Quand les cadres se rebellent
Jean-Claude Thoenig, David Courpasson Éditions Vuibert
Retrouvez des extraits de cet ouvrage sur le complément rédactionnel n° 932.
Les cadres dont les parcours sont présentés ici ne répondent en rien au portrait-robot auquel le titre pourrait faire penser. Loin d'être en difficulté ou en souffrance, ils sont, au contraire, à mi-parcours de leur vie professionnelle, à la pointe de la réussite dans leur entreprise et promis à un bel avenir. Le ressort de la contestation dans laquelle ils vont s'engager n'est pas d'ordre idéologique : ils sont plutôt conformistes et ne se posent guère de grandes questions telles que la mondialisation ou le libéralisme. Depuis toujours ils jouent le jeu, et ne demanderaient qu'à continuer.
Entrée en résistance
Pourtant, un jour ils disent non. Ils engagent un conflit qui les met à une rude épreuve ; ils prennent le risque de perdre gros au regard de l'avenir qui leur était ouvert. C'est toujours une décision du management supérieur qui déclenche leur entrée en résistance. Une décision pour eux inacceptable, soit pour ses conséquences sur leur vie privée (une injonction à la mobilité incompatible avec la vie de famille), soit en termes d'éthique (une mission de fermeture de site, une injustice grave à l'égard d'un collègue), soit au regard de l'intérêt même de l'entreprise (une décision qu'ils jugent aberrante et arbitraire). Leur refus ouvre une crise : des collègues se rallient à la contestation qu'ils ont initiée ; le management supérieur refuse, momentanément ou durablement de se déjuger... L'issue, parfois, donne raison aux rebelles, dont le point de vue finit par être reconnu. Mais dans d'autres cas, ils n'ont pas d'autre choix que de s'en aller, ce qu'ils font en général sans difficulté, reprenant ailleurs un parcours brillant.
La contestation : une chance pour l'entreprise
Il y a beaucoup à apprendre de ces tranches de vie richement mises en perspective. D'abord que la contestation pourrait être vue comme une chance pour l'entreprise : les rebelles sont d'une certaine façon, des « lanceurs d'alerte ». Ils ont le courage, et parfois le paient cher, de prendre la parole au lieu de se laisser glisser dans le désinvestissement et le commentaire désabusé. Leur histoire donne à voir une acception de la loyauté qui devrait faire référence. La loyauté que l'on doit à son organisation et à ses autorités n'est pas l'allégeance silencieuse ; elle inclut au contraire le devoir de « dire ce qui ne va pas, d'expliciter au management supérieur ce qui ne convient pas ». Les organisations gagneraient à faire évoluer leur management dans le sens de l'ouverture à la prise de parole et du respect la vie privée de leurs cadres. Les auteurs appellent zone interdite le noyau dur de convictions, d'attachements personnels et d'engagements sociaux qu'une personne ne peut laisser transgresser sans risquer, à ses propres yeux et à ceux d'autrui, le déshonneur. Ceux qui un jour deviennent rebelles sont des hommes ou des femmes qui se sont construits une « zone interdite » forte et ferme. Peu enclins à la soumission inconditionnelle, ils sont en même temps porteurs de vraies richesses que le management aurait tout avantage à reconnaître, plutôt que de les casser ou les exclure.
Il faudrait, pour ce faire, se dégager d'une tradition de gouvernance « oligarchique » qui réserve à une élite fermée la préparation et la prise des décisions, et n'accepte dans les sphères de responsabilité que des cadres conformes et interchangeables dont la « zone interdite » est réduite à la portion congrue.
Jean-Claude Thoenig, David Courpasson Éditions Vuibert
Retrouvez des extraits de cet ouvrage sur le complément rédactionnel n° 932.
Les cadres dont les parcours sont présentés ici ne répondent en rien au portrait-robot auquel le titre pourrait faire penser. Loin d'être en difficulté ou en souffrance, ils sont, au contraire, à mi-parcours de leur vie professionnelle, à la pointe de la réussite dans leur entreprise et promis à un bel avenir. Le ressort de la contestation dans laquelle ils vont s'engager n'est pas d'ordre idéologique : ils sont plutôt conformistes et ne se posent guère de grandes questions telles que la mondialisation ou le libéralisme. Depuis toujours ils jouent le jeu, et ne demanderaient qu'à continuer.
