Fonction publique : que change la loi relative à la déontologie, aux droits et obligations des fonctionnaires ?
le 21 04 2016
© Olivier Le Moal - Fotolia.com
La loi relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires a été promulguée le 20 avril 2016.
Seule loi de la législature à porter exclusivement sur la fonction publique, elle a pour but, selon le gouvernement,
de renforcer la relation de confiance entre les Français et les
fonctionnaires. Pour l’essentiel, elle introduit de nouvelles règles
déontologiques dans la fonction publique et actualise les droits et
obligations des agents publics. Elle contient aussi des dispositions sur
l’exemplarité des employeurs publics.
Le volet déontologie de la loi
Réaffirmation des valeurs fondamentales du service public
La loi inscrit dans le statut général des fonctionnaires
les obligations de dignité, d’impartialité, d’intégrité, de probité, de
neutralité et le respect de la laïcité. Ces obligations ne sont pas nouvelles, elles sont déjà reconnues par le juge administratif. Toutefois, le gouvernement
a souhaité réaffirmer les principes essentiels de la fonction publique,
sur lesquels doit veiller chaque chef de service dans le fonctionnement
quotidien des services dont il a la responsabilité.
L’obligation de laïcité, qui impose au fonctionnaire de
s’abstenir « notamment de manifester, dans l’exercice de ses fonctions,
ses opinions religieuses », doit faire l’objet d’autres développements.
Lors de la présentation de l’agenda social 2016, la ministre en charge
de la fonction publique a annoncé notamment la diffusion à tous les
fonctionnaires d’une charte de la laïcité dans les services publics et
la possible désignation d’un correspondant laïcité qui assurera une
mission d’écoute et d’accompagnement personnalisé des agents publics.
Prévention des conflits d’intérêts
La loi introduit dans le statut général des
fonctionnaires la notion de conflits d’intérêts et les obligations du
fonctionnaire confronté à une telle situation. Tout fonctionnaire civil
ou militaire devra veiller à faire cesser immédiatement ou à prévenir
les situations de conflits d’intérêts dans lesquelles il se trouve ou
pourrait se trouver, à l’occasion du traitement d’un dossier par exemple
ou s’il siège dans une instance collégiale. De plus, certains hauts
fonctionnaires (une liste des emplois concernés sera fixée par décret en
Conseil d’état) devront remplir une déclaration exhaustive de leurs
intérêts avant leur nomination et une déclaration patrimoniale, dans
les 2 mois suivant leur nomination puis leur fin de fonctions. Il
reviendra à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique
d’examiner ces déclarations. Par ailleurs, un référent déontologue
pourra conseiller le fonctionnaire afin qu’il se conforme à ses
obligations déontologiques.
Ce nouveau dispositif doit permettre de prévenir les
soupçons de partialité qui pourraient porter sur la prise de décision
publique. Il parachève celui mis en place pour les responsables
politiques par la loi du 11 octobre 2013 sur la transparence de la vie
publique.
Des dispositions spécifiques traitent des règles déontologiques applicables aux magistrats administratifs et financiers.
Nouvelle protection pour les lanceurs d’alerte
La protection qui existe pour les agents publics qui
dénoncent un crime ou un délit est étendue aux conflits d’intérêts. Les
agents publics qui signaleront, de bonne foi, l’existence d’un conflit
d’intérêts ne pourront pas être sanctionnés, ni discriminés dans leur
carrière. Cette protection concernera aussi les militaires.
En outre, ce sera à l’auteur de la mesure contestée de
prouver l’absence de conflit d’intérêts et non à l’agent lanceur
d’alerte.
Le statut des lanceurs d’alerte devrait encore évoluer à l’occasion du projet de loi
dit Sapin 2, qui prévoit notamment le renforcement de leur protection
juridique en cas de dénonciation de faits de corruption, de détournement
de fonds publics, de favoritisme, etc.
Renforcement des règles sur le cumul d’activités et les départs vers le secteur privé
L’encadrement des cumuls d’activités est renforcé. Les
agents publics ne pourront plus cumuler notamment un temps complet avec
le statut d’auto-entrepreneur ou la création ou la reprise d’une
entreprise immatriculée au registre du commerce ou au répertoire des
métiers. Le temps partiel de droit pour créer ou reprendre une
entreprise est, par ailleurs, supprimé. L’autorisation d’accomplir un
temps partiel dans ce cas sera accordée à l’agent sous réserve des
nécessités du service et après autorisation de la Commission de
déontologie de la fonction publique pour deux années maximum.
Le contrôle exercé par la Commission de déontologie de
la fonction publique en matière de « pantouflage » c’est-à-dire de
départ d’agents publics vers le secteur privé est aussi accru. La
saisine de la Commission devient obligatoire, et non plus facultative,
en cas de départ définitif ou temporaire de l’agent public vers une
entreprise du secteur concurrentiel, un organisme privé ou pour exercer
une activité libérale. Le contrôle de la Commission sur la compatibilité
de l’activité projetée avec les fonctions anciennement exercées par
l’agent dans l’administration est, en outre, élargi au respect des
principes déontologiques.
