démolissant la passerelle de l’autoroute, ils retrouveraient la vue sur la mer mais celle-ci a été remplacée par une passerelle piétonne d’un encombrement visuel plus important. » « On », c’est à dire Eric Foillard ? Car le contact renvoie à l’attaché de presse de sa société…
« Empêcher la ville de regagner son territoire »
Même s’il a pratiquement tout vendu, à 5000 euros environ le m2 on imagine que « les Marseillais » (qui sont à 50% des investisseurs) lui sont tombés dessus… Mais il assure que son combat n’est pas qu’une affaire d’intérêt : « je suis personnellement très investi dans la renaissance de ce quartier et je ne suis pas content quand les gens font n’importe quoi. Nous avons été les premiers à croire à la Rue de la République, on a plein d’autres projets dans le coin« , explique le gérant des Bureaux de la Joliette, qui a porté plainte en octobre 2009.
Pour lui, « cette passerelle est une ligne Maginot construite par le port dans le seul but d’empêcher la ville de regagner ses rivages, qu’on lui rende ses territoires. » C’est donc cela qui se cache derrière cette passerelle qui ne semble pas pressée d’être démolie ? « On ne rentre pas dans ce genre de polémique« , coupe court Claire Battedou, responsable de la communication du port.
Méga-yatchs et croisiéristes
Quelle est exactement la vision d’Eric Foillard ? « A Barcelone, les JO de 1992 ont été l’occasion de requalifier le port de concentrer les activités là ou ça a du sens. Mais là-bas, vous n’avez pas de Port autonome qui dit « je suis chez moi »… Connaissez-vous une ville moderne où l’usine est sur la place de la Cathédrale (de la Major, ndlr) ? A Marseille comme à Barcelone le territoire est une denrée précieuse et vous avez des hectares de terrain vides inutiles sur le port. Il y a certaines choses qui ont du sens, comme les bassins de radoub. Mais les ferries peuvent bien se décaler de 500 mètres vers le nord« .
Mais pour mettre quoi à la place ? « Vous trouvez normal que les croisiéristes arrivent au milieu des entrepôts de banane et qu’on les charge en vitesse dans des cars pour aller à Aix ou aux Baux-de-Provence ? Comme s’il n’y avait rien à voir à Marseille ! Il manque aujourd’hui 800 anneaux pour des méga-yacht en Méditerranée occidentale. 1 seul de ces bateaux, c’est 15 emplois à terre et 2 millions d’euros de retombées économiques par an. Le yatching, ce n’est pas juste un truc pour riches, c’est une industrie. Tout comme le tourisme. »
« Ca va être la croisette »
Cela se précise… Claire Battedou nuance un peu : « la plaisance ne rentre pas dans nos statuts. Mais depuis plusieurs années avec Euroméditerranée l’idée est de permettre une certaine porosité pour améliorer l’interface entre ville et port, malgré les règles internationales que nous devons respecter en tant que port. Pour que le port continue son activité au sol, le Silo d’Arenc et les Terrasses du Port sont construites sur un niveau supérieur, pour permettre un double usage. C’est aussi dans ce cadre que l’on a rétrocédé le J4 et une bande de 50 mètres pour l’aménagement du boulevard du Littoral. »
Pas suffisant visiblement transformer la Joliette en « Croisette »… A propos de la Rue de la République, Eric Foillard confiait en 2007 dans le Monde diplomatique : « ça va être magnifique, avec des pavés, des trottoirs en granit au sol, des arbres qui n’existaient pas, le tramway, plus ludique, plus aérien que le métro, plus l’Opéra, le deuxième Opéra de France, plus un multiplexe au bout du quai de la Joliette dont l’exploitant sera Luc Besson. Ça va être la Croisette. » Avec Marseille République, facade phocéenne du fond d’investissement Lone Star, il a été la fer de lance de cette « reconquête du centre-ville » : « sur un îlot vont s’implanter une dizaine d’enseignes de luxe, les françaises les plus prestigieuses. Quatre cent mille croisiéristes par an passent à Marseille, alors c’est une occasion à saisir pour les chaînes : descendre du bateau et avoir des enseignes modernes à distance piétonne… » Amen, aurait dit Jean-Claude Gaudin, dont la vision de l’avenir du port colle à merveille avec celle d’Eric Foillard. La prochaine fois que vous croiserez une passerelle, ne la jugez pas à sa beauté…
Par Julien VINZENT le 25 juin 2010
Et revoilà la passerelle. Ce charmant ouvrage, qui permet aux passagers de relier la gare maritime de la Joliette au J1, fait polémique depuis 2008. Une épine de 300 mètres de long et 12 mètres de haut dans le pied d’ »un Marseillais [qui] multiplie initiatives pour obtenir la destruction de cet édifice« , nous explique Métro. En bref : elle a selon lui été érigée à la va vite sans permis de construire au mépris des bâtiments historiques environnant et de la simple esthétique. Enfin, pas n’importe quel Marseillais : Eric Foillard, le promoteur de la rénovation de l’immeuble du Quai, situé pile en face, et entamée en 2008 justement.
