lundi 8 avril 2013

Contentieux relatif à l’organisation du service: Les fonctionnaires et les syndicats qui défendent leurs intérêts collectifs ont qualité à attaquer les dispositions de circulaires et instructions hiérarchiques à condition que ces dispositions portent atteinte à leurs droits et prérogatives ou affectent leurs conditions d'emploi et de travail !




Par B. Menguy

Publié le 05/04/2013

Les fonctionnaires et les syndicats qui défendent leurs intérêts collectifs n’ont pas qualité pour attaquer les dispositions des circulaires ou instructions de leurs supérieurs hiérarchiques se rapportant à l’organisation ou à l’exécution du service, sauf si ces dispositions portaient atteinte à leurs droits et prérogatives ou affectaient leurs conditions d’emploi et de travail.



REFERENCES

CAA Lyon 8 janvier 2013 req. n°12LY01139.

ADMINISTRATIVE D'APPEL DE LYON, 3ème chambre - formation à 3, 08/01/2013, 12LY01139, Inédit au recueil Lebon

COUR ADMINISTRATIVE D'APPEL DE LYON, 3ème chambre - formation à 3, 08/01/2013, 12LY01139, Inédit au recueil Lebon

Références

COUR ADMINISTRATIVE D'APPEL DE LYON



N° 12LY01139

Inédit au recueil Lebon

3ème chambre - formation à 3

M. TALLEC, président

Mme Pascale DECHE, rapporteur

Mme SCHMERBER, rapporteur public

SCP DEYGAS-PERRACHON-BES & ASSOCIES, avocat





lecture du mardi 8 janvier 2013

REPUBLIQUE FRANCAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



________________________________________





Texte intégral

Vu la requête, enregistrée le 23 avril 2012, présentée pour le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Rhône, dont le siège est 17 rue Rabelais, à Lyon (69003), représenté par son président en exercice ;



Le SDIS du Rhône demande à la Cour :



1°) d'annuler le jugement n° 0906854 en date du 29 février 2012 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a annulé, à la demande du syndicat autonome SDIS 69, la délibération de son conseil d'administration en date du 26 juin 2009, en tant qu'en son titre II, elle porte dispositions relatives au régime de travail des sapeurs-pompiers professionnels logés en casernement ;



2°) de rejeter la demande présentée par le syndicat autonome SDIS 69 devant le Tribunal administratif ;



3°) de mettre à la charge du syndicat autonome SDIS 69, la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;





Le SDIS du Rhône soutient que :



- la requête présentée par le syndicat n'était pas recevable dès lors que les dispositions en litige n'avaient pas de caractère obligatoire, que leur application dépendait de la situation individuelle des agents et que les options prises par les agents sont de nature révocable ;

- les dispositions litigieuses ont été prises en application de l'article 5 du décret n° 2001-1382 du 31 décembre 2001 qui n'est pas critiqué par le requérant ;

- dès lors que le Conseil d'Etat a considéré que les sapeurs pompiers professionnels échappaient au régime de droit commun s'agissant du temps de travail et du droit communautaire, qu'il a récemment appliqué les dispositions du décret du 31 décembre 2001 et qu'il a également récemment confirmé que les articles 4 et 5 dudit décret ne pouvaient être regardés sans autre précision comme méconnaissant les objectifs communautaires, le jugement attaqué ne peut qu'être annulé ;



Vu le jugement attaqué ;



Vu le mémoire en défense, enregistré le 25 juin 2012, présenté pour le syndicat autonome SDIS 69 qui conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge du SDIS du Rhône en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;



Il soutient que :



- dès lors que les dispositions litigieuses affectent les conditions d'emploi et de travail des sapeurs-pompiers professionnels logés, qu'elles ont un caractère obligatoire pour les sapeurs-pompiers qui souhaitent conserver leur logement en caserne, alors qu'ils en ont le droit, la demande présentée devant les premiers juges était recevable ;

