jeudi 27 octobre 2011

Pour sortir les pays pris dans un cercle vicieux qui ne fait qu’aggraver leur déficit budgétaire, la solidarité européenne s’impose.Le point de vue de la CFDT


Pour sortir les pays pris dans un cercle vicieux qui ne fait qu’aggraver leur déficit budgétaire, la solidarité européenne s’impose.
Un dossier pour y voir plus clair, remis à jour le 19 octobre sur "les banques et la crise".
L’Union européenne est plus que jamais nécessaire
« On ne payera pas ». Pour dénoncer les conséquences des mesures d’austérité sur leur vie quotidienne, les Grecs ont continué tout l’été à organiser des actions de protestation comme les « casserolades » (concerts de casseroles), à l’image des manifestations en Argentine au début des années 2000.
La crise sociale est profonde dans le pays de la zone euro le plus menacé par la spirale de l’endettement. Nombre de salariés ne sont plus rémunérés depuis des mois. D’autres ont vu leur fiche de paie diminuer de près de la moitié. Les pensions de retraites ont aussi baissé. A contrario, les prix de l’essence, des transports collectifs et de la nourriture ont augmenté, de même que les impôts et la TVA qui vont poursuivre leur hausse après le nouveau plan d’austérité voté fin juin par le Parlement grec. Les entreprises ferment les unes derrière les autres et le chômage explose, réduisant les recettes fiscales qui auraient pu renflouer les caisses de l’Etat.
Etranglée par la crise, près de 40% de la population ne paie plus ses factures d’électricité. Le refus de payer est aussi devenu une manière de protester pour beaucoup de Grecs qui estiment que le tribut des salariés et des retraités est trop lourd quand d’autres catégories sociales plus aisées continuent de frauder le fisc. Entre les citoyens et leurs représentants politiques, le divorce est consommé.
Mauvais plans
Comme des milliers de jeunes Espagnols, Portugais, Irlandais et Italiens, les jeunes Grecs fuient leur pays faute de perspectives. Partout, l’accumulation des mesures de rigueur paralyse l’économie. « Il faut changer la philosophie des plans de sauvetage européens », s’alarmait début juillet le ministre polonais des Finances Jacek Rostowski, dont le pays préside l’Union européenne pour le second semestre 2011.
Malheureusement, la relance économique n’est toujours pas au goût du jour, y compris aux Etats-Unis. « La chute des Bourses au mois d’août suite à la dégradation de la note de la dette publique américaine par les agences de notation est surtout due à une crainte de la récession. Les investisseurs n’ont pas tant de doutes sur la capacité des Etats-Unis à rembourser leur dette. Washington aura toujours la possibilité de se financer. En revanche, le compromis passé entre démocrates et républicains1 génère des incertitudes sur la manière dont le pays va pouvoir trouver des ressources pour se redresser. Les conséquences sur l’économie sont mondiales. On observe d’ailleurs que les perspectives de croissance aux Etats-Unis mais aussi de leurs partenaires commerciaux comme la France ou l’Allemagne, sont encore plus faibles que ce qui était escompté pour le deuxième semestre 2011 » fait remarquer Véronique Descacq, secrétaire nationale responsable de la politique économique.
Bonds, ils s'appellent "eurobonds"
Si tous les pays européens émettaient des obligations communes – ou bondsen anglais (titres de créance qui permettent à un Etat d’emprunter sur les marchés) – ils mutualiseraient les risques. Il s’agirait de partager une partie de la dette entre tous les Etats. En créant un grand marché européen des obligations comparable à celui des Etats-Unis, non seulement l’Europe attirerait davantage de capitaux, mais les pays les plus fragiles ne seraient plus isolés face aux marchés financiers et seraient protégés de la spéculation. En contrepartie d’une gestion rigoureuse de leur budget, ils bénéficieraient de la crédibilité des pays les plus forts comme l’Allemagne qui se finance à des taux faibles.
Depuis début septembre, cette crainte de récession se confirme. La dette publique est « hors de contrôle », selon un rapport de contrôle budgétaire grec. Le pays a reconnu qu’il ne pourrait pas tenir ses objectifs de réduction du déficit en raison de l’aggravation de la récession. Les Bourses ont à nouveau chuté, après l’annonce qu’aucune création d’emplois n’avait eu lieu aux Etats-Unis en août. Autre indicateur négatif, tous les pays de la zone euro enregistrent une baisse de la production.
Des marges de manoeuvres existent
