Opération Mains propres à Marseille?
Par Philippe Bidalon, Léa Delpont, publié le 01/12/2009 à 18:16 - mis à jour le 01/12/2009 à 18:39
REUTERS/Jean-Paul Pelissier
Le frère de Jean-Noel Guerini, le puissant président (PS) du conseil général, inquiété par la justice.
Les enquêtes financières en cours font trembler les institutions locales. Surtout celles tenues par le PS.
Un drôle de climat s'installe dans le département des Bouches-du-Rhône et notamment à Marseille. Comme un air d'opération Mains propres, que vient renforcer l'entrée en lice aux régionales, comme tête de liste Europe-Ecologie de Laurence Vichnievsky.
L'ancienne juge, collègue d'Eva Joly, écarte d'emblée toute alliance au second tour avec ceux qui auraient affaire à la justice. Or, des affaires, en Paca, il pourrait bien en sortir un bon nombre dans les semaines qui viennent.
En 2007, L'Express avait consacré un dossier régional au système Guérini dans les Bouches-du-Rhône. Retrouvez-le ici.L'une est déjà ancienne: les détournements de subventions du conseil régional (700 000 euros avérés) ont amené son président, le socialiste Michel Vauzelle, à retirer sa délégation à la députée PS Sylvie Andrieux.
L'autre, plus récente, remonte à l'annonce simultanée, sur France 3 et Bakchich, le 18 novembre, d'une information judiciaire pour atteinte à l'égalité des marchés, "détournement de fonds publics et trafic d'influence".
Elle a fait l'effet d'une bombe. Dès le lendemain, les gendarmes effectuaient une perquisition au domicile et au siège de l'entreprise d'Alexandre Guérini, frère de Jean-Noël, le puissant président (PS) du conseil général.
Et voici que, lundi, les pandores débarquent dans les bureaux du directeur général des services de la communauté urbaine Marseille Provence Métropole, et de l'un de ses adjoints, chargé notamment de la propreté.
"Pas un gramme de déchets dans le département n'échappe à l'attention d'Alexandre Guérini"
Dans le même temps, le conseil général recevait, lui aussi, la même visite. Jean-Noël Guérini, prévenu à Auschwitz, où il accompagnait des écoliers pour un voyage de la mémoire, s'est montré accablé.
En toile de fond des investigations: les agréments des maisons de retraite et les conditions d'attributions au secteur privé du traitement des ordures ménagères.
Le redouté Alexandre Guérini, membre du conseil fédéral du Parti socialiste, est en effet à la tête de sociétés spécialisées dans cette activité. "Pas un gramme de déchets dans le département n'échappe à son attention", affirme un élu... pourtant socialiste.
Mais, malgré sa demande, il n'a pas été entendu par le magistrat instructeur Duchaine. Seules ses conversations téléphoniques ont été "écoutées" par les enquêteurs.
"Cela lui permettrait d'avoir accès au dossier, glisse un observateur. Le juge retardera ce moment le plus longtemps possible pour conserver l'avantage du secret de l'instruction."
La police tenue à l'écart
Un secret plutôt bien gardé, font remarquer certains, à qui il n'a pas échappé que la police a été tenue à l'écart de la procédure, au profit de la gendarmerie, depuis le début de l'enquête, en février 2009.
Faut-il y voir une méfiance à l'égard des excellentes relations que Jean-Noël Guérini s'est toujours targué d'entretenir avec la police? Une proximité dont témoignerait l'embauche, par le conseil général, d'enfants de deux policiers hauts placés.
Bien d'autres questions restent en suspens. L'origine de l'affaire, d'abord. A-t-elle été déclenché par des lettres anonymes -dont le probable auteur serait proche du PS- ou par le dernier rapport de la Chambre régionale des comptes, qui stigmatisait des irrégularités dans les marchés publics?
"On ne sait pas ce que cherche le juge Duchaine", constate Me Olivier Grimaldi, avocat de la ville de Marseille, de la communauté urbaine et du conseil général.
Ni pourquoi Eugène Caselli, président de Marseille Provence Métropole (MPM) s'inquiète tant, alors que ledit rapport porte sur la période antérieure à son élection.
Polémiques autour de la collecte des ordures ménagères
Le feuilleton judiciaire qui s'amorce s'annonce riche en rebondissements. Et ne manque pas d'inquiéter bien des édiles.
L'un d'eux, toutefois, va se sentir moins seul. Le socialiste Bernard Granié, ancien maire de Fos-sur-Mer, contre lequel viennent d'être requis cinq ans de prison ferme et d'inéligibilité pour corruption dans un marché... de collecte d'ordures ménagères.
L'épilogue d'une enquête de la répression des fraudes (DGCCRF), menée en 2005, qui concluait à des "présomptions d'entente illicite" lors d'appel d'offres de MPM et de la communauté du Pays d'Aix.
Bizarrement, les foudres de la justice ne s'abattirent, deux ans plus tard, que sur le Syndicat d'agglomération nouvelle (SAN) Ouest Provence, non cité dans le rapport de la DGCCRF, présidé alors par Granié.
Aucune autre poursuite ne fut engagée. L'élu PS, qui clame son innocence, déclara à l'époque: "Il est plus facile de cibler certaines collectivités locales que d'autres." Pour le moment...
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