Autre disposition de la loi, celle visant à interdire
les « parachutes dorés ». Un fonctionnaire, parti travailler sous
contrat privé comme cadre dirigeant dans un organisme public ou privé
bénéficiant de financements publics, et qui réintègre la fonction
publique, ne pourra plus bénéficier d’indemnités autres que ses congés
payés.
Les autres dispositions contenues dans la loi
La loi contient de nombreuses autres dispositions, en
particulier sur la modernisation du statut des fonctionnaires et
l’exemplarité des employeurs publics. Parmi ces dispositions, figurent
les mesures clés suivantes.
Protection fonctionnelle des agents et de leurs familles
La protection fonctionnelle signifie que l’agent mis en cause pénalement ou civilement pour des actes liés à sa mission ou victime
de menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages
liées à sa mission a le droit d’être protégé sur le plan juridique par
son administration. Récemment 43 % des agents publics se disaient
victimes de violences verbales ou physiques.
La loi élargit les situations ouvrant droit à cette protection. Elle
bénéficiera désormais aussi aux agents :
- mis en cause pénalement et entendus en qualité de témoin assisté, ou placés en garde à vue ou qui se voient proposer une composition pénale,
- victimes d’atteintes volontaires à leur intégrité ou de harcèlement.
Les bénéficiaires de la protection fonctionnelle sont
également revus. Les conjoints, concubins, partenaires pacsés, ainsi que
les enfants et ascendants directs de l’agent public bénéficieront de la
protection fonctionnelle lorsqu’ils seront eux-mêmes victimes
d’atteintes volontaires à leur intégrité du fait des fonctions de
l’agent public ou engageront un procès civil ou pénal contre les auteurs
d’atteintes volontaires à la vie de l’agent du fait de ses fonctions.
Ces modifications s’inspirent des recommandations de la
mission indépendante de réflexion sur la protection fonctionnelle des
policiers et gendarmes remises au ministre de l’intérieur le 13 juillet
2012.
Égalité femmes-hommes
La loi encourage la parité. Lors des prochaines
élections professionnelles, les listes de candidats devront être
composées d’un nombre de femmes et d’hommes correspondant à la part de
femmes et d’hommes inscrits sur la liste électorale. Les conseils
supérieurs des trois fonctions publiques et le conseil commun de la
fonction publique seront également soumis aux règles de la
représentation équilibrée des femmes et des hommes au 1er janvier 2019.
Enfin, la Commission de déontologie de la fonction publique devient
paritaire.
Amélioration de la situation des contractuels
Les agents contractuels se voient notamment reconnaître les mesures suivantes :
- leurs droits et obligations sont alignés sur ceux des fonctionnaires (sauf dispositions particulières),
- le dispositif « Sauvadet » du 12 mars 2012 de titularisation est prolongé jusqu’en mars 2018,
- dans la fonction publique d’État, la faculté de recruter directement des agents en contrat à durée indéterminée (CDI) pour des postes où il n’existe pas de corps de fonctionnaires est généralisée (la loi Sauvadet l’autorisait déjà à titre expérimental pour 4 ans).
Dispositif applicable en cas de suppression d’emploi dans la fonction publique d’État
Le dispositif de réorientation professionnelle, créé au
moment de la révision générale des politiques publiques (RGPP) par la
loi du 3 août 2009 pour les fonctionnaires d’État dont l’emploi est
supprimé, est abrogé. Il est remplacé par une priorité d’affectation ou
de détachement pour les agents concernés. Le fonctionnaire, qui ne peut
pas être réaffecté directement, bénéficie d’une priorité « sur tout
emploi correspondant à son grade et vacant dans un service ou une
administration situé dans la même zone géographique, après avis de la
commission administrative paritaire compétente ».
Certains sénateurs souhaitaient également insérer dans
la loi d’autres mesures dont un délai de carence de 3 jours en cas de
congé maladie des fonctionnaires ou la suppression de la dérogation aux
35 heures pour certaines collectivités locales. Toutefois, l’accord
final trouvé en commission mixte paritaire a écarté ces propositions.
La loi nécessitera une vingtaine de textes
d’application. En outre, elle autorise le gouvernement à prendre dans un
délai de 12 mois suivant sa publication plusieurs ordonnances sur
l’affectation des agents publics dans des zones connaissant des
difficultés particulières de recrutement, la modernisation des
conditions d’affectation et des positions statutaires des agents publics
afin de favoriser la mobilité et l’adoption de la partie législative du
code général de la fonction publique.
Mots clés :
Fonction publique
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire