jeudi 10 décembre 2009

Réforme des collectivités territoriales :La Confédération CFDT sera particulièrement vigilante

Réforme des collectivités territoriales
Les propositions de lois

Le Président de la République a annoncé lors de son discours, le 20 octobre 2009 à Saint-Dizier , les piliers de la réforme de l’organisation territoriale qu’il souhaite, reprenant ainsi une partie des propositions du rapport du Comité pour la réforme des collectivités locales ou « Comité Balladur » .
Le lendemain, quatre textes relatifs à la réforme des collectivités, dont une loi d’orientation qui sert de cadre pour la réforme, ont été présentés en Conseil des ministres. Ils doivent être discutés à partir de la mi-décembre au Parlement.
Cette circulaire a pour objet d’informer les équipes CFDT sur les piliers de la réforme à venir. Elle sera suivie par une analyse plus approfondie des différents textes de loi et particulièrement leur impact sur les compétences qui nous concernent en tant qu’organisation syndicale : la politique économique, l’action sociale, la formation professionnelle.
Une réforme « sensible », mais nécessaire
Le constat de l’enchevêtrement des compétences entre collectivités et du mille-feuille institutionnel, est un constat partagé au-delà des appartenances partisanes. Ce constat est aussi celui du bilan de l’acte II de la décentralisation dressé par la CFDT. La nécessité d’une réforme fait donc consensus. En revanche, le type de réforme proposé par le Président de la République provoque une levée de bouclier tant il met en jeu des intérêts contradictoires, souvent éloignés de l’intérêt général. Cela empêche le débat réel et serein que mérite une réforme avec un enjeu aussi important.

I. Les Projets de loi
Quatre projets de textes ont été déposés en même temps devant le Conseil des ministres du 22 octobre : 3 projets de loi et 1 projet de loi organique.
1. La loi d'orientation intitulée « projet de loi de réforme des collectivités territoriales »
Ce projet de loi pose le cadre général sur la démocratie locale avec la création du mandat de conseiller territorial, le statut des conseils communautaires, le renforcement de l’intercommunalité et la répartition de compétences entre collectivités.
Dans ce but, il propose de modifier le code général des collectivités territoriales en touchant à plusieurs autres domaines législatifs (urbanisme, impôts, action sociale).
2. Le projet de loi relatif à l’élection des « conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale »
Ce projet comporte les dispositions d’ordre électoral : élection des conseillers territoriaux, élection des conseillers municipaux et des délégués des communes dans les conseils des EPCI (Établissement public de coopération intercommunale) et les conditions d’exercice des mandats locaux.
Il prévoit la modification de plusieurs dispositions du Code électoral.
3. Le 3e texte « organise la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux ».
Le projet de loi contient des dispositions transitoires d’ici à 2014. Il modifie la durée du mandat des conseillers généraux et régionaux élus en 2010 et 2011 (réduits à 3 et 4 ans au lieu de 6 ans), pour permettre l’application de la réforme territoriale en mars 2014.
4. Le projet de Loi organique, « relatif à l’élection des membres des conseils des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale »
Ce projet de loi organique modifie des dispositions dont la Constitution prévoit expressément qu’elles doivent être réglées par une Loi organique. La première est relative au cumul de mandats de députés avec le nouveau mandat de conseiller territorial (autorisant le cumul). La deuxième est relative au droit de vote et d’éligibilité des ressortissants de l’Union européenne pour les élections municipales (autorisant le vote des citoyens européens).
II. Les innovations de cette réforme
Lors de la remise du « rapport Balladur », la CFDT avait accueilli favorablement certaines innovations tout en regrettant le manque d’audace de certaines propositions . La réforme présentée par le Président n’échappe pas aux contraintes des réalités politiques, elle souffre du même manque d’audace. L’exécutif ne fait pas de choix clair et conserve tous les échelons en optant pour le couple commune-intercommunalité et département-région comme ossature de l’architecture territoriale : autant dire que le mille-feuille a encore de beaux jours devant lui.
1. La création du conseiller territorial
La volonté affichée du gouvernement est une fusion des instances élues pour réduire de moitié le nombre de conseillers. Cette proposition reprise du « comité Balladur » est d’autant plus polémique, qu’elle ressemble à une réelle mécanique pour maîtriser la carte électorale. De la proposition du Comité elle ignore les modalités d’élection en maintenant les cantons et en les redessinant.
Cette mesure risque aussi d’affaiblir les régions. On n’élira plus ses conseillers par liste au niveau régional, mais parmi des élus cantonaux qui siégeront en premier dans les conseils généraux. Ce mode de scrutin place le canton au centre des enjeux politiques et risque de créer en région une compétition entre les territoires, avec des élus qui préféreraient défendre leur circonscription au détriment d’une vision d’intérêt général pour l’ensemble de la région.
2. La clarification des compétences
La réforme ne redéfinit pas les compétences des collectivités. Par contre elle les restreint, pour les Départements et les Régions, en leur ôtant la clause de compétence générale qui leur permettait d’intervenir sur tous les champs.
Cette mesure est un réel recul pour la décentralisation. Priver les régions de la clause de compétence générale, c’est les amputer d’un ensemble d’outils pour aménager leur territoire. La clause de compétence générale évitait, jusqu’ici, la compétition entre les territoires infrarégionaux et diminuait les disparités entre les communes au sein même d’une seule région. Cette clause a aussi permis à plusieurs régions et autres collectivités locales d’abonder, voire de se substituer aux investissements de l’État. Pour la CFDT, elle doit être maintenue pour les régions.
3. Le statut de métropole et les « communes nouvelles »
La réforme prévoit la création d’un nouveau statut de structure intercommunale, proposé aussi par le « comité Balladur », celui de « Métropole ». Ce statut est réservé aux villes de plus de 450.000 habitants (8 aires urbaines potentielles), sur la base du volontariat. La loi prévoit de les doter des compétences des régions ou des départements (action sociale, développement économique, collèges, lycées…). Cette mesure pourrait être audacieuse, car elle rapprocherait le citoyen du centre de décision. Mais sans garanties il risque d’y avoir quelques dérives (clientélisme, manque de financement…). Certains départements pourraient se voir appauvrir, sur leur territoire situé en dehors de leur métropole et de se retrouver sur une inégalité de traitement au sein d’un même territoire.
On peut noter positivement l’élection des conseillers communaux par suffrage universel direct en même temps que les conseillers municipaux. Par cette initiative, les intercommunalités rejoignent les autres collectivités dans un mode de fonctionnement plus démocratique.

Une réforme en demi-teinte bien en deçà des ambitions de départ
En enchaînant dans l’agenda politique le débat sur les collectivités territoriales avec le découpage des circonscriptions, en abordant cette réforme par son aspect électoral, le gouvernement manque son rendez-vous pour une réforme ambitieuse de l’architecture territoriale. La justification par la réduction du nombre de fonctionnaires et des moyens sert davantage à satisfaire les corporations d’élus plutôt qu’à donner une légitimité à la réforme en termes de réponses aux défis à venir.
En lieu et place, nous nous retrouvons avec une réforme timide dans la simplification des échelons administratifs comme dans la clarification des compétences de ces mêmes échelons ; une réforme risquée, à partir du moment où certaines mesures, telle que le maintien des cantons et les nouveaux modes de scrutin, ne sont motivées que par le mode de gouvernance et non par l’objectif à atteindre.
La Confédération sera particulièrement vigilante aux formes définitives que prendront ces propositions de lois et au débat parlementaire lors de leur présentation aux deux assemblées. Elle en informera les organisations CFDT concernées au fur et à mesure de l’avancée du dossier.

>

Aucun commentaire: