Petite enfance: Nouvelle mobilisation des personnels le 6 mai 2010
Une étape supplémentaire a été franchie le 8 avril 2010 dans la détermination des professionnels de la petite enfance pour défendre leur outil de travail.
Dix mille personnes à Paris, plus d’une cinquantaine de manifestations en Province, des centaines de crèches fermées, des milliers de salariés en grève : cette journée de mobilisation a confirmé l’ampleur de la colère des professionnels.
Après plusieurs journées de mobilisation, il est nécessaire de faire le point sur les bouleversements qui percutent l’accueil de la petite enfance et qui expliquent la situation dans laquelle les décisions gouvernementales nous ont amenés.
Si la pénurie des places d’accueil des jeunes enfants est une réalité que personne ne conteste, c’est bien la nature et le contenu des projets gouvernementaux censés répondre à ce défi qui nous interpellent : assouplissement des normes applicables aux établissements d’accueil des jeunes enfants (EAJE), créations de nouvelles structures plus souples et libéralisation des modes d’accueil, c’est la palette utilisée par le Secrétariat d’Etat chargé de la famille.
1) Les normes applicables aux EAJE
-En matière de taux d’encadrement des jeunes enfants
Fixé à 1 adulte pour 5 bébés et 1 adulte pour 8 enfants qui marchent, Madame MORANO prétend qu’il n’est pas modifié par le projet de décret ! Mais, en aggravant l’accueil en surnombre (+ 15% pour les EAJE de 20 à 40 places et + 20% pour les EAJE de plus de 40 places), cette possibilité de sur-occupation déroge à la capacité d’accueil. Et, en dérogeant au nombre d’enfants accueillis, on déroge au taux d’encadrement. Prétendre qu’en moyenne mensuelle, le taux d’occupation à 100% ne peut être dépassé est un argument fallacieux parce qu’on ne s’occupe pas correctement des enfants "en moyenne" ! C’est inévitablement une dégradation des conditions de travail et donc de la qualité de l’accueil.
-En matière de qualifications professionnelles
Depuis 2007, le taux des professionnels les plus qualifiés (liste qui comprend les puéricultrices, les auxiliaires de puériculture, les infirmiers, les éducateurs de jeunes enfants) est fixé à 50%, les autres 50% étant constitués pour partie de titulaires du CAP Petite enfance ou BEP Sanitaire et social.
Ce que prévoit le décret modificatif, c’est diminuer le taux des professionnels les plus qualifiés. Madame MORANO ose même prétendre que c’est dans un souci de promotion professionnelle des professions féminines. C’est faux! Ce qui serait une réelle volonté de promotion professionnelle, ce serait de permettre aux personnes qui le souhaitent d’accéder à des formations plus qualifiantes. L’expérience acquise dans les EAJE par les titulaires du CAP petite enfance peut déboucher sur des VAE et des promotions dans des grades supérieurs. C'est clairement l'option que défend la Fédération INTERCO.
Pour répondre à la pénurie des professionnels des métiers de la petite enfance, il n’est pas nécessaire de baisser le niveau global de qualification exigée! Mais il est sûr qu’il faut un réel plan de formation aux métiers de la petite enfance. Ce n’est pas le cas actuellement et malheureusement les faits sont en contradiction avec les promesses du gouvernement.
2) La création de nouvelles structures plus souples
C’est une des pistes utilisées par le gouvernement pour développer l’offre d’accueil des jeunes enfants.
Déjà évoqués dans la loi de financement de la sécurité sociale en fin d’année 2009, les regroupements d’assistantes maternelles sont désormais portés par une proposition de loi, sous le nom de Maisons d’Assistants Maternels (MAM).
Ce nouveau dispositif permettrait le regroupement de 4 assistantes maternelles pouvant accueillir 4 enfants chacune, c'est-à-dire 16 enfants au total, dans un lieu hors de leur domicile.
Avec 16 enfants, cela ressemble fort à de l’accueil collectif et pourtant les normes relatives aux EAJE ne seraient pas applicables aux MAM. Il n’est donc pas prévu de formation spécifique à l’accueil collectif.
De plus, la proposition de loi prévoit de réduire de 60 à 30 heures la formation préalable à l’accueil du premier enfant. Notre bataille pour améliorer la formation des assistantes maternelles dans le cadre d’une réelle professionnalisation n’est pourtant pas si ancienne et déjà on assiste à une régression des modestes acquis de la récente loi modifiant le statut des assistantes maternelles (2005). La fédération INTERCO revendique toujours cette professionnalisation.