Entrée en résistance
Pourtant, un jour ils disent non. Ils engagent un conflit qui les met à une rude épreuve ; ils prennent le risque de perdre gros au regard de l'avenir qui leur était ouvert. C'est toujours une décision du management supérieur qui déclenche leur entrée en résistance. Une décision pour eux inacceptable, soit pour ses conséquences sur leur vie privée (une injonction à la mobilité incompatible avec la vie de famille), soit en termes d'éthique (une mission de fermeture de site, une injustice grave à l'égard d'un collègue), soit au regard de l'intérêt même de l'entreprise (une décision qu'ils jugent aberrante et arbitraire). Leur refus ouvre une crise : des collègues se rallient à la contestation qu'ils ont initiée ; le management supérieur refuse, momentanément ou durablement de se déjuger... L'issue, parfois, donne raison aux rebelles, dont le point de vue finit par être reconnu. Mais dans d'autres cas, ils n'ont pas d'autre choix que de s'en aller, ce qu'ils font en général sans difficulté, reprenant ailleurs un parcours brillant.
La contestation : une chance pour l'entreprise
Il y a beaucoup à apprendre de ces tranches de vie richement mises en perspective. D'abord que la contestation pourrait être vue comme une chance pour l'entreprise : les rebelles sont d'une certaine façon, des « lanceurs d'alerte ». Ils ont le courage, et parfois le paient cher, de prendre la parole au lieu de se laisser glisser dans le désinvestissement et le commentaire désabusé. Leur histoire donne à voir une acception de la loyauté qui devrait faire référence. La loyauté que l'on doit à son organisation et à ses autorités n'est pas l'allégeance silencieuse ; elle inclut au contraire le devoir de « dire ce qui ne va pas, d'expliciter au management supérieur ce qui ne convient pas ». Les organisations gagneraient à faire évoluer leur management dans le sens de l'ouverture à la prise de parole et du respect la vie privée de leurs cadres. Les auteurs appellent zone interdite le noyau dur de convictions, d'attachements personnels et d'engagements sociaux qu'une personne ne peut laisser transgresser sans risquer, à ses propres yeux et à ceux d'autrui, le déshonneur. Ceux qui un jour deviennent rebelles sont des hommes ou des femmes qui se sont construits une « zone interdite » forte et ferme. Peu enclins à la soumission inconditionnelle, ils sont en même temps porteurs de vraies richesses que le management aurait tout avantage à reconnaître, plutôt que de les casser ou les exclure.
Il faudrait, pour ce faire, se dégager d'une tradition de gouvernance « oligarchique » qui réserve à une élite fermée la préparation et la prise des décisions, et n'accepte dans les sphères de responsabilité que des cadres conformes et interchangeables dont la « zone interdite » est réduite à la portion congrue.
Emploi : les cadres durement touchés par la crise
Publié le mardi 22 juin 2010 à 15H00
Le tableau est sombre. Depuis le 1erjanvier2009, le nombre de demandeurs d'emploi dans la catégorie cadre a augmenté, localement, de 30%. C'est le constat que dresse Pôle Emploi, qui comptabilise, dans le bassin d'Aix-Salon, 3000 personnes répondant à ce critère (sur plus de 8000 cadres inscrits dans les Bouches-du-Rhône).
Une progression plus rapide que la population totaled'inscrits: dans le département, le nombre de demandeurs d'emploi s'est accru de 10,5% en un an, 22,8% en deux ans. "Parmi les cadres en phase de recherche, 26% sont de longue durée, c'est-à-dire qu'ils sont inscrits depuis au moins un an, détaille Dominique Geraud, directrice de l'espace cadres Pôle Emploi, avenue Brossolette. Par ailleurs, 20% d'entre eux ont plus de 50 ans.
Dès que la conjoncture est difficile, ce sont les cadres les plus âgés, ainsi que les jeunes diplômés, qui affrontent une situation difficile." Ce contexte délicat est né d'une baisse significative des offres d'emploi -"les entreprises repoussent à plus tard leurs recrutements"- mais aussi d'une hausse des licenciements économiques. Pour les plus âgés, cette perte d'emploi est parfois traumatisante. "Le public des cadres est à la fois plus exigeant et plus perdu, insiste Dominique Geraud, car cela signifie une perte de statut social. Il faut accepter une baisse de salaire, éventuellement être plus mobile, accepter de remonter parfois en région parisienne."
Les jeunes diplômés sont également touchés de plein fouet par la crise. "À Aix, nous avons des jeunes plus diplômés qu'ailleurs. C'est une des spécificités du bassin d'emploi", rappelle la directrice. Qui souligne que les formations locales ne correspondent pas forcément aux attentes du milieu économique: "Nous avons beaucoup de diplômés en droit, mais peu d'offres dans ce domaine. Du coup,les demandeurs font des formations en marge, postulent à des postes qui ne correspondent pas à leur niveau d'études."
Les valeurs sûres? Elles ne courent pas les rues... " Les ingénieurs, notamment, avec option nucléaire, vont trouver du travail. L'informatique, c'est plus hasardeux. Le problème est l'adéquation des profils, les offres sont parfois très pointues, ciblées. Enfin, dans d'autres domaines comme le commerce et la grande distribution, le recrutement des cadres se fait au niveau extra-régional." Malgré la morosité ambiante, Dominique Geraud veut croire en l'avenir. "Dire que les offres vont repartir est un peu trop anticipé. Mais le moral est déjà là. Nous allons voir à la rentrée si cela se concrétise." Est considérée comme cadre une personne qui a déjà cotisé à une caisse cadre ou les jeunes avec bac+5, un master2.
Publié le mardi 22 juin 2010 à 15H00
Le tableau est sombre. Depuis le 1erjanvier2009, le nombre de demandeurs d'emploi dans la catégorie cadre a augmenté, localement, de 30%. C'est le constat que dresse Pôle Emploi, qui comptabilise, dans le bassin d'Aix-Salon, 3000 personnes répondant à ce critère (sur plus de 8000 cadres inscrits dans les Bouches-du-Rhône).
Une progression plus rapide que la population totaled'inscrits: dans le département, le nombre de demandeurs d'emploi s'est accru de 10,5% en un an, 22,8% en deux ans. "Parmi les cadres en phase de recherche, 26% sont de longue durée, c'est-à-dire qu'ils sont inscrits depuis au moins un an, détaille Dominique Geraud, directrice de l'espace cadres Pôle Emploi, avenue Brossolette. Par ailleurs, 20% d'entre eux ont plus de 50 ans.
Dès que la conjoncture est difficile, ce sont les cadres les plus âgés, ainsi que les jeunes diplômés, qui affrontent une situation difficile." Ce contexte délicat est né d'une baisse significative des offres d'emploi -"les entreprises repoussent à plus tard leurs recrutements"- mais aussi d'une hausse des licenciements économiques. Pour les plus âgés, cette perte d'emploi est parfois traumatisante. "Le public des cadres est à la fois plus exigeant et plus perdu, insiste Dominique Geraud, car cela signifie une perte de statut social. Il faut accepter une baisse de salaire, éventuellement être plus mobile, accepter de remonter parfois en région parisienne."
Les jeunes diplômés sont également touchés de plein fouet par la crise. "À Aix, nous avons des jeunes plus diplômés qu'ailleurs. C'est une des spécificités du bassin d'emploi", rappelle la directrice. Qui souligne que les formations locales ne correspondent pas forcément aux attentes du milieu économique: "Nous avons beaucoup de diplômés en droit, mais peu d'offres dans ce domaine. Du coup,les demandeurs font des formations en marge, postulent à des postes qui ne correspondent pas à leur niveau d'études."
Les valeurs sûres? Elles ne courent pas les rues... " Les ingénieurs, notamment, avec option nucléaire, vont trouver du travail. L'informatique, c'est plus hasardeux. Le problème est l'adéquation des profils, les offres sont parfois très pointues, ciblées. Enfin, dans d'autres domaines comme le commerce et la grande distribution, le recrutement des cadres se fait au niveau extra-régional." Malgré la morosité ambiante, Dominique Geraud veut croire en l'avenir. "Dire que les offres vont repartir est un peu trop anticipé. Mais le moral est déjà là. Nous allons voir à la rentrée si cela se concrétise." Est considérée comme cadre une personne qui a déjà cotisé à une caisse cadre ou les jeunes avec bac+5, un master2.
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