- leur recours n'est pas fondé sur une exception d'inconventionnalité du décret du 31 décembre 2001, mais sur l'application qui en est faite par la délibération contestée ;

- dès lors que la limite hebdomadaire de 48 heures fixée par la directive 2003/88/CE doit s'apprécier en tenant compte du temps de présence effectif des sapeurs-pompiers, qui est de 24 heures, et qui doit être compris comme du temps de travail, alors même que ce temps de présence comporterait des périodes d'inactivité ou d'activité moindre, les dispositions litigieuses méconnaissent l'article 6 de cette directive ;



Vu le mémoire, enregistré le 13 août 2012, présenté pour le SDIS du Rhône qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;



Vu le mémoire, enregistré le 6 septembre 2012, présenté pour le syndicat autonome SDIS 69 qui conclut en outre à ce que le montant de la somme qui devra être mis à la charge du SDIS du Rhône soit porté à 2 000 euros ;



Vu les ordonnances en date des 26 juillet, 27 août et 10 septembre 2012, par lesquelles la date de la clôture de l'instruction a été fixée au 17 août 2012, puis reportée au 28 septembre 2012 ;



Vu les autres pièces du dossier ;



Vu la directive 89/391/CEE du Conseil du 12 juin 1989 concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail ;



Vu la directive 93/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993 modifiée concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail ;



Vu la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail ;



Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;



Vu le décret n° 90-850 du 25 septembre 1990 portant dispositions communes à l'ensemble des sapeurs-pompiers professionnels ;



Vu le décret n° 2001-1382 du 31 décembre 2001 relatif au temps de travail des sapeurs¬pompiers professionnels ;



Vu le code de justice administrative ;



Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;



Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 décembre 2012 :



- le rapport de Mme Dèche, premier conseiller ;



- les conclusions de Mme Schmerber, rapporteur public ;



- et les observations de Me Prouvez représentant le SDIS du Rhône et de Me Arnould représentant le syndicat autonome SDIS 69 ;



1. Considérant que le conseil d'administration du SDIS du Rhône, par délibération du 26 juin 2009, a, d'une part, adopté des dispositions complémentaires relatives au régime de travail des sapeurs-pompiers professionnels non logés en casernement et, d'autre part, adopté des dispositions relatives au régime de travail des sapeurs¬pompiers professionnels logés en casernement ; que, par le jugement attaqué du 29 février 2012, le Tribunal administratif de Lyon a annulé, à la demande le syndicat autonome SDIS 69, cette délibération en tant qu'en son titre II, elle porte dispositions relatives au régime de travail des sapeurs-pompiers professionnels logés en casernement ; que, le SDIS du Rhône relève appel de ce jugement ;



Sur la recevabilité de la demande présentée syndicat autonome SDIS 69 devant les premiers juges :



2. Considérant que les fonctionnaires et les syndicats qui défendent leurs intérêts collectifs n'ont pas qualité pour attaquer les dispositions des circulaires ou instructions de leurs supérieurs hiérarchiques se rapportant à l'organisation ou à l'exécution du service, sauf dans la mesure où ces dispositions porteraient atteinte à leurs droits et prérogatives ou affecteraient leurs conditions d'emploi et de travail ;



3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les dispositions contestées ont pour effet de porter à 2 600 heures, la base annuelle du régime de travail applicable aux sapeurs-pompiers logés en casernement, en application des dispositions de l'article 5 du décret du 25 septembre 1990 susvisé qui prévoient que les sapeurs-pompiers professionnels ont droit au logement en caserne dans la limite des locaux disponibles, alors que le régime de droit commun, fixé par la délibération du 11 janvier 2002 du conseil d'administration du SDIS du Rhône, est établi sur une base annuelle inférieure ; qu'il en résulte que les dispositions litigieuses sont de nature à porter atteinte aux droits et prérogatives des membres du corps dans l'intérêt desquels agit le syndicat requérant et sont susceptibles d'affecter leurs conditions de travail et d'emploi ;



