Intercommunalités : comment l’Etat compte prendre les manettes
JB. Forray | Publié le 28 septembre 2009 | Mis à jour le 05 novembre 2009 | Dossier : Réforme des collectivités : décryptage des projets de loi
Le texte donne à l'Etat les armes pour revoir les limites des communautés. Des commissions composées d'élus seraient associées à cet effort.
Sous la dénomination « achèvement de la carte intercommunale » se cache un chantier à certains égards prométhéen. Car le gouvernement ne veut pas se cantonner à rattacher d’« ultimes villages gaulois » à une communauté. Sa tâche se veut, avant tout, qualitative.
Il entend recomposer et rationaliser le périmètre de bien des communautés. Pour ce faire, il fixe, dans son texte, deux grands objectifs. Le premier vise, « dans la mesure du possible », à parvenir à des ensembles de plus de 5 000 habitants. L’Assemblée des communautés de France (ADCF) et son président, Daniel Delaveau, président (PS) de Rennes métropole, y adhèrent. Ils souhaitent, cependant, y adjoindre un critère alternatif : « au moins dix communes ». Il faudra aussi prendre en compte la géographie et la spécificité des territoires de montagnes isolés, par exemple, complète Jean-Paul Vogel, président de l’Association des directeurs généraux des communautés de France.
Le second objectif porte le nom d’« unité urbaine au sens de l’Insee ». Derrière cette appellation un brin ésotérique pour le profane, la continuité du bâti. En clair, la ville vue du ciel. Sur ce volet, là encore, le consensus règne.
ADCF, AMF et Sénat alliés.
Le bât blesse au moment d’aborder le calendrier de cette réforme. Les associations d’élus, unanimes, veulent aller vite. A leurs yeux, le chantier a perdu assez de temps. Et chacune d’entre elles de rappeler que celui-ci était déjà inscrit dans l’avant-projet de loi « Marleix » de l’été 2008. Un texte mis entre parenthèses par les travaux de la commission « Balladur » (octobre 2008-mars 2009).
Les élus locaux continuent, encore et toujours, de plaider pour un achèvement de la carte au 31 décembre 2011. Dans le sillage du rapport « Balladur », le gouvernement préfère le 31 décembre 2013. Une échéance que les associations jugent beaucoup trop proche du rendez-vous des élections municipales de mars 2014. Un bras de fer s’engage.
Dans leur revendication, les élus locaux pourront naturellement tabler sur un renfort de poids : le corps sénatorial. Le rapport, au sein de la Haute-Assemblée, de la commission pluraliste dite « Belot » se situe sur la même longueur d’ondes. A l’instar, aussi, du futur rapporteur du projet de loi, le député (UMP), Dominique Perben. Pour les partisans de l’option « 2011 », le temps se révèle leur pire ennemi.
Du côté du ministère de l’Intérieur, le 31 décembre 2011 marque une première étape : celle de l’adoption des schémas départementaux de coopération intercommunale (SDCI). Des documents du même type avaient été élaborés, avec plus ou moins de bonheur, en 2006. Mais ils n’étaient consacrés que par une circulaire, celle du 23 novembre 2005, prise juste après le fameux rapport de la Cour des comptes sur l’intercommunalité en France. Là, ils seront revêtus d’une onction et d’une valeur législatives.
Casting contesté.
Pour élaborer ces SDCI, des commissions départementales de coopération intercommunale (CDCI) seront refondées, composées de représentants des communes à 50 %, des intercommunalités au sens large (syndicats compris) à 30 %, et des départements et des régions à 20 %.
Des ratios qui ne conviennent ni à l’ADCF, ni à l’AMF qui souhaitent leur révision, à savoir : 40 % pour les communes, 40 % pour les intercommunalités à fiscalité propre, 20 % pour le restant. Un casting qui, dixit l’ADCF, a toute chance de recevoir les faveurs du Parlement.
Bien au-delà de ce différend, en définitive assez minime, autour de la composition des instances, la pomme de discorde se situe après l’adoption du SDCI. Le préfet fixe alors un arrêté pour la mise en œuvre de celui-ci, ou non. Il peut s’écarter du schéma. Et, in fine, imposer lui-même une fusion, un rattachement, un changement de communauté.
Nous sommes face à un scepticisme sur la capacité des élus à s’entendre, jauge Nicolas Portier, délégué général de l’ADCF. Mais les préfets n’ont pas toujours fait leurs preuves. Nous souhaitons, sauf exception, que les SDCI deviennent des documents opposables. Pour surmonter les résistances locales, un pouvoir coercitif est parfois nécessaire, nuance Jean-Paul Vogel.
Du temps au temps.
A côté de ces procédures exceptionnelles, l’avant-projet de loi encourage les fusions de droit commun, c’est-à-dire fondées sur la liberté des « contractants ». Jusqu’ici, entre les parties, le mieux-disant s’imposait tout de suite. La communauté de communes devait immédiatement s’aligner sur la communauté d’agglomération et celle en fiscalité additionnelle adopter la taxe professionnelle unique de l’autre.
Désormais, avec ce texte, on donne du temps au temps. Une période d’adaptation progressive de deux ans figure au menu. Une approche que chacun juge plus conforme à la révolution tranquille engagée par la loi « Chevènement », du 12 juillet 1999.
« Combler tous les trous avant la fin de l’année 2011 »
Pierre Morel-A-L’Huissier, député (UMP), président de la communauté de communes des Hautes Terres (Lozère) et membre du bureau de l’ADCF
La date de 2014 est trop éloignée. Il faut aller plus vite et combler tous les trous avant fin 2011. C’est indispensable en milieu rural car les communes qui ne font pas partie d’une intercommunalité ne peuvent bénéficier du statut de zone de revitalisation rurale et des subventions afférentes.
L’objectif, ensuite, sera de réduire d’environ un quart le nombre d’intercommunalités et de favoriser les communautés fondées sur l’investissement. Les commissions départementales de coopération intercommunale sont à même d’apporter une expertise technique. Mais c’est à l’Etat, qui dispose du levier des dotations, d’arrêter éventuellement de nouveaux périmètres en ne perdant jamais de vue que, en la matière, le mieux est souvent l’ennemi du bien.
Les dates limites
• 31 décembre 2011 : adoption du schéma départemental de coopération intercommunale.
• 31 décembre 2012 : soit le préfet prend un arrêté pour faire respecter le SDCI, soit il fixe des mesures dérogatoires au schéma.
• 31 décembre 2013 : le préfet fixe par arrêté le périmètre des établissements publics de coopération intercommunale pour lesquels les communes ne sont pas parvenues à s’entendre.
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