dimanche 7 janvier 2018

'il est incompatible de se revendiquer des valeurs de la CFDT et de militer pour la promotion du Front national ». Car, pour la CFDT, la liberté d’association suppose la rencontre d’individus guidés par des valeurs communes. Le tribunal constate que l’ex-adhérent se revendique en contradiction avec les valeurs de la CFDT. Notamment « pour la question de la préférence nationale mise en exergue dans certains propos tenus, ou encore lorsqu’il fait référence au regroupement familial ». Quant à la question de la discrimination, le tribunal a rappelé que la décision du syndicat n’avait pas été fondée uniquement sur les opinions politiques de l’adhérent mais sur son comportement et ses prises de position publiques, en contradiction frontale avec celles du syndicat.

INCOMPATIBILITÉ DES MANDATS CFDT ET FRONT NATIONAL

Publié le 03/01/2018
Militant CFDT et FN, c’est incompatible ! Le Synafor-CFDT avait exclu un militant Front national, en 2015. Ce dernier a contesté la décision au nom de sa liberté d’expression. Le tribunal de grande instance de Paris a donné raison au syndicat, estimant que l’adhésion à la CFDT correspond aussi à une adhésion à ses valeurs.
21.11.2017 > Tribunal de grande instance de Paris
Les faits
«L’histoire commence en 2014, lorsqu’un conseiller prud’homal CFDT se présente aux élections municipales à Paris, sur une liste du Front national», explique Bruno Lamour, le secrétaire général de la Fédération Formation et Enseignements privés (FEP-CFDT), à laquelle le Synafor (Syndicat national des personnels des organismes de formation) est affilié. Quelque temps auparavant, une adhérente avait entendu ce militant CFDT s’exprimer sur une radio nationale, à l’occasion du 1er Mai, et tenir des propos sans ambiguïté sur sa double appartenance au Front national et à la CFDT. Pire, il laissait entendre qu’il était là pour véhiculer les idées frontistes à la CFDT, en clair faire de l’entrisme. Le Synafor lui fait rapidement savoir que sa candidature et la propagande FN sont incompatibles avec les valeurs de la CFDT de démocratie, de fraternité et de solidarité. Il refuse alors de choisir entre les deux organisations.
Le syndicat le convoque à plusieurs reprises afin qu’il s’explique, mais il ne se rend pas aux convocations. En juillet 2015, le conseil syndical du Synafor se réunit pour décider s’il exclut ou non le militant, qui refuse toujours de quitter le FN. En parallèle, le Synafor informe la Confédération et demande le soutien du service juridique confédéral. «Notre travail, explique Maud Renaud, du service juridique de la CFDT, a consisté à cadrer la procédure d’exclusion, y compris pour veiller au respect des droits de la défense et du principe du contradictoire.» Jean-Louis Malys, alors secrétaire national chargé des relations avec les partis politiques, en accord avec la commission exécutive, s’engage ardemment et soutient le syndicat dans cette procédure d’exclusion.
Une ultime convocation est adressée au militant. 
Ce dernier se présente avec un avocat pour défendre sa cause. Au terme du débat contradictoire et après que l’avocat a défendu son client, le conseil syndical adopte une mesure d’exclusion. Viviane Ekoumé, alors toute nouvelle secrétaire générale du Synafor, prononce l’exclusion. «C’était très tendu, se souvient-elle. Il a ressorti sa diatribe sur le fait qu’il fallait privilégier les travailleurs français devant moi, qui suis noire et née au Gabon. Néanmoins, j’ai axé mon intervention sur l’accès au travail pour tous et l’universalité des droits. On ne défend pas les gens en fonction de la couleur de leur peau.» Malgré tout, l’adhérent conteste la décision et porte l’affaire devant le tribunal, début 2016, en réclamant l’annulation de son exclusion. 
Les arguments juridiques
 Le militant FN soutenait que le syndicat n’avait pas respecté ses droits à la défense et qu’il n’aurait pas bénéficié d’une procédure contradictoire. Au contraire, dans son jugement, le tribunal reconnaît la régularité de la procédure et en déduit que « les droits de la défense et le principe du contradictoire ont bien été respectés ». De même, le plaignant contestait la compétence du conseil syndical pour l’exclure. Vérification faite par le tribunal, le conseil syndical est bien l’instance habilitée à prononcer l’exclusion. Il est, «de droit, l’instance de jugement envers tout conflit pouvant survenir dans la vie du syndicat ».
Sur le fond de l’affaire, l’adhérent conteste son exclusion au motif qu’elle constitue une discrimination et une atteinte à sa liberté d’expression. Le Synafor plaide qu’«il est incompatible de se revendiquer des valeurs de la CFDT et de militer pour la promotion du Front national». Car, pour la CFDT, la liberté d’association suppose la rencontre d’individus guidés par des valeurs communes. Le tribunal constate que l’ex-adhérent se revendique en contradiction avec les valeurs de la CFDT. Notamment «pour la question de la préférence nationale mise en exergue dans certains propos tenus, ou encore lorsqu’il fait référence au regroupement familial». Quant à la question de la discrimination, le tribunal a rappelé que la décision du syndicat n’avait pas été fondée uniquement sur les opinions politiques de l’adhérent mais sur son comportement et ses prises de position publiques, en contradiction frontale avec celles du syndicat.
La portée de ce jugement
La décision du tribunal, qui reconnaît les valeurs défendues par l’organisation comme le ciment de l’adhésion, est majeure pour la CFDT. « Cette affaire est une première en France et elle constituera une référence en la matière, analyse Maud Renaud. Cela étant, elle suit un précédent jurisprudentiel au niveau européen. La Cour européenne des droits de l’homme avait rendu un arrêt donnant raison à un syndicat britannique ayant exclu un adhérent, par ailleurs militant actif du British National Party [parti légal d’extrême droite], dont les valeurs étaient en contradiction avec celles de son organisation syndicale. »  
© Illustration Nini La Caille
  

« L’adhésion implique de partager nos valeurs »
Frédéric Sève, secrétaire national de la CFDT, a réagi au jugement du tribunal de grande instance  :
« Ce jugement reconnaît qu’adhérer à la CFDT implique une adhésion à ses valeurs, a fortiori s’il s’agit d’un adhérent en responsabilité qui affiche un militantisme contraire au nôtre. Pour autant, la CFDT ne prétend aucunement régir les opinions de ses adhérents, mais elle est claire sur les valeurs qui fondent la communauté CFDT. De plus, elle est exigeante vis-à-vis de ses militants et des valeurs qu’ils affichent et mettent en œuvre. Elle est également exigeante sur la défense de ses positions, compte tenu de son histoire, de ses combats et de ses objectifs. Elle ne peut accepter que l’image de la CFDT soit associée à celle d’un mouvement comme le Front national. »
    
       

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