Aucun cadre organisationnel ou pédagogique ni aucune condition de durée d’expérience n’est prévu. Ajoutée à l’absence de formation à l’accueil collectif, cette nouvelle forme d’accueil peut constituer une véritable mise en danger des assistantes maternelles.
La proposition de loi instaure le principe d’une délégation d’accueil permettant aux parents d’autoriser l’assistante maternelle qu’ils emploient à déléguer l’accueil de leur enfant aux autres collègues travaillant dans la MAM avec inscription de l’autorisation et les noms des assistantes maternelles concernées dans le contrat de travail. A l’évidence, une telle disposition risque de diluer les responsabilités et n’apporte pas de garanties suffisantes pour les familles. En cas d’accident, il n’est pas sérieux d’envisager des recours en responsabilité d’une assistante maternelle contre une autre!
Beaucoup de questions se posent :
-Cette nouvelle forme d’accueil n’est-elle pas en contradiction avec une des premières caractéristiques du métier d' assistante maternelle qui est d’accueillir des enfants à domicile ?
-Comment concilier recours aux horaires décalés voulus par la proposition de loi et respect de la règle des 2250 heures de travail annuel par assistante maternelle ? Et cette règle des 2250 heures peut-elle être applicable pour un travail exercé hors du domicile?
-L’application des heures maximum prévues dans le statut des assistantes maternelles (de 45 à 48 heures par semaine) n’est elle pas une grave entorse au code du travail pour des personnes travaillant hors de leur domicile ?
-Qui assurera la responsabilité de la gestion des plannings, des repas, du ménage et en cas de désaccord, quelles seront les conséquences ?
Cette nouvelle forme d’accueil a déjà fait l’objet d’expérimentations dont certaines ont été interrompues parce que non satisfaisantes, faute d'accompagnement. Mais aucun bilan global n’est mené et le gouvernement se contente de mettre en avant les expériences réussies celles dont on sait qu'elles ont fait l'objet d'un accompagnement, en contradiction avec les arguments d'abaissement des coûts défendus par la proposition de loi.
A INTERCO, nous devons être particulièrement attentifs à l’évolution de cette proposition de loi qui risque, d’une part, de remettre en question des dispositions du statut des assistantes maternelles et d’autre part peut donner des idées à des collectivités en terme de répartition des modes d’accueil au détriment d’autres formes comme les crèches familiales ou collectives.
3) L’application de la directive « services » aux EAJE
Depuis plusieurs mois, nous disons notre opposition à voir inclure le secteur de la petite enfance dans le champ concurrentiel, au nom de la transposition en droit français de la directive relative aux services dans le marché intérieur.
Pourtant, l’Etat français disposait d’arguments pour traiter ce secteur différemment !
Pour qu’un service d’intérêt général à caractère social soit exclu du champ de la directive services, il doit bénéficier d’un mandatement.
A la Fédération INTERCO-CFDT, nous pensons que c’était possible.
C’était le sens du courrier que nous avons adressé à Madame MORANO et auquel elle n’a pas répondu : « …Les établissements d’accueil des jeunes enfants ne sont pas seulement tenus de respecter des normes de sécurité et de qualité, comme l’évoque le rapport. Ils ont également l’obligation d’accueillir des enfants de bénéficiaires de minima sociaux, l’obligation d’accueillir des enfants porteurs de handicap, l’obligation de respecter un projet d’établissement, l’obligation de respecter le barème de la CNAF quant au reste à charge des familles, l’obligation de respecter des taux d’encadrement et des taux d’occupation des structures.
Cet ensemble de contraintes constituent un large faisceau d’indices et permet de considérer que le régime d’encadrement applicable aux structures d’accueil de la petite enfance, vaut mandatement.
A l’instar d’autres activités du champ social de notre pays, le secteur de la petite enfance doit être vu comme une composante de l’action des pouvoirs publics pour la cohésion sociale. Il doit être considéré comme un service d’intérêt général et d’utilité sociale qui ne saurait dépendre uniquement des lois du marché et de la libre concurrence… ».
Il n'est pas encore trop tard pour dénoncer le risque de nouvelles dérèglementations et de remise en cause des subventions publiques à certains établissements.
