jeudi 13 octobre 2011

Après l'annonce de la libération de Gilad Shalit ,qui sont les Palestiniens détenus dans les prisons israéliennes ?

LEMONDE.FR | 13.10.11 | 18h55 • Mis à jour le 13.10.11 | 19h55

Un Palestinien quitte le camp de prisonniers Ketziot, dans le sud d'Israël, à bord d'un camion militaire pour rejoindre la bande de Gaza avec 28 autres détenus libérés, le 2 octobre 2007.
Un Palestinien quitte le camp de prisonniers Ketziot, dans le sud d'Israël, à bord d'un camion militaire pour rejoindre la bande de Gaza avec 28 autres détenus libérés, le 2 octobre 2007.AP/TSAFRIR ABAYOV

La question des libérations réciproques de prisonniers a toujours été un thème central du conflit israélo-arabe. Mais l'accord d'échange entre le caporal israélien Gilad Shalit et 1 072 détenus palestiniens est historique à plus d'un titre.

Il s'agit du huitième échange de prisonniers accepté par Israël depuis 1974. Mais alors que la plupart des Israéliens capturés jusqu'ici l'avaient été au Liban, Gilad Shalit est le premier à être détenu sur le territoire palestinien et donc à faire l'objet d'une négociation directe entre Israël et des groupes palestiniens ne vivant pas en exil. Jamais, par ailleurs, un soldat israélien n'avait été gardé captif vivant aussi longtemps.

Cet accord est en outre le plus "généreux" de l'histoire des transactions de prisonniers
 entre l'Etat juif et ses voisins arabes, avec un ratio de mille Palestiniens pour un Israélien.
 Il dépasse celui de 1983, qui avait abouti en pleine guerre du Liban à la libération
de 4 500 prisonniers arabes en échange de six Israéliens.
Enfin, jamais la capture d'un Israélien n'avait été accompagnée d'une campagne
de presse aussi intensive au niveau international. Le visage de Gilad Shalit est
  aujourd'hui connu de tous. Le combat de ses parents pour faire pression
sur le gouvernement israélien a forcé l'admiration, la mobilisation médiatique
et diplomatique, de Paris à New York, n'a échappé à personne. Plus rares, par contre,
sont les médias qui se sont penchés sur le profil des Palestiniens emprisonnés en Israël,
considérés comme des héros dans leur camp, et du millier qui a servi de monnaie d'échange.
  • 5 000 prisonniers palestiniens
Le président de l'Autorité palestinienne s'est félicité de la libération annoncée de 1 072 Palestiniens. Mais il a aussitôt insisté sur le fait qu'il restera "dans les prisons israéliennes 5 000" de ses compatriotes "attendus impatiemment par leurs familles". L'organisation israélienne anti-sioniste B'Tselem, la seule a tenir un recensement faisant autorité concernant les détenus palestiniens, estimait le chiffre à 5 204 en août dernier. Une ONG palestinienne, Addameer, en comptait 5 554 en juin. Un chiffre en forte baisse si on le compare aux quelque 10 000 détenus pendant la première Intifada (1987-1993).


L'évolution de la population carcérale montre que la capture de Gilad Shalit s'est soldée par une augmentation instantanée des arrestations de Palestiniens. Le 28 juin, deux jours après son enlèvement, Israël lance l'opération Pluie d'été, qui se soldera par des centaines de morts et d'incarcérations. Plusieurs dizaines de députés du Hamas seront arrêtés, dont une quinzaine sont toujours incarcérés, selon Addameer.
Les chiffres n'étant pas disponibles entre février et juin 2006, il est difficile de mesurer l'impact exact de l'opération sur l'augmentation de la population carcérale. Tout juste peut-on constater que sur un an (janvier 2006-janvier 2007), le nombre de détenus passe de 5 100 à 9 100. Quatre mille arrestations à mettre en regard avec les 1 072 libérations annoncées mardi.
  • La détention administrative

Affrontements entre Palestiniens et forces de l'ordre israéliennes, mardi 16 mars, à Jérusalem-Est
Affrontements entre Palestiniens et forces de l'ordre israéliennes, mardi 16 mars, à Jérusalem-EstAFP/DAVID FURST

Sur les 5 204 détenus recensés en août, 272 étaient en détention administrative, incarcérés jusqu'à parfois plusieurs années sans être jugés. "Israël ne reconnaît pas aux prisonniers palestiniens le statut de prisonniers de guerre. Dans la pratique, des ordres militaires israéliens régissent les conditions de détention et notamment le régime de la détention administrative, qui permet de détenir une personne durant une période qui peut atteindre six mois renouvelables, sans obligation de jugement", explique la FIDH.
"La détention administrative est la seule caractéristique juridique, avec la peine de mort, qu'Israël ait conservée de l'époque du mandat britannique en 1948", souligne Frédéric Encel, spécialiste du Proche-Orient. Elle permet à la puissance mandataire d'incarcérer tout fauteur de trouble présumé, sans qu'aucune date soit fixée pour son procès.
  • 176 mineurs en prison

Des heurts ont éclatés à Hébron, en mars 2010, entre jeunes Palestiniens et soldats israéliens. Les Palestiniens protestaient contre la construction de nouvelles colonies à Jérusalem-Est.
Des heurts ont éclatés à Hébron, en mars 2010, entre jeunes Palestiniens et soldats israéliens. Les Palestiniens protestaient contre la construction de nouvelles colonies à Jérusalem-Est.AFP/HAZEM BADER

En août, B'Tselem recensait 176 mineurs palestiniens dans les prisons israéliennes, dont 31 avaient moins de 16 ans. En vertu des règlements militaires appliqués dans les territoires palestiniens, Israël considère comme adulte tout individu de plus de 16 ans, et ce alors que la Convention des Nations unies relative aux droits de l'enfant, dont Israël est signataire, tout comme sa propre loi nationale, fixe la majorité à 18 ans (lire le rapport de la FIDH sur ce sujet).
Les mineurs restent en général en prison pour un temps assez bref et sans être jugés, ce qui complique leur recensement. "Il y a beaucoup de turn over, mais le chiffre reste constant, explique Frédéric Encel. Il s'agit souvent de délits à peine caractérisables, comme des jets de pierre ou une participation à une manifestation. L'objectif est évidemment de se montrer dissuasif, même si l'effet est inverse."
  • Qui sera libéré ?

Un prisonnier palestinien libéré embrasse le sol au checkpoint de Beituniya avant de partir pour le QG de l'Autorité palestinienne à Ramallah, le 25 août 2008.
Un prisonnier palestinien libéré embrasse le sol au checkpoint de Beituniya avant de partir pour le QG de l'Autorité palestinienne à Ramallah, le 25 août 2008. AP/ARIEL SCHALIT

Aux termes de l'accord conclu mardi, les 1 027 prisonniers palestiniens seront libérés
en deux phases : environ 477 seront relâchés "dans une semaine" et les 550 autres
"dans deux mois". Le ministère de la justice israélien a précisé qu'il publierait
"au plus tard dimanche matin" sur Internet la liste nominative des Palestiniens
 libérables dans le cadre de la première phase.
Tout juste sait-on que le premier groupe comprend 27 femmes, soit la totalité
 des femmes emprisonnées par Israël, selon le gouvernement.
Israël a longtemps refusé que soient libérés des détenus ayant "du sang sur les mains",
 c'est-à-dire ayant effectué ou commandité des attaques contre l'armée ou des colons.
Mais le gouvernement de Benyamin Nétanyahou, sous la double pression
de la rue israélienne et de l'offensive de Mahmoud Abbas à l'ONU,
a finalement accepté d'en libérer certains. A condition qu'ils soient bannis de Cisjordanie.

Un peintre réalise le portrait de Marouane Barghouti, le chef du Fatah, qui purge depuis 2002 cinq peines de prison à perpétuité, sur le mur de séparation entre Ramallah et Jérusalem.
Un peintre réalise le portrait de Marouane Barghouti, le chef du Fatah, qui purge depuis 2002 cinq peines de prison à perpétuité, sur le mur de séparation entre Ramallah et Jérusalem.AFP/ABBAS MOMANI

Dans ce premier groupe figurent ainsi 280 prisonniers condamnés à la prison à
perpétuité. 203 résidents de Cisjordanie seront ainsi expulsés, pour 163 d'entre
eux vers la bande de Gaza, et pour 40 vers l'étranger. En revanche, 131 détenus
de Gaza, 96 de Cisjordanie, 14 de Jérusalem-Est et 6 Arabes israéliens pourront
 retrouver leur foyer. Certains des plus importants détenus palestiniens ne figurent
 en revanche pas dans l'échange. En particulier Marouane Barghouti, un des
 dirigeants de la deuxième Intifada, qui purge cinq peines de prison à perpétuité,
 et Ahmad Saadat, secrétaire général du Front populaire de libération
de la Palestine (FPLP).
Soren Seelow

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