Un
rapport moins ambitieux que celui
de Jacques Attali.
Il y a 4 ans, Jacques Attali rendait son rapport, dans une hystérie médiatique. En près de 250 pages, l’ancien Sherpa de François Mitterrand expliquait comment créer les conditions permettant de «retrouver les voies d’une croissance forte, financièrement saine, socialement juste et écologiquement positive».
Au menu, 316 «décisions pour changer la France» dans des domaines aussi divers que l’éducation, la fiscalité, la recherche, les technologies nouvelles, l’environnement, l’énergie, les grandes infrastructures, le financement des retraites, l’activité des PME ou l’urbanisme.
L’homme qui voulait endiguer le Gange et le Brahmapoutre soulignait ainsi «les opportunités du développement durable». Apôtre de «la croissance forte, d’un genre nouveau, pour réorienter la production vers les secteurs non polluants», Jacques Attali soutenait que «l’amélioration de la situation de l’environnement permet d’améliorer les conditions de la croissance, en stabilisant le climat (réduction des émissions et stockage de carbone), en renouvelant les sources d’énergie et de matières premières, en restaurant les réserves d’eau et les sols, en réduisant les toxicités chroniques, en recréant de la diversité biologique, culturelle, technique».
A cet égard, l’auteur de Au-delà de nulle part envisage «une nouvelle politique énergétique moins dépendante et plus durable». Promoteur, avant l’heure, de la transition énergétique, Jacques Attali propose d’accroître les efforts de recherche sur le stockage de l’électricité, de verdir la fiscalité, développer le captage-stockage géologique du CO2, construire un EPR, développer une politique européenne de l’énergie (avec une taxation des émissions de GES), évaluer l’innocuité des OGM, lancer la construction de 10 «éco-villes» de 50.000 habitants, renforcer la performance énergétique des appareils informatiques, etc. N’étant pas à une contradiction près, il soutient aussi le low cost aérien.
Etant entendu, à l’époque, que «un point de croissance de PIB en plus pourrait signifier chaque année par exemple, tout à la fois 500 euros de pouvoir d’achat en plus par ménage, 150.000 créations d’emplois supplémentaires, 90.000 logement sociaux de plus, 20.000 enfants handicapés scolarisés, 20.000 places d’hébergement d’urgence créées en plus pour les sans-abri, la généralisation du RSA pour les allocataires du RMI, une augmentation de moitié des moyens de la recherche pour la santé et les biotechnologies, le doublement de notre aide au développement, et 4.000 euros de dette publique en moins pour chaque citoyen, le tout sans alourdir les impôts ni aggraver le déficit».
Hélas, faute d’avoir été correctement administrée, la potion du docteur Attali n’a pas donné les effets escomptés. En 2008, le PIB français a reculé de 0,1%; de 3,1% l’année suivante. Le taux de croissance a péniblement atteint 1,7% (deux fois moins que le PIB mondial), ces deux dernières années. Depuis le début de l’année, elle flirte avec le zéro absolu.
Le 11 juillet dernier, le gouvernement de Jean-Marc Ayrault confie au tout nouveau commissaire général à l’investissement, Louis Gallois, la rédaction d’un nouveau rapport, centré cette fois sur la compétitivité française.
Officiellement remis ce matin au Premier ministre, le rapport Gallois est moins ambitieux que celui de Jacques Attali. Plutôt que de donner toutes les pistes pour relancer la croissance, il se focalise sur la relance de la compétitivité de l’industrie française. Une industrie, rappelons-le, qui ne produit «que» 12,5% de la valeur ajoutée de l’Hexagone et n’emploie «que» 12,6% de sa population active. Hélas, c’est aussi un secteur en perte de vitesse. «Globalement, le solde de la balance commerciale est passé d’un excédent de 3,5 milliards d’euros en 2002 à un déficit de 71,2 Md€ (soit 3,5 points de PIB), en 2011», rappelle le rapport de l’ancien chevènementiste.
La faute à son positionnement «moyen de gamme» et à ses coûts jugés «relativement élevés». Mais aussi à la faiblesse de ses investissements en matière de recherche, aux difficultés d’accéder au crédit, au petit nombre d’entreprises de taille intermédiaire. Sans oublier l’inefficacité du dialogue social.
Pour relancer la machine, l’ancien patron d’EADS fait de nombreuses propositions pour accompagner la montée en gamme des industriels tricolores: stabilisation de la réglementation, meilleure représentation des salariés dans les instances dirigeantes, création d’un commissariat à la prospective, transfert de 30 Md€ de charges sociales vers la fiscalité et réduction de la dépense publique.
L’ex-patron de la SNCF (gros consommateur d’énergie) rappelle aussi que l’industrie doit bénéficier d’une énergie low cost. Pour cela, il recommande, sans trop s’étendre, d’investir dans les réseaux de transport et de distribution d’électricité, histoire d’accueillir les énergies renouvelables. Un sujet sensible que l’Etat bloque depuis plus d’un an, pour ce qui est de la distribution. Et depuis bien plus longtemps encore pour ce qui a trait au développement des interconnexions.
Autre sujet «touchy»: le nucléaire. Louis Gallois estime que «la durée d’exploitation des centrales devrait relever en fait de l’appréciation de l’ASN». Une remarque qui ne manque pas d’étonner. Car le gendarme du nucléaire détermine déjà la durée de vie des réacteurs. A moins, bien sûr, que le commissaire général à l’investissement n’ait voulu dire qu’il fallait généraliser à 40 ans la durée d’exploitation des réacteurs d’EDF, pour l’instant acquise pour deux tranches seulement.
Last but not least, le rapport rappelle que «dans la plupart des scénarios de transition énergétique (le français doit en principe être arrêté à l’issue du débat national), la part du gaz augmente ou ne se réduit pas à long terme». Conclusion annoncée d’avance: il est urgent de relancer la recherche sur les techniques d’exploitation des gaz de schiste. Rien, en revanche, sur l’efficacité énergétique et la maîtrise de la consommation d’énergie.
Un oubli regrettable alors que «toutes» les études (Xerfi, Eurostaf, notamment) montrent que le marché français des services énergétiques bondit d’année et année, fournissant des marges confortables à ses leaders. Regrettable aussi, car des pays où l’industrie est chère, comme le Japon, restent de redoutables concurrents industriels. Regrettable enfin, car le meilleur soutien à l’industrie est peut-être de la préparer à l’ère de l’énergie chère. Ce monde où la consommation d’hydrocarbures et d’électricité ne sera plus subventionnée, à coup de détaxation et de tarifs régulés. Un monde où émettre une tonne de gaz à effet de serre coûtera plus cher que d’investir dans la production propre et sobre. Un monde qui ne versera pas 60 Md€/an de rente aux pays producteurs de gaz et de pétrole. Un monde qu’à l’évidence Louis Gallois n’a pas encore visité.
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