Le site d’une pétition sur le sujet assure que « tous les Marseillais interrogés trouvent cette passerelle laide. On avait promis aux Marseillais qu’en démolissant la passerelle de l’autoroute, ils retrouveraient la vue sur la mer mais celle-ci a été remplacée par une passerelle piétonne d’un encombrement visuel plus important. » « On », c’est à dire Eric Foillard ? Car le contact renvoie à l’attaché de presse de sa société…
« Empêcher la ville de regagner son territoire »
Même s’il a pratiquement tout vendu, à 5000 euros environ le m2 on imagine que « les Marseillais » (qui sont à 50% des investisseurs) lui sont tombés dessus… Mais il assure que son combat n’est pas qu’une affaire d’intérêt : « je suis personnellement très investi dans la renaissance de ce quartier et je ne suis pas content quand les gens font n’importe quoi. Nous avons été les premiers à croire à la Rue de la République, on a plein d’autres projets dans le coin« , explique le gérant des Bureaux de la Joliette, qui a porté plainte en octobre 2009.
Pour lui, « cette passerelle est une ligne Maginot construite par le port dans le seul but d’empêcher la ville de regagner ses rivages, qu’on lui rende ses territoires. » C’est donc cela qui se cache derrière cette passerelle qui ne semble pas pressée d’être démolie ? « On ne rentre pas dans ce genre de polémique« , coupe court Claire Battedou, responsable de la communication du port.
Méga-yatchs et croisiéristes
Quelle est exactement la vision d’Eric Foillard ? « A Barcelone, les JO de 1992 ont été l’occasion de requalifier le port de concentrer les activités là ou ça a du sens. Mais là-bas, vous n’avez pas de Port autonome qui dit « je suis chez moi »… Connaissez-vous une ville moderne où l’usine est sur la place de la Cathédrale (de la Major, ndlr) ? A Marseille comme à Barcelone le territoire est une denrée précieuse et vous avez des hectares de terrain vides inutiles sur le port. Il y a certaines choses qui ont du sens, comme les bassins de radoub. Mais les ferries peuvent bien se décaler de 500 mètres vers le nord« .
Mais pour mettre quoi à la place ? « Vous trouvez normal que les croisiéristes arrivent au milieu des entrepôts de banane et qu’on les charge en vitesse dans des cars pour aller à Aix ou aux Baux-de-Provence ? Comme s’il n’y avait rien à voir à Marseille ! Il manque aujourd’hui 800 anneaux pour des méga-yacht en Méditerranée occidentale. 1 seul de ces bateaux, c’est 15 emplois à terre et 2 millions d’euros de retombées économiques par an. Le yatching, ce n’est pas juste un truc pour riches, c’est une industrie. Tout comme le tourisme. »
« Ca va être la croisette »
Cela se précise… Claire Battedou nuance un peu : « la plaisance ne rentre pas dans nos statuts. Mais depuis plusieurs années avec Euroméditerranée l’idée est de permettre une certaine porosité pour améliorer l’interface entre ville et port, malgré les règles internationales que nous devons respecter en tant que port. Pour que le port continue son activité au sol, le Silo d’Arenc et les Terrasses du Port sont construites sur un niveau supérieur, pour permettre un double usage. C’est aussi dans ce cadre que l’on a rétrocédé le J4 et une bande de 50 mètres pour l’aménagement du boulevard du Littoral. »
Pas suffisant visiblement transformer la Joliette en « Croisette »… A propos de la Rue de la République, Eric Foillard confiait en 2007 dans le Monde diplomatique : « ça va être magnifique, avec des pavés, des trottoirs en granit au sol, des arbres qui n’existaient pas, le tramway, plus ludique, plus aérien que le métro, plus l’Opéra, le deuxième Opéra de France, plus un multiplexe au bout du quai de la Joliette dont l’exploitant sera Luc Besson. Ça va être la Croisette. » Avec Marseille République, facade phocéenne du fond d’investissement Lone Star, il a été la fer de lance de cette « reconquête du centre-ville » : « sur un îlot vont s’implanter une dizaine d’enseignes de luxe, les françaises les plus prestigieuses. Quatre cent mille croisiéristes par an passent à Marseille, alors c’est une occasion à saisir pour les chaînes : descendre du bateau et avoir des enseignes modernes à distance piétonne… » Amen, aurait dit Jean-Claude Gaudin, dont la vision de l’avenir du port colle à merveille avec celle d’Eric Foillard. La prochaine fois que vous croiserez une passerelle, ne la jugez pas à sa beauté…
1 commentaire:
Au moment même où la passerelle sortie autoroute du littoral, en se dirigeant vers le centre ville (honnie des habitants d'Arenc) était détruite: les habitants allaient pouvoir vivre les fenêtres ouvertes, que le Port Autonome de Marseille réalisait cette passerelle à plusieurs étages!
Mais c'était pour le bien de ces familles, trop pauvres pour vivre près de la mairie des 6/8 parc de Bagatelle!
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