Prescription pénale : la loi
qui va faire plaisir aux fraudeurs financiers
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Voilà une
mesure qui fait tâche en pleine affaire Fillon… le Parlement vient d'adopter
une loi qui va potentiellement permettre aux auteurs d'abus de biens sociaux ou
de fraude fiscale d'échapper plus facilement aux poursuites pénales lorsque les
faits sont anciens.
C'est une
mesure passée relativement inaperçue, mais qui pourrait avoir un impact
sensible sur toutes les affaires relatives à des fraudes financières. Une
proposition de loi sur la prescription pénale, adoptée définitivement le 16
février par le Parlement, vient en effet d'entériner une mesure qui pourrait
potentiellement permettre aux auteurs d'abus de biens sociaux, de prise
illégale d'intérêts ou encore de fraude fiscale d'échapper plus facilement à des
poursuites lorsque les faits sont anciens.
Au départ,
l'objectif principal de cette loi était pourtant d'augmenter les délais de
prescription. Dans les cas "classiques" ils ont en effet été doublés,
de 3 à 6 ans pour les délits et de 10 à 20 ans pour les crimes. Mais un
amendement, émis par la commission des lois du Sénat puis repris par le
gouvernement, est venu assouplir le délai de prescription pour certaines
infractions "astucieuses".
Pour ces
dernières infractions, la jurisprudence avait acté le report du point de départ
du délai de prescription au moment où elles ont été découvertes (et non au
moment où les faits ont été commis). En clair, pour un délit entrant dans cette
catégorie, la prescription de 3 ans ne démarrait qu'à partir du moment où les faits
étaient mis au jour.
Plus
précisément, ce report était accepté au cas par cas, pour 2 principaux types
d'infractions : "occultes" ou "dissimulées". Cela
concernait principalement des fraudes de nature économique et financière : abus
de confiance, abus de biens sociaux, publicité trompeuse, malversation,
tromperie, trafic d'influence, fraude fiscale, prise illégale d'intérêts… comme
le détaille l'étude d'impact de ce texte.
L'amendement
adopté bouleverse ces règles en instaurant un nouveau délai de prescription,
courant à partir du jour où l'infraction a été commise, pour les infractions de
nature "occulte" ou "dissimulées". Ce délai est fixé à 12
ans pour les délits et à 30 ans pour les crimes. Une règle qui est donc plus
dure que pour le droit commun… mais tout de même plus favorable aux fraudeurs
que la situation actuelle. "En effet, une fois la loi promulguée, un délit
"occulte" ou "dissimulé" qui serait découvert cette année,
mais aurait été commis avant 2005, ne pourrait pas faire l'objet de poursuites...",
résume Benjamin Blanchet, chargé de mission à l'Union syndicale des magistrats.
L'adoption
de cette mesure a suscité son lot de critiques. L'avocate et ancienne députée
européenne Corinne Lepage a par exemple dénoncé une décision
"inadmissible". "Ce vote qui correspond à une demande très
ancienne et très constante d’une partie des chefs d’entreprise, arrange bien le
monde politique", dénonce-t-elle. Mais d'autres relativisent. "La
prescription est parfois considérée comme une injustice, mais c'est aussi un
moyen d'empêcher des poursuites infinies. Il est très compliqué de juger une
affaire lorsque les faits remontent à 20 ou 30 ans, car la qualité des preuves
et des témoignages s'érode avec le temps" souligne l'avocate Marie Dosé,
spécialisée en droit pénal.
Reste une
question : les rémunérations touchées par Penelope Fillon s'étalant de 1986 à 2013, les
faits reprochés à la famille Fillon pourraient-ils être en partie prescrits une
fois ces nouvelles règles entrées en vigueur ? "C'est un point qui prête à
débat, car le texte de loi peut être interprété de plusieurs manières",
avance Clarisse Taron, présidente du syndicat de la magistrature. Cela pourrait
en tout cas offrir un nouvel angle d'attaque aux avocats du candidat à la
présidentielle…
Thomas Le
Bars
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