lundi 27 mars 2017

Prescription pénale : la loi qui pourrait faire plaisir aux fraudeurs financiers. Au départ, l'objectif principal de cette loi était pourtant d'augmenter les délais de prescription. Dans les cas "classiques" ils ont en effet été doublés, de 3 à 6 ans pour les délits et de 10 à 20 ans pour les crimes. Mais un amendement, émis par la commission des lois du Sénat puis repris par le gouvernement, est venu assouplir le délai de prescription pour certaines infractions "astucieuses".



Prescription pénale : la loi qui va faire plaisir aux fraudeurs financiers


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Voilà une mesure qui fait tâche en pleine affaire Fillon… le Parlement vient d'adopter une loi qui va potentiellement permettre aux auteurs d'abus de biens sociaux ou de fraude fiscale d'échapper plus facilement aux poursuites pénales lorsque les faits sont anciens.
C'est une mesure passée relativement inaperçue, mais qui pourrait avoir un impact sensible sur toutes les affaires relatives à des fraudes financières. Une proposition de loi sur la prescription pénale, adoptée définitivement le 16 février par le Parlement, vient en effet d'entériner une mesure qui pourrait potentiellement permettre aux auteurs d'abus de biens sociaux, de prise illégale d'intérêts ou encore de fraude fiscale d'échapper plus facilement à des poursuites lorsque les faits sont anciens.
Au départ, l'objectif principal de cette loi était pourtant d'augmenter les délais de prescription. Dans les cas "classiques" ils ont en effet été doublés, de 3 à 6 ans pour les délits et de 10 à 20 ans pour les crimes. Mais un amendement, émis par la commission des lois du Sénat puis repris par le gouvernement, est venu assouplir le délai de prescription pour certaines infractions "astucieuses".
Pour ces dernières infractions, la jurisprudence avait acté le report du point de départ du délai de prescription au moment où elles ont été découvertes (et non au moment où les faits ont été commis). En clair, pour un délit entrant dans cette catégorie, la prescription de 3 ans ne démarrait qu'à partir du moment où les faits étaient mis au jour.
Plus précisément, ce report était accepté au cas par cas, pour 2 principaux types d'infractions : "occultes" ou "dissimulées". Cela concernait principalement des fraudes de nature économique et financière : abus de confiance, abus de biens sociaux, publicité trompeuse, malversation, tromperie, trafic d'influence, fraude fiscale, prise illégale d'intérêts… comme le détaille l'étude d'impact de ce texte.
L'amendement adopté bouleverse ces règles en instaurant un nouveau délai de prescription, courant à partir du jour où l'infraction a été commise, pour les infractions de nature "occulte" ou "dissimulées". Ce délai est fixé à 12 ans pour les délits et à 30 ans pour les crimes. Une règle qui est donc plus dure que pour le droit commun… mais tout de même plus favorable aux fraudeurs que la situation actuelle. "En effet, une fois la loi promulguée, un délit "occulte" ou "dissimulé" qui serait découvert cette année, mais aurait été commis avant 2005, ne pourrait pas faire l'objet de poursuites...", résume Benjamin Blanchet, chargé de mission à l'Union syndicale des magistrats.
L'adoption de cette mesure a suscité son lot de critiques. L'avocate et ancienne députée européenne Corinne Lepage a par exemple dénoncé une décision "inadmissible". "Ce vote qui correspond à une demande très ancienne et très constante d’une partie des chefs d’entreprise, arrange bien le monde politique", dénonce-t-elle. Mais d'autres relativisent. "La prescription est parfois considérée comme une injustice, mais c'est aussi un moyen d'empêcher des poursuites infinies. Il est très compliqué de juger une affaire lorsque les faits remontent à 20 ou 30 ans, car la qualité des preuves et des témoignages s'érode avec le temps" souligne l'avocate Marie Dosé, spécialisée en droit pénal.
Reste une question : les rémunérations touchées par Penelope Fillon s'étalant de 1986 à 2013, les faits reprochés à la famille Fillon pourraient-ils être en partie prescrits une fois ces nouvelles règles entrées en vigueur ? "C'est un point qui prête à débat, car le texte de loi peut être interprété de plusieurs manières", avance Clarisse Taron, présidente du syndicat de la magistrature. Cela pourrait en tout cas offrir un nouvel angle d'attaque aux avocats du candidat à la présidentielle…
Thomas Le Bars
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