Dominique Gillier, secrétaire général de la fédération générale des Mines et de la Métallurgie (FGMM-CFDT) fait le point sur la situation du site ArcelorMittal de Florange.
Où en est-on dans le conflit de Florange ?
L’accord conclu entre le gouvernement fin novembre et ArcelorMittal prévoit plusieurs dispositions telles que la mise en veille des hauts fourneaux de Florange, l’engagement qu’il n’y aura pas de licenciement mais un accord social avec des mesures d’âge, de mobilité interne, des actions de revitalisation du territoire, des investissements pour maintenir la filière froide et le financement d’études complémentaires portant sur la faisabilité d’Ulcos, le procédé de captage et d’enfouissement du CO2 produit par les hauts fourneaux. Le tout sera placé sous la surveillance d’une commission de suivi voulue par la CFDT et dans laquelle siègera Edouard Martin, le délégué syndical CFDT, aux côtés de M. Marzorati, nommé par le gouvernement.
Qu’en pense la CFDT ?
Le gouvernement a eu une gestion erratique de ce dossier laissant entendre, dans un premier temps, qu’une nationalisation, temporaire, avec un repreneur était possible puis dans un deuxième temps concluant un accord avec Mittal. Cela a suscité beaucoup de déconvenues et de désillusions chez les salariés de Florange qui se battent depuis dix-huit mois. Sur l’accord lui-même, il y a des éléments positifs. Ils sont de deux ordres. Sur le plan industriel, l’accord offre des garanties à cinq ans sur la filière froide, y compris sur la partie emballage de Florange qui était la plus menacée, et des investissements supérieurs de 45 % à ce qui était prévu. ArcelorMittal s’engage aussi sur la pérennité de l’ensemble des sites français. C’est rare en temps de crise ! Sur le plan social, il y a des engagements qui ne devraient laisser personne sur le carreau. Il faut très vite préciser où iront les investissements et entrer dans la négociation sur le volet social avec la commission de suivi.
Et les points négatifs ?
Le gros point noir, c’est l’avenir des hauts fourneaux même si dans l’accord, il n’est plus question de leur arrêt définitif. Ils sont mis en veille dans l’attente soit d’un redémarrage de la demande, soit de leur modernisation avec l’installation du projet Ulcos. Dans un premier temps, Mittal renvoyait à dans six ans la décision de modernisation, aujourd’hui il ne parle plus de ce délai.
Qu’est-ce qui pourrait sauver les hauts fourneaux ?
Ce qui peut durablement sauver ces outils, c’est de les conforter dans leur haut niveau de performance en installant le système Ulcos. Celui-ci a deux volets. L’un de captage du CO2 sur le haut fourneau avec une réinjection de l’oxygène dans la combustion ce qui intensifie la fusion et augmente l’efficience énergétique. Cela réduit l’émission de gaz de 15 % à 20 % et augmente la productivité d’au moins 20 %. Le deuxième volet consiste à conduire avec un gazoduc le résidu de CO2 dans un site d’enfouissement situé près de Florange dans la Meuse. La première phase était en état de commencer avant qu’ArcelorMittal n’évoque des problèmes techniques et retarde sa décision. Sur l’enfouissement, il reste des choses à vérifier notamment sur l’acceptabilité du projet.
Pourquoi ne démarre-t-on pas immédiatement la première phase d’Ulcos ?
Ulcos est un projet européen qui implique la Commission européenne, l’Etat français, des collectivités territoriales et 48 entreprises dont ArcelorMittal. Il se heurte à la politique des sidérurgistes européens qui tiennent un discours ambigu. Notre analyse, c’est qu’ils ne sont pas prêts à faire le saut vers une sidérurgie propre en Europe. Cela coûte cher et la crise est passée par là. Ils pourraient jouer la carte du chantage à l’emploi pour s’exonérer des futures contraintes environnementales. S’ils n’obtenaient pas gain de cause, ils délocaliseraient et l’Europe deviendrait dépendante pour son acier. L’enjeu environnemental et industriel est donc extrêmement important et Florange se retrouve aujourd’hui au cœur de cet enjeu.
Que compte faire la CFDT ?
La CFDT, via sa section de Florange, va se battre au sein de la commission de suivi sur les investissements et sur les dispositions sociales. De plus, on est toujours en bagarre sur les hauts fourneaux. Nous allons demander à Mittal des comptes sur ce qui justifierait leur arrêt d’un point de vue économique et sur la suspension du projet Ulcos. Nous demandons également au gouvernement de faire une évaluation du projet Ulcos dont il est cofinanceur et sur lequel il s’est réengagé, y compris par la voix du Président de la république. Nous nous battons aussi avec notre inter ArcelorMittal et notre fédération Industrial Europe pour une sidérurgie propre et d’avenir à Florange et en Europe.
Propos recueillis par Didier Blain
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