4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le SDIS du Rhône n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a admis la recevabilité de la demande du syndicat autonome SDIS 69 dirigée contre la délibération litigieuse ;



Sur la légalité de la délibération du conseil d'administration du SDIS du Rhône, en date du 26 juin 2009, en tant qu'elle porte dispositions relatives au régime de travail des sapeurs-pompiers professionnels logés en casernement :



5. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la directive 2003/88/CE susvisé : "Les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour que, en fonction des impératifs de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs : / a) la durée hebdomadaire du travail soit limitée au moyen de dispositions législatives, réglementaires ou administratives ou de conventions collectives ou d'accords conclus entre partenaires sociaux ; / b) la durée moyenne de travail pour chaque période de sept jours n'excède pas quarante-huit heures, y compris les heures supplémentaires" ; qu'aux termes de l'article 1er de la même directive : "(...) 3. La présente directive s'applique à tous les secteurs d'activités, privés ou publics, au sens de l'article 2 de la directive 89/391/CEE (...)" ; qu'aux termes de l'article 2 de la directive 89/391/CEE susvisée : "1. La présente directive s'applique à tous les secteurs d'activités, privés ou publics (activités industrielles, agricoles, commerciales, administratives, de service, éducatives, culturelles, de loisirs, etc.). / 2. La présente directive n'est pas applicable lorsque des particularités inhérentes à certaines activités spécifiques dans la fonction publique, par exemple dans les forces armées ou la police, ou à certaines activités spécifiques dans les services de protection civile s'y opposent de manière contraignante" ; que tout justiciable peut demander l'annulation de dispositions règlementaires qui seraient contraires aux objectifs définis par les directives européennes ;



6. Considérant que, contrairement à ce que soutient le SDIS, le syndicat autonome SDIS 69 n'a pas fondé sa demande devant les premiers juges sur une exception d'inconventionnalité du décret du 31 décembre 2001 susvisé, mais s'est prévalu précisément de la méconnaissance, par les dispositions de la délibération en litige, de l'objectif fixé par les dispositions du b) de l'article 6 de la directive 2003/88 qui font obstacle, sauf circonstances exceptionnelles, à ce que soit imposé aux agents concernés un dépassement du plafond de 48 heures prévu pour la durée maximale hebdomadaire de travail, y compris les services de garde ; qu'il est constant que la délibération litigieuse qui fixe à 2 600 heures le temps de présence annuel pour les sapeurs-pompiers professionnels logés en casernement et qui prévoit cinq semaines de congés, a pour effet de porter la durée moyenne de travail de ces agents pour chaque période de sept jours, au-delà des 48 heures prévues par l'article 6 précité de la directive 2003/88 ; que, par suite, c'est à bon droit, que le Tribunal a estimé que la délibération du conseil d'administration du SDIS du Rhône, en date du 26 juin 2009, en tant qu'en son titre II, elle porte dispositions relatives au régime de travail des sapeurs-pompiers professionnels logés en casernement méconnait l'objectif fixé par les dispositions du b) de l'article 6 de la directive 2003/88 ;



7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le SDIS du Rhône n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a annulé les dispositions litigieuses de la délibération de son conseil d'administration en date du 26 juin 2009 ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;





Sur les conclusions du syndicat autonome SDIS 69 tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :



8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du SDIS du Rhône la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés à l'occasion de la présente instance par le syndicat autonome SDIS 69 et non compris dans les dépens ;







DÉCIDE :

Article 1er : La requête du SDIS du Rhône est rejetée.

Article 2 : Le SDIS du Rhône versera au syndicat autonome SDIS 69 la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au SDIS du Rhône et au syndicat autonome SDIS 69.

Délibéré après l'audience du 18 décembre 2012 à laquelle siégeaient :

M. Tallec, président de chambre,

M. Rabaté, président-assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 janvier 2013.



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