vendredi 22 mars 2013

Le travail ... (c')e(s)t... la santé dans le Bassin Rhône-Méditerranée et Corse : pesticides et rivières altérées dégradent le bilan de qualité des cours d’eau



Par L. Madoui
Publié le 21/03/2013
dans : Régions




Seule la moitié des cours du bassin Rhône-Méditerranée et Corse présente un état écologique satisfaisant. Le bassin, qui s’étend sur le quart du territoire, identifie deux « facteurs limitants » : la pollution aux pesticides et la déformation hydromorphologique.


Une petite moitié (47 %) des cours d’eau du bassin Rhône-Méditerranée et Corse est en bon ou très bon état écologique (1), selon le rapport publié mercredi 20 mars 2013 par l’Agence de l’eau à partir d’analyses réalisées entre 2009 et 2011 sur quelque 1 500 points de surveillance.
L’établissement public identifie deux « bêtes noires », selon son directeur général, Martin Guesperau :
  1. les pesticides
  2. et les altérations physiques subies par les cours d’eau, sur lesquels il reste « une marche très haute à franchir ».
Des rivières imbibées de pesticides - « La pollution élevée est une situation à laquelle on s’est trop habitué en France », déplore l’ancien directeur général de l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail.
Sur Rhône-Méditerranée et Corse, « 40 % des rivières sont imbibées de pesticides, présents également dans 20 % des nappes », souligne-t-il.
La contamination est particulièrement marquée dans le Beaujolais (vignoble), le Roussillon (arboriculture), le plateau de Valansole (lavande) et aux environs de Grasse (plantes aromatiques).
Premier incriminé : le glyphosate, la substance active du Roundup, présent sur les trois quarts des cours d’eau suivis. « Il y a quelques années, son fabricant Monsanto avait présenté cet herbicide comme biodégradable – et perdu un procès pour publicité mensongère. Nous confirmons que ce produit ne l’est pas ! » assène Martin Guesperau.
Message à la police de l’eau - Curiosité : certains pesticides sont détectés alors même qu’ils sont interdits depuis des années. La rémanence de produits très stables, pouvant persister et être relargués pendant des années sous l’action de microorganismes, n’explique pas tout.
Les travaux de l’agence, menés en lien avec le Bureau de recherches géologiques et minières, l’Institut national de la recherche agronomique et l’Institut national de recherche en sciences et technologiques pour l’environnement et l’agriculture, concluent à l’usage courant de produits prohibés dans l’Aude, le Beaujolais, le Roussillon.
L’établissement public adresse ainsi « un message à la police de l’eau », insiste son directeur.
Gâchis financier - A l’arrivée, 38 nappes dans lesquelles puisent 49 captages (produisant 40 % de l’eau potable consommée sur le bassin) nécessitent des traitements poussés de potabilisation.
« Un énorme gâchis financier », selon Martin Guesperau.
A l’échelle nationale, le Commissariat général au développement durable (CGDD) avait chiffré, en 2011, entre 300 et 450 millions d’euros par an le coût du traitement des eaux contaminées par les pesticides et de leur mélange avec des eaux plus propres (2). Soit 2,5 fois plus que celui d’une compensation aux agriculteurs qui renonceraient à leurs pratiques polluantes, selon le CGDD.
Micropolluants, maxi-longévité - Autres micropolluants, les polychlorobiphényls (PCB), interdits à la vente et à l’utilisation depuis 1987, sont relevés sur la moitié des sites de surveillance.
Ces composés très stables, utilisés principalement comme isolant électrique, sont notamment présents au lac du Bourget, où la pêche est interdite depuis 2009.
Quant aux hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), « composés ubiquistes » d’origine diffuse et atmosphérique (production d’énergie, chauffage, transport), ils se retrouvent dans 99 % des sites de surveillance.
Conséquence de ces diverses contaminations : 600 tonnes de divers polluants (métaux en premier lieu, pesticides, HAP, PCB) arrivent chaque année en Méditerranée, l’essentiel demeurant à quelques kilomètres des côtes.
« Drogués aux digues » - Autre plaie des milieux aquatiques : la déformation subie par 60 % des cours d’eau du bassin Rhône-Méditerranée. Quelque 20 000 seuils et barrages, « dont la moitié ne sert plus à rien », note Martin Guesperau, rompent la continuité écologique, entraînant un recul de la vie piscicole (« les brochets peinent à trouver un habitat dans une rivière bétonnée ») et fragilisant les ponts.
« Les rivières ont été endiguées, étriquées pour gagner des terrains, observe l’ancien conseiller technique du Premier ministre François Fillon lors du Grenelle de l’environnement. On est drogué aux digues, à un point inimagineable : en Ardèche, les acteurs locaux ont défendu un projet de digue visant à protéger les terres agricoles, bien qu’une étude ait démontré que son coût serait 18 fois supérieur à celui d’une crue. »
Les inondations sont en outre aggravées par des cours d’eau « rectifiés », le parcours de l’eau étant accéléré sur ces lignes droites ayant effacé les méandres naturels.
Du fait des « facteurs limitants » que sont la contamination par les pesticides et la déformation morphologique des rivières, l’agence de l’eau ne s’avance pas sur la date à laquelle sera atteint l’objectif de deux tiers des masses d’eau en bon état écologique, fixé pour 2015 par la directive cadre sur l’eau de fin 2000.

L’assainissement collectif en nette amélioration

Touche positive au bilan dressé par l’agence de l’eau Rhône-Méditerranée et Corse : l’amélioration du traitement des eaux usées, qui a permis à la plupart des cours d’eau de recouvrer une bonne qualité physico-chimique, qui était médiocre il y a vingt ans. « La mise aux normes des stations d’épuration, industrielles d’abord puis urbaines, a fait passer l’abattement de la matière organique de 60 % à plus de 90 %, note Martin Guespereau, directeur général. Sur le Rhône, on a assez rapidement observé un retour de la vie aquatique. »
L’interdiction des phosphates dans les lessives en 1992 a aussi eu un effet bénéfique : les phénomènes d’eutrophisation ont quasiment disparu du bassin, hormis quelques sites où la présence de ces composés dérivés du phosphore s’ajoute à celle des nitrates (étang de Berre). Voyant le verre à moitié plein, le directeur de l’agence considère que l’amélioration sur le tableau des eaux usées et des phosphates explique que la moitié des cours d’eau soit en bon état écologique.
La pollution par les nitrates est cantonnée à quelques secteurs (Pays Lauragais au sud-est de Toulouse, Beaujolais) mais aucun progrès n’est observé depuis plusieurs années. Localisée, la contamination n’est pas à l’origine d’algues vertes en Méditerranée, « mer pauvre en nutriments contrairement à la Manche », précise le directeur de l’agence.
Sur le bassin comme au plan national, la Corse, « bijou d’entre les bijoux » selon Martin Guespereau, fait figure d’exception : la pollution aux nitrates y est absente et 80 % des cours d’eau sont en bon ou très bon état. L’île ne représentant toutefois que moins de 10 % des masses de Rhône-Méditerranée et Corse, sa performance n’infléchit guère le bilan global du bassin hydrographique.

Note 01: Le bon état correspond à un niveau d’activité humaine compatible avec le bon fonctionnement des processus écologiques, en particulier la présence et le maintien des communautés aquatiques, floristiques et faunistiques. Le très bon état correspond à l’absence d’activité humaine ou des activités à l’impact non significatif sur les milieux aquatiques. - Retourner au texte
Note 02: Entre 400 et 700 millions d'euros par an si l’on ajoute le coût induit par les nitrates. - Retourner au texte
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Références
Le rapport complet

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