lundi 7 décembre 2009

Supprimez les juges, et vous supprimez les « affaires ». Berlusconi en a rêvé, Nicolas Sarkozy est en train de le faire.

Des chambres des comptes aveugles
Magistrats / lundi 7 décembre par Jacques-Marie Bourget backchich info



Les chambres régionales des comptes veillent au bon emploi de l’argent public et luttent contre la corruption. Leur réforme, discrète, les vide de tout sens.

Supprimez les juges, et vous supprimez les « affaires ». Berlusconi en a rêvé, Nicolas Sarkozy est en train de le faire.

Déjà que le magistrat, celui qui peut instruire tranquillement le dossier au pénal, est un oiseau rare. Mais d’autres juges, discrets et peu connus, ont aussi la tête sur le billot : les magistrats des chambres régionales des comptes.

Certes, ça sent un peu le cassoulet et la lustrine. Voilà pourtant des gens utiles qu’on flingue en silence. Morts sur ordonnances puisque l’Assemblée nationale n’en connaîtra pas un mot.

État des lieux. Avant 1982, les préfets, qui présidaient les conseils généraux, garantissaient le bon usage de l’argent public. Avec la loi de décentralisation et la naissance des régions en 1982, chacune d’elles a été dotée d’une chambre des comptes chargée d’éplucher nos débours collectifs.

Mine de rien, fonctionnaires comptables et magistrats – 800 personnes dans la France des régions –, veillent à la fois au bon emploi de notre argent (ne pas acheter des frigidaires aux Inuits) et à l’absence de corruption (pas de Maserati pour la maîtresse du président).

Pour éradiquer la corruption, on va donc supprimer les chambres régionales des comptes. N’en garder qu’une poignée, à compétence territoriale plus étendue. On gave le 9-3 de flics, ce qui coûte Kärcher, mais on économise sur la morale financière, « en régions ».

Le principe républicain du « tout contrôle » passe à la benne
Comment ? Simple, les quelques chambres, suprarégionales, auront un pouvoir d’investigation réduit. Alors qu’aujourd’hui, tout taille-crayon acheté avec de l’argent public passe sous l’oeil du contrôle, demain les communes de moins de 5 000 habitants, dont les recettes sont inférieures à trois millions d’euros, passeront à l’as. Et les comptes des établissements publics locaux, qui desservent moins de 10 000 âmes et palpent moins de cinq millions d’euros par an, seront réputés vertueux.

Moralité, pour monter une affaire d’emplois fictifs, faites-le dans de gros bourgs, pas à Paris. Retenez que le principe républicain du « tout contrôle » passe à la benne (verte ou jaune ?). Le droit, celui de tout citoyen pouvant « demander compte à tout agent public de son administration », c’est fini, n-i, n-i.

Sur la paille vont se retrouver 87 magistrats et 65 glorieux comptables. Sachant que, depuis la loi du 3 août 2009, on peut licencier un fonctionnaire (eh oui, Jacques Marseille), ces emmerdeurs risquent d’être chômedus et c’est tant mieux. Ils n’auront qu’à faire traders.

Ces nouvelles chambres vont changer de nature. Désormais, outre juges et comptables, elles compteront des élus et des « représentants des ministères »… Autant demander à ce convoyeur, pas mal voleur de 11 millions, de surveiller la Banque de France.

En clair : il sera impossible pour les nouvelles chambres de faire traduire un corrompu en justice. Bonne décision, vu la surpopulation carcérale.

Dans le même temps, puisque ce régime ne veut pas garder les chambres, il va mettre en place des « espaces tests » où le contrôle sera privatisé, confié à des boîtes de commissaires aux comptes.

Mais le rêve final est de supprimer toute vérification. D’engranger dans des ordinateurs « silos » les dépenses et recettes de la nation. On pourra alors nommer une petite équipe de comptables, à mi-temps, qui découvriront sûrement où il va et à quoi ça sert. Notre argent.

Berlusconi, un exemple en matière judiciaire pour Sarkozy.Dessin de PieR

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