vendredi 5 janvier 2018

Dans le cadre de la loi sur la croissance et la transformation des entreprises, le gouvernement pourrait décider de redéfinir l'objet social des entreprises. Ce qui fait froid dans le dos au Medef. Une mission a été confiée ce vendredi 5 janvier à Jean-Dominique Senard, PDG de Michelin, et Nicole Notat, ex secrétaire générale de la CFDT.

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Objet social des entreprises: le chantier herculéen du gouvernement

Dans le cadre de la loi sur la croissance et la transformation des entreprises, le gouvernement pourrait décider de redéfinir l'objet social des entreprises. Ce qui fait froid dans le dos au Medef. Une mission a été confiée ce vendredi 5 janvier à Jean-Dominique Senard, PDG de Michelin, et Nicole Notat, ex secrétaire générale de la CFDT. 

Jean-Dominique Senard

Le gouvernement a confié une mission, baptisée « entreprise et bien commun » à Jean-Dominique Senard (en photo), actuel patron de Michelin, et à Nicole Notat, ex secrétaire générale de la CFDT.
ERIC PIERMONT / AFP

C'est la réforme qui fait peur au patronat. Réunis au ministère du Travail, vendredi 5 janvier, quatre ministres (Muriel Pénicaud, locataire de l'hôtel du Châtelet, Bruno Le Maire, ministre de l'Economie, Nicolas Hulot, ministre de la Transition écologique et solidaire, Nicole Belloubet, Garde des Sceaux) ont donné le top départ de la réflexion autour de la redéfinition du rôle et des missions de l'entreprise. A cette occasion, le gouvernement a confié une mission, baptisée " entreprise et bien commun " à Jean-Dominique Senard, actuel patron de Michelin, et à Nicole Notat, ex secrétaire générale de la CFDT. Ces deux poids lourds doivent rendre un rapport début mars qui donnera lieu à un projet de loi, intitulé Plan d'Action pour la Croissance et la Transformation des Entreprises (PACTE), et qui sera présenté par Bruno Le Maire en Conseil des Ministres au printemps prochain. Ont été conviés également à ce grand raout les 8 présidents et secrétaires généraux des organisations patronales et syndicales.  

Un patronat divisé 

L'un des points les plus chauds est sans aucun doute la réécriture de deux articles du Code civil (1832 et 1833) qui définissent le rôle de l'entreprise. Le gouvernement pourrait décider d'y introduire des éléments autres que les seuls intérêts des actionnaires en y intégrant des aspects sociaux et environnementaux. C'est Nicolas Hulot qui a mis les pieds dans le plat le 11 décembre dernier lors d'une visite au Medef" L'objet social de l'entreprise ne peut plus être le simple profit, sans considération pour les femmes et les hommes qui y travaillent, sans regard sur les dégâts environnementaux. " Il avait été précédé par le président qui sur TF1, mi-octobre, avait rappelé que l'entreprise ne pouvait être le point de rencontre des " seuls actionnaires ". Cette vision de l'entreprise est soutenue par quelques grands patrons comme Emmanuel Faber, le PDG de Danone, ou Antoine Frérot, le PDG de Veolia. Ce dernier l'avait défendu lors du dernier sommet de l'économie de Challenges, organisé début décembre : " Je souhaiterais qu'il soit rappelé quelque part dans la loi tout ce qu'une entreprise apporte, et qu'elle ne sert pas seulement les intérêts des actionnaires et des patrons. Elle est d'intérêt général. " Sur ce point, il est soutenu également par Jean-Dominique Senard ou encore Laurent Berger, le numéro un de la CFDT, syndicat réformiste.
Ce qui a le don de hérisser le poil du Medef, la première organisation patronale. Changer la loi pour la complexifier, c'est non seulement ouvrir une boîte de Pandore de nouveaux risques juridiques et de contentieux, mais aussi risquer de figer des pratiques qui se doivent d'être multiples et diverses et non juridiquement cadrées ", a affirmé dans Les Echos, Pierre Gattaz, le patron des patrons. Sur ce point, le président du Medef peut compter sur Bercy, opposé à la mise en place de nouvelles obligations pour les entreprises. En effet, Bruno Le Maire préférerait créer un nouveau statut optionnel: les entreprises à mission, calquées sur le modèle américain. Cette option pourrait être privilégié tant le gouvernement ne souhaite pas après la réforme du marché du travail casser la dynamique économique en effrayant les investisseurs étrangers, rétifs à des réglementations trop contraignantes. D'ailleurs, la ministre de la justice, Nicole Belloubet, l'a martelé: " La priorité reste l'attractivité économique du droit français (…) Il est nécessaire d'établir une sécurité juridique. " Le message est clair: faire évoluer le droit avec " audace " mais sans tirer une balle dans le pied des entreprises.

La CFDT veut faire plus de place aux salariés dans les CA 

Autre sujet sensible: la place des salariés dans les instances de gouvernance des entreprises. La thématique est poussée actuellement par la CFDT, la CFE-CGC et la CFTC, qui revendiquent davantage de places pour les salariés. Ce matin, Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, a dévoilé quelques propositions sur le sujet comme la mise en place d'une "codécision à la Française", dont l'un des grands axes est un renforcement de la présence des salariés dans les conseils d'administration et donc d'aller plus loin que ce que prévoit aujourd'hui les textes. Ces organisations étaient déjà montées au créneau (sans succès) lors de la négociation des ordonnances en juillet-août dernier avec une proposition choc: la mise en place d'une codétermination à la française. Du côté du patronat, Pierre-André de Chalendar, PDG de Saint-Gobain, comme son prédécesseur Jean-Louis Beffa, Louis Gallois, ancien dirigeant d'Airbus, ou encore Jean-Dominique Senard, président de Michelin, militent auprès de leurs pairs pour lever les réticences.
Certes, deux lois successives ont changé la donne. La première date de 2013 et a imposé la présence d'au moins un administrateur dans les groupes de plus de 5.000 salariés. Problème, 45% des groupes appartenant au CAC 40 n'étaient pas concernés par le texte car organisés avec un holding de tête. Du coup, la loi Rebsamen de 2015 a corrigé le tir et, d'ici à la fin 2018, toutes les entreprises de plus de 1.000 salariés seront concernées. La CFDT revendique pour sa part un abaissement du seuil à 500 salariés.






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