dimanche 16 décembre 2012

Baumettes :Le tribunal administratif de Marseille a ordonné vendredi 14 décembre 2012 à l'administration pénitentiaire de contrôler que chaque cellule de la prison marseillaise des Baumettes "dispose d'un éclairage artificiel et d'une fenêtre en état de fonctionnement".L’administration devra également “faire procéder à l’enlèvement des détritus” dans les cellules et les communs de la prison, ainsi que veiller à ce que les repas des détenus ne soient plus “entreposés sur le sol ni à proximité des bennes à ordures”.

Baumettes : la justice ordonne une remise en état des cellules

Par A. l'AFP
Publié le 14/12/2012
dans : Régions



Déjà en 2005 la situation était fortement dénoncée (*)

 
Le tribunal administratif de Marseille a ordonné vendredi 14 décembre 2012 à l'administration pénitentiaire de contrôler que chaque cellule de la prison marseillaise des Baumettes "dispose d'un éclairage artificiel et d'une fenêtre en état de fonctionnement", à la suite d'une requête de l'OIP.
L’administration devra également “faire procéder à l’enlèvement des détritus” dans les cellules et les communs de la prison, ainsi que veiller à ce que les repas des détenus ne soient plus “entreposés sur le sol ni à proximité des bennes à ordures”.
“Une victoire en demi-teinte”, pour l’avocat de l’Observatoire international des prisons (OIP), Me Patrice Spinosi, regrettant que le juge administratif n’ait pas considéré que l’état de délabrement de la prison, pointé dans un rapport du contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL), Jean-Marie Delarue, mettait en péril la vie des détenus.
Dans le cadre d’une procédure en urgence de référé liberté, l’OIP, auquel s’étaient associés le Syndicat de la magistrature (SM, gauche), le Conseil national des barreaux, le Syndicat des avocats de France (SAF, gauche) et l’Ordre des avocats de Marseille, demandait que “des mesures urgentes” soient prises à la prison des Baumettes, une semaine après la publication du rapport Delarue.
“Ce jugement est la reconnaissance d’une carence de l’administration qui porte atteinte à la dignité des détenus. Des obligations sont ainsi imposées à l’administration”, a ajouté Me Spinosi, précisant qu’il envisageait de saisir le Conseil d’Etat.
L’avocat a précisé qu’un second référé, dit de mesures utiles, avait été déposé devant la même juridiction, afin “qu’après ces mesures urgentes, l’administration se penche sur le fond”.
Une première judiciaire - Dans cette nouvelle procédure, l’OIP demande que des travaux de rénovation soient engagés au centre pénitentiaire des Baumettes et souhaite également que la prison soit vidée de ses occupants pendant ces travaux.
De son côté, le bâtonnier de Marseille, Me Jérôme Gavaudan, a souligné que cette décision constituait “une première judiciaire”. “Injonction est faite par le juge administratif sur les conditions matérielles de détentions: il fait le constat d’un traitement inhumain et dégradant”, a-t-il déclaré.
Jeudi, à l’audience, Benoît Vandermaesen, magistrat du parquet de Marseille et délégué du SM, avait souligné que rien n’avait changé aux Baumettes depuis l’inspection en octobre du contrôleur Delarue, après avoir fait lui aussi une visite au centre pénitentiaire lundi.

 
(*)  Section de Toulon de la LDH

pour Alvaro Gil-Robles, les prisons françaises sont les pires d’Europe


article de la rubrique prisons
date de publication : jeudi 22 septembre 2005


Le commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe, Alvaro Gil-Robles, dresse un bilan extrêmement sévère des prisons françaises.
Un dossier publié sur le site du Nouvel Observateur, le 22 septembre 2005.

JPEG - 16.4 ko
Le mur d’enceinte de la prison des Baumettes à Marseille.

Les prisons comme en Moldavie

Le commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe Alvaro Gil-Robles dresse jeudi 22 septembre un bilan extrêmement sévère des prisons françaises, à l’issue d’une mission de seize jours en France. Pour lui, elles sont les pires d’Europe, affirme-t-il dans Libération. Alvaro Gil-Robles qualifie notamment la prison des Baumettes à Marseille, d’" endroit répugnant ". Mais c’est avant tout le "dépôt" réservé aux étrangers sous le palais de justice à Paris qui l’a choqué :
" De ma vie, sauf peut-être en Moldavie, je n’ai vu un centre pire que celui-là ! C’est affreux ! Les gens s’entassent dans un sous-sol sur deux niveaux, sans aération. Ils se promènent dans une cour minuscule grillagée de tous côtés. Au second niveau, on marche sur la grille, au-dessus de ceux du premier niveau. Les fonctionnaires en sont eux-mêmes très gênés. Il faut fermer cet endroit, c’est urgent. " [1]
En revanche, Alvaro Gil-Robles juge " encourageantes " ses conversations " très franches et réalistes " avec les magistrats français et a été " impressionné " par le travail de certains éducateurs avec les enfants délinquants. Rapport fin novembre
Il se félicite de " l’écoute très attentive " du ministre des Affaires étrangères Philippe Douste-Blazy, mais regrette que son homologue de l’Intérieur Nicolas Sarkozy ait "annulé" leur rendez-vous. " Il doit avoir d’autres priorités et c’est dommage ", déclare Alvaro Gil-Robles. La France était le 32è et dernier pays qu’il visitait dans le cadre de sa mission.
Il doit rédiger un rapport fin novembre qui comportera un certain nombre de "recommandations", non contraignantes, à l’égard des autorités françaises.