C'est donc bien en tant que syndicalistes que nous avons le devoir de dénoncer les effets induits de ces mesures qui pèsent sur l'avenir du secteur de la petite enfance :
-tension et souffrance des équipes avec des conséquences sur un secteur déjà en pénurie,
-contre-productivité des mesures envisagées qui en dégradant les conditions de travail vont entrainer souffrance et absentéisme et, in fine, fermeture de sections... réduisant ainsi la quantité de berceaux disponibles !
Pour toutes ces raisons, la fédération INTERCO, membre du collectif « Pas de bébés à la consigne » soutient l'action de ces professionnels et appelle à la poursuite de la mobilisation pour exiger l'arrêt de ces projets qui convergent vers la dégradation de la qualité de l'accueil des jeunes enfants et les conditions de travail des salariés.
Durant les prochaines semaines, la mobilisation doit prendre plusieurs formes :
-des demandes d'audience auprès des groupes parlementaires ont été faites,
-un point presse sera organisé le 29 avril devant l'assemblée nationale, jour de la discussion sur la proposition de loi relative aux MAM,
-D'ores et déjà, une nouvelle journée de grève et de manifestation est prévue pour le jeudi 6 mai 2010. La Fédération dépose un préavis de grève nationale
NOUS NE LACHERONS PAS, MOBILISONS NOUS LE 6 MAI 2010 !
Avec l'AFP 07/05/2010 Publié dans : France
Plusieurs milliers de personnes (2.300 selon la police et 6.000 selon les organisateurs) ont défilé le 6 mai à Paris pour dénoncer une prochaine réforme des crèches, des chiffres en repli par rapport aux dernières journées de mobilisation, mais de nombreux établissements sont restés fermés en France.
Les professionnels étaient appelés par le collectif « Pas de bébés à la consigne ! » à faire grève et à manifester ou se rassembler dans une trentaine de villes. Ils s’opposent à un décret, que le gouvernement s’apprête à publier, qui abaisse le niveau de qualification d’une partie des personnels des crèches et leur permet, ponctuellement, d’accueillir plus d’enfants.
Selon la mairie de Paris, qui compte 439 établissements, 97 sont restés totalement fermés et 121 partiellement, des chiffres comparables à la dernière journée de mobilisation le 8 avril. Mais la mairie a recensé un peu moins de grévistes (9,32%, contre 14%).
A Marseille, sur une soixantaine de crèches municipales, 47 sont restées fermées entièrement ou partiellement et 11 ouvertes, selon la mairie. Lors de la dernière journée de mobilisation le 8 avril, 55 crèches avaient été touchées. Quelque 200 personnes ont défilé, portant des pancartes où on pouvait lire : « Halte à l’élevage en batterie, nos enfants ne sont pas des poulets. »
A Bordeaux, 24 crèches sur 30 étaient touchées contre 27 en avril. Dans ces deux villes, les mairies ont compté moins de crèches totalement fermées que lors de la dernière grève le 8 avril.
A Lille, aucune crèche municipale n’était fermée tandis qu’à Nantes, environ 850 personnes (selon la police) ont manifesté. A Strasbourg, neuf crèches sur 12 sont restées portes closes. A Lyon, entre 250 et 400 personnes selon les sources ont manifesté tandis que 33 crèches étaient fermées en tout ou partie et 25 ouvertes normalement.
Tétines sur la tête
Du fait de la multiplicité des statuts des crèches (municipales, associatives, etc.), il n’existe pas de chiffres globaux sur les taux de grévistes ou le nombre de crèches fermées.
Si « ces chiffres sont certes moins forts », ils « restent élevés pour un secteur qui se mobilise peu habituellement », a commenté Pierre Suesser, président du syndicat des médecins de services de protection maternelle et infantile (PMI), au nom du collectif rassemblant une cinquantaine de syndicats et d’associations de professionnels.
Les 11 mars et 8 avril, entre 4.500 personnes (police) et 10.000 (organisateurs) avaient défilé à Paris. Pour Chantal, auxiliaire de puériculture à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine), venue défiler avec des tétines accrochées sur la tête, « si le décret passe, on va revenir à un système de garderie ».
Le collectif appelle parents et professionnels à manifester le samedi 29 mai.
Association et mouvement associatif -
Enfance et famille
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire