Réformes par ordonnances : les syndicats redoutent que Macron « passe à la hussarde »
Devant la volonté de l’exécutif d’aller vite sur les réformes liées au travail, les syndicats craignent de ne pas être entendus et mettent en garde sur un passage en force.
Par Guillaume Jacquot (Sujet vidéo : Cécile Sixou)
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Emmanuel Macron l’a souvent répété durant sa campagne. Sur la réforme du droit du travail, il veut aller vite. En légiférant dès l’été par ordonnances, il souhaite provoquer un « choc de confiance » et espère produire des résultats rapidement. Voici comment il expliquait sa feuille de route le 11 avril sur notre antenne :
« Je propose qu'il y ait une concertation accélérée en début de quinquennat, et sur ce sujet-là qu'on fonctionne par ordonnances pour le faire durant l'été. Pourquoi ? Parce qu'il y a besoin d'un choc de confiance, d'une vraie accélération, d'une détermination à l'épreuve. Et parce que nous avons besoin de faire passer cette réforme pour que les premiers effets se fassent sentir rapidement. »
Depuis l’élection, la méfiance grandit chez les organisations syndicales, et notamment chez la première d’entre elle, la CFDT.
« Si Emmanuel Macron veut passer à la hussarde, ça ne marchera pas »
Ce mardi dans les Échos, le patron de la confédération, Laurent Berger, multiplie les mises en garde face à la méthode Macron. « Si Emmanuel Macron veut passer à la hussarde, ça ne marchera pas. Il se trompe s’il croit que légiférer par ordonnances dès la rentrée lui permettra d’éviter un conflit social », avertit le syndicaliste, qui juge le temps de la concertation « indispensable ». « Une réforme hâtive du Code du travail serait contreproductive », ajoute le dirigeant réformiste.
Si la CFDT considère que l’utilisation des ordonnances est une question qui relève des relations entre le gouvernement et le parlement, elle se montre critique sur le calendrier resserré à venir. « Sur des sujets aussi lourds, ça demande du temps. Ce n'est pas de la perte d'efficacité. Peut-être que pour le mois d’août, ça me paraît un peu précipité, pour ne pas dire carrément précipité », lâchait le 11 mai Laurent Berger.
Emmanuel Macron « a une vision du dialogue social qui n'est pas complète », s’inquiétait sur France Inter la numéro 2 de la CFDT, Véronique Descacq, qui n’exclut pas un mouvement social :
« Sans concertation suffisante, s'il y a des choses qui ne nous conviennent, pourquoi pas des manifestations, mais c'est un peu tôt pour envisager cela. »
« Ce n’est pas le refus de la discussion »
À peine nommé, Édouard Philippe a tenté lundi soir sur TF1 de déminer le terrain, en direction des syndicats comme des parlementaires. Le nouveau Premier ministre a assuré qu’il y aurait « évidemment consultation et discussion » avec les partenaires sociaux d’une part, et un « moment de discussion parlementaire » avec la loi d’habilitation pour les ordonnances, d’autre part :
« Ces ordonnances, ça n'est pas le refus de la discussion, et j'insiste sur ce point. Une bonne réforme c'est une réforme qui est pensée, annoncée, discutée et ensuite rapidement exécutée parce que les Français attendent une transformation, ils attendent des progrès. »
Si la loi Larcher de 2007 prévoit bien une phase de concertation avec les partenaires sociaux avant toute réforme sociale, l’équipe d’Emmanuel Macron prévient que l’adoption par la voie de l’ordonnance aura bien lieu. « Le président de la République ne reculera pas », il en fera « un signal politique fort », selon Jean-Paul Delevoye, cité par les Échos.
Avant même que ne soient abordées les questions de fond, le choix des ordonnances a en tout cas braqué plusieurs syndicats, inquiets d’un passage en force des réformes sociales. « Je ne veux pas d’ordonnance sur les questions sociales », exigeait Jean-Claude Mailly (FO). La CGT de Philippe Martinez appelait « solennellement Emmanuel Macron à renoncer à imposer de nouveaux reculs sociaux par ordonnance ou 49-3 ». « Par sa volonté de gouverner par ordonnances, il montre le peu de cas qu'il fait des syndicats, et prépare une politique autoritaire », a annoncé Solidaires.
Le président de la CFE-CGC, François Hommeril a estimé « ne pas voir l'utilité et l'intérêt des ordonnances », ajoutant :
« Il n'y pas de sujet, notamment en matière sociale, qui soit aussi grave, ou aussi urgent qu'on doive le traiter sans concerter correctement avec les organisations syndicales. »
Un débat « surréaliste » pour Pierre Gattaz
Du côté du patronat, en revanche, on défend le recours aux ordonnances. Dans sa conférence de presse mensuelle, le président du Medef a pressé l’exécutif. « Il faut aller vite, pour la confiance, pour l'aspect attractif de la France », a déclaré Pierre Gattaz, qui juge « surréaliste » le débat sur les ordonnances. « Elles font partie de nos outils démocratiques, elles permettent d'aller vite et ne suppriment pas du tout la concertation », assure le patron des patrons.
Quant à la Confédération des PME (ex-CGPME), elle a également validé le choix présidentiel, tout en réclamant sur le temps long de la « stabilité » et une « visibilité » à travers une loi cadre TPE-PME. « Il appartiendra en priorité au Premier Ministre de mettre en œuvre les ordonnances voulues par le Président de la République, et ce afin d’agir vite », a-t-elle écrit dans son communiqué.
Alors que les doutes se multiplient sur la méthode, la concertation avec les syndicats s’annonce elle aussi difficile, étant donné les chantiers qui seront sur la table : primauté aux accords de branches, fusion des institutions représentatives du personnel, ou encore, plafonnement des indemnités prud’homales. Ce dernier est même considéré comme une ligne rouge à ne pas franchir pour de nombreux syndicats, échauffés par des mois de contestation face à la loi Travail.
Jusqu’où iront le dialogue social et les compromis ? Dans son discours d’investiture, Emmanuel Macron a livré quelques signes d’intransigeance. « Je ne céderai sur rien des engagements pris vis-à-vis des Français », a-t-il déclaré, en promettant de « rendre confiance » aux Français » et de « libérer » le travail
Par ailleurs ,Inquiète de la réduction des effectifs promise par Emmanuel Macron, la CFDT de la fonction publique a sommé Edouard Philippe et le futur gouvernement d'adopter rapidement un "agenda social".
La CFDT de la fonction publique a prévenu ce lundi le futur gouvernement qu'il "ne sera pas acceptable que la question des moyens et des effectifs soit posée avant celle des missions", en le sommant d'adopter rapidement un "agenda social".
"La CFDT fonctions publiques attend que le prochain gouvernement engage sans attendre la construction d'un agenda social partagé avec les organisations syndicales représentatives des agents publics", déclare le 2e syndicat de la fonction publique dans un communiqué publié dès l'annonce de la nomination d'Edouard Philippe (LR) comme Premier ministre.
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