Pour la CFDT, un cercle vicieux s’est bien enclenché. Manifestant leur inquiétude sur la capacité de plusieurs pays à rembourser leur dette, les marchés financiers poussent ces derniers à mettre en œuvre des plans d’austérité sans considération du contexte social. Ces plans nuisent à la reprise économique. Ils entraînent un risque de récession face auquel les marchés paniquent et plongent. Or, les pertes enregistrées par les Bourses ont des effets sur l’économie réelle. Elles affaiblissent l’investissement des entreprises. La production de biens et de services est alors menacée à court et à long terme, et par voie de conséquence l’emploi également.
« On est toujours dans un cycle de prophéties auto-réalisatrices, note Véronique Descacq. Les acteurs financiers vendent parce qu’ils ont peur et ce dont ils ont peur se produit ». Il est pourtant nécessaire de réduire l’endettement des Etats. Si les historiens rappellent que les dettes publiques ont toujours existé, « les niveaux atteints, supérieurs à 80% du Produit intérieur brut, sont exceptionnels et ne sont pas supportables pour les générations futures, met en garde Véronique Descaq. Comme un particulier, il est normal qu’un Etat s’endette pour investir dans l’avenir. En revanche, si la dette est trop élevée, une partie trop importante des ressources est consacrée à son remboursement. On accroît la difficulté au lieu de la résoudre. »
Diminuer le déficit est donc indispensable. « Mais il faut aussi relancer la croissance pour éviter la crise sociale. Soutenir l’activité permet de créer de l’emploi et donne des revenus aux populations. Il ne faut donc pas se priver de faire des dépenses pour investir à long terme, surtout dans la période de mutation industrielle que nous connaissons. On peut privilégier des projets qui répondent à des objectifs d’efficacité énergétique et de développement durable, et faire ainsi évoluer notre modèle de production », affirme la secrétaire nationale. Tous les pays de l’Union européenne importent du pétrole et du gaz, plombant leurs échanges commerciaux. Investir l’épargne populaire, qui est massive dans la zone euro, pour développer les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique permettrait d’alléger le coût de leurs importations !
Plus de fédéralisme
Réduire l’endettement public tout en soutenant l’activité économique et l’emploi sont deux objectifs compatibles, selon la CFDT, si certaines conditions sont respectées. Les efforts pour réduire les déficits doivent être équitablement répartis. Au lieu de creuser les inégalités sociales, ils doivent contribuer à les diminuer, grâce notamment à des réformes fiscales axées sur l’efficacité et la justice. Entre les pays membres de l’Union européenne, la solidarité ainsi que l’harmonisation des politiques budgétaires, industrielles, économiques, sociales et fiscales s’imposent.
« L’Europe dans sa globalité, avec ses 27 membres, n’a pas de problème d’endettement », souligne Véronique Descacq. Un fonds de secours, appelé Fonds européen de stabilité financière (FESF) a été créé en juin 2010 pour prêter aux Etats en difficulté à des taux d’intérêt inférieurs à ceux que leur infligeaient les marchés. En contrepartie, le FESF impose de strictes restrictions budgétaires qui bloquent la relance économique de ces pays. Bénéficiant des garanties apportées par les 17 pays de la zone euro, il constitue cependant un premier pas vers la solidarité financière puisque les Traités européens interdisaient cette entraide entre les Etats.
Mais le FESF est non seulement trop rigide, il est aussi insuffisant. « Si on avait mutualisé la dette sous la forme d’euro-obligations, on aurait probablement évité toutes les spéculations qui se sont produites cet été. L’idée des euro-obligations progresse mais on peut se demander quand elles seront mises en place. En attendant, les milliards d’Euros engloutis sont perdus », déplore Marcel Grignard, secrétaire général adjoint, responsable de la politique internationale et européenne. Tous les pays sont menacés de déstabilisation. Ainsi, les banques allemandes et françaises ont massivement prêté à la Grèce, l’Irlande, le Portugal et l’Espagne. Marcel Grignard avertit : « Faire un effort pour consolider la zone euro coûtera moins cher que son éclatement car chaque pays serait alors contraint d’emprunter à des taux qui flamberaient. Face à la crise, il n’y a pas le choix. Soit l’Europe explose, soit chaque Etat accepte de transférer des responsabilités nationales pour avancer vers une plus grande intégration européenne. »
(1) Barack Obama n’a pas pu obtenir qu’une partie des coupes budgétaires soit compensée par une augmentation des impôts des Américains les plus fortunés et des grandes entreprises

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