___________________________

"La surpopulation est un vrai problème"
un entretien avec Alvaro Gil-Robles,
les propos ont été recueillis par Christine Gomez
  • Qu’avez-vous constaté de grave dans les prisons françaises et quelles seraient les solutions envisageables pour remédier à ces problèmes ? N’y a-t-il pas un manque de moyens et de personnel ?
Le constat que j’ai établi dans le contexte de ces visites est d’abord la surpopulation. Les prévenus ne sont pas séparés des détenus, ni les jeunes des personnes ayant de graves problèmes psychologiques. Ces personnes qui ont des maladies sont une charge pour les fonctionnaires et pour le personnel, elles devraient avoir droit à un traitement adéquat. Le manque de personnel est évident. Marseille est un très vieil établissement mais il y a des prisons "très biens" comme, à Avignon par exemple.
  • Comment s’est déroulée votre mission et avez-vous été sollicité par le personnel pour sonner l’alarme ?
Non, je tiens à dire qu’il y a une véritable transparence de la part de l’Etat français. Les fonctionnaires sont très clairs et responsables. Rien n’a été caché, les autorités ne l’auraient pas vraiment apprécié... Durant cette mission, j’ai parlé avec les détenus et j’ai fait part de mes propres constatations. Nous avons également visité des hôpitaux psychiatriques, des commissariats, des centres pour les femmes battues, et des centres pour les enfants qui ont des traitements spécifiques. Nous avons également traité des problèmes concernant les étrangers. Nous avons travaillé avec toutes les ONG. J’ai été très impressionné par le travail du ministère de la Justice et des éducateurs, notamment dans les centres fermés pour mineurs.
  • Qu’en est-il de votre rencontre avec Nicolas Sarkozy ? A-t-il prévu un autre rendez-vous et à qui allez-vous faire part de vos recommandations dans votre rapport ?
- Les recommandations sont globalement faites auprès du gouvernement, le rapport sera envoyé à l’Assemblée. C’est à eux de répondre et d’analyser. L’entretien avec M. Sarkozy n’a pas été possible, son agenda est chargé, je n’ai donc pas pu parler avec lui. Je reste disponible et ouvert.

___________________________

"La France devrait accorder ses discours et ses actes"
un entretien avec Jean-Pierre Dubois, président de la LDH
les propos ont été recueillis par Clément Moulet
  • Le commissaire européen aux droits de l’Homme, Alvaro Gil Robles, juge que les prisons française sont les pires d’Europe. Comment peut-on imaginer une telle situation dans l’un des pays les plus riches de l’Union ?
C’est très simple, les politiques se désintéressent totalement de cette question. En 2000 est sorti le livre de Véronique Vasseur ("Médecin-chef à la prison de la Santé", ed. le Cherche-midi, ndlr). Il a donné lieu à la mise en place d’une mission parlementaire chargée d’enquêter sur l’état du parc carcéral français. Ses membres ont conclu de manière transpartisane que la situation dans les prisons françaises était, je cite, "une honte pour la République". Depuis, plus rien, si ce n’est l’accroissement continu de la population carcérale. A l’heure actuelle, la politique en la matière consiste à mettre de plus en plus de monde en prison. Il est tout à fait normal, dans ces conditions, que la situation se détériore. La démagogie sécuritaire qui caractérise le discours politique doublée de la surdité des pouvoirs politiques ne peut que conduire à une détérioration des conditions de vie carcérales. Aujourd’hui, il ne semble pas s’esquisser de solutions, nous sommes simplement confrontés à une situation d’embouteillage, et personne ne régule.
  • Nicolas Sarkozy a annulé son rendez-vous avec Alvaro Gil Robles. Que peut-on en conclure ? Le ministre de l’Intérieur se désintéresse-t-il de l’état du parc carcéral français ?
Je pense que Sarkozy ne s’intéresse qu’à ce qui peut lui rapporter des voix et notamment ces derniers temps en lorgnant du coté de l’électorat du FN. Mais je trouve que c’est lui faire trop d’honneur que de parler de lui. Ce n’est pas lui qui gère la politique des prisons. Il ne faut pas oublier que Sarkozy n’est qu’un membre d’un gouvernement qui est responsable de cette politique. Plus précisément, ce domaine concerne en premier lieu le ministère de la Justice et l’on a tendance à l’oublier. Il est vrai que Nicolas Sarkozy est plus compétent en matière de communication. En réalité, personne ne va en prison du fait de l’action du ministre de l’Intérieur. Ce sont les magistrats qui condamnent, il ne faut pas perdre ça de vue. Nicolas Sarkozy parle beaucoup et il serait appréciable que les médias ne se laissent pas avoir par ce verbiage. Pour le reste, en tant que président de l’UMP et candidat potentiel à la présidentielle, on sait qu’il ne s’intéresse pas à ces questions de fond, puisqu’elles ne servent pas ses ambitions et la construction de sa carrière politique.
  • Alvaro Gil Robles va maintenant rendre un rapport sur les prisons européennes et formuler des recommandations non-contraignantes pour les Etats. Peut-on raisonnablement penser que la France les mettra en œuvre ?
Je le souhaiterais. J’ai participé à une rencontre très productive avec lui. Mais le passé ne nous permet pas d’être très positifs. La France a déjà été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme à propos de la situation des prisons dans le pays, et ce passif nous oblige à rester vigilants et prudents. Je souhaiterais maintenant, que la France cesse de renvoyer une image détestable à l’étranger, qui contraste avec ses discours sur le respect des droits de l’homme. Si notre pays était moins arrogant à la tribune et plus sincère dans ses actes, son image en ressortirait grandie.

Notes

[1] Déclaration d’Alvaro Gil-Roblès publiée dans Libération le 22 septembre 2005

Aucun commentaire: