Lorenzo Consoli: « C’est à la Commission Européenne d’ouvrir le débat du coût du Non-Euro »
Entretien entre Henri Lastenouse, secrétaire général de Sauvons l’Europe et Lorenzo Consoli, journaliste italien et ancien président de l’association internationale de Presse à Bruxelles.
Aujourd’hui comment résumer la situation ?
Si on compare la dette des USA et celle de la zone Euro, on ne comprend pas. La spéculation devrait s’intéresser avant tout au Dollar !
Si maintenant on regarde la situation politique et institutionnelle, on comprend tout : les USA sont une réelle Communauté de dette, pas la zone Euro !
Tout le monde semble renvoyer la balle du côté de Berlin …
Evidemment les hésitations d’Angela Merkel font perdre beaucoup d’argent…notamment si l’on considère l’évolution de la valorisation des institutions financières depuis l’été !
Pourtant, quelque chose a basculé cet été ?
Oui, Merkel se pose maintenant réellement le problème. Je crois qu’elle a enfin compris. Les allemands ne veulent pas sortir de l’Euro, mais ils sont très idéologiques sur ces questions, surtout sur les Eurobonds. Le navire est lent à manœuvrer. Et on perd du temps !
Que s’est il passé ?
Il y a eu un clash souterrain entre les tenants de l’Orthodoxie et les pragmatiques pro-européens. Clairement Merkel et Schaüble sont du côté des pragmatiques mais sans le dire vraiment. En tout cas, la démission de Stark illustre aussi son manque de soutien politique. Son remplaçant a travaillé sur le plan de sauvetage de la Grèce et c’est un tenant du pragmatisme.
Et au delà de la CDU ?
Dans la sphère politique, le SPD et les Verts apparaissent favorables aux Eurobonds. Du côté des banques allemandes, il semblerait qu’elles n’ont pas respecté le « pacte » et vendu massivement des bonds grecs…mais aussi italiens durant l’été. Apparemment, ce ne serait pas le cas des banques françaises.
Comment analyser l’absence de Barroso depuis le printemps ?
Personnellement, j’ai cru que Barroso allait s’affirmer quand, au début de la crise grecque, il a clairement pris position pour la Grèce et dit aux allemands qu’ils se trompaient. Et puis plus rien sauf « business as usual »…
Mais existait il vraiment des marges de manœuvre politique ?
C’est à la Commission Européenne d’ouvrir le débat du coût du Non Euro. Pourquoi la Commission Européenne n’a-t-elle pas présenté dès le début de la crise un rapport sur le coût du Non-Euro, particulièrement pour l’industrie allemande ? Il existe un précédent avec le rapport Cecchini de la Commission Delors sur le coût de la non-Europe en 1986.
Jusqu’à présent, Barroso n’est pas sorti du piège suivant : « vu que les allemands sont contre, à quoi bon parler d’Eurobond si de toute façon ils seront contre ». Il s’est lui même imposé les contraintes des opinions publiques nationales, particulièrement en Allemagne. Or, s’il est au moins un avantage à la situation actuelle de la Commission et de Monsieur Barroso, c’est bien de pouvoir s’abstraire des opinions de court terme pour oser dire ce qui doit être dit et présenter une vision !
C’est à dire ?
La Commission doit proposer une réponse structurelle et systémique à la crise !
Elle va proposer en Octobre son livre vert sur les Eurobond. Elle a l’occasion de reprendre la main.
Ensuite se pose la question d’un plan de relance sérieux comme le propose Obama.
Il faut éviter toute incohérence de chaque côté de l’Atlantique, relance massive d’un côté, mise au pilori de Keynes de l’autre côté ! Ensuite, il faudra beaucoup de pédagogie!
Encore des dettes….
Quelqu’un devra bien expliquer aux thuriféraires de l’austérité qu’il est juste que les nouvelles générations paient pour la dette s’il s’agit d’investissement pour l’avenir et qu’en quelque sorte ils paient pour eux-mêmes. Tout le reste, les dépenses qui ne vont pas pour le futur, ça c’est de la « mauvaise dette », à laquelle il faut s’attaquer.
Il est temps de poser la question de la qualité de la dette !
Côté BCE, que peut on attendre de Mario Draghi qui va remplacer Trichet début Novembre ?
C’est non seulement quelqu’un de compétent mais aussi de créatif. Il ne va pas se contenter « d’appliquer » à la perfection, comme Trichet. Il domine la matière parfaitement, ce qui lui permettra d’aller au-delà. En plus, il a à la fois la culture économique anglo-saxonne, celle d’outre Rhin et naturellement celle des pays latin.
Vous suivez particulièrement la situation en Italie, quel est l’impact de la crise actuelle sur la majorité au pouvoir ?
Le gouvernement actuel y a perdu deux de ses soutiens traditionnels. D’un côté il a perdu la sympathie des milieux industriels qui était naturellement en empathie avec ses positions. C’est le cas de Confindustria (NDLR : le patronat italien). De l’autre, il a perdu la confiance des « fraudeurs » qui ont compris qu’il ne pourrait plus protéger leurs petits secrets.
Alors, il n’ya aura pas d’Europe. C’est bien dommage !
Comment dépasser ce dilemne ?
Reconnaître l’erreur et opter pour un autre système économique. De Gaulle avait réussi à obtenir du Libérateur la reconnaissance de la France avec son système politique « Démocratie », accompagné du système économique qu’on pourrait appelé « Capitalisme amendé » et une institution financière sur laquelle l’Etat avait encore du pouvoir de contrôle.
Nous avons jugé bon de remplacer dans cette organisation de vie sociétale le capitalisme amendé par le Monétarisme qui exige que le pouvoir réel soit donné à la Finance privée. Nous en connaissons maintenant le résultat. Cette organisation sociétale est inviable et invivable. Alors, il faut au minimum revenir à l’organisation prônée par le Général. Le Politique doit avoir la Primauté du pouvoir. Le système Economique doit garder une part de Libéralisme pour être dynamique. Quant à la Finance, elle doit rester un outil de fonctionnement des deux autres composantes. Je paraphrase Clémenceau : La Finance est une chose trop sérieuse pour être laissée à le seule gouverne des financiers.