A Marseille, la justice cible le réseau d'influence tissé par les frères Guérini
"Je ne t'ai pas vu et rien dit"
Réalisées dans le cadre de l'instruction du juge Charles Duchaine, les écoutes téléphoniques visant Alexandre Guérini ne révèlent pas de délits évidents. Elles témoignent en revanche d'un climat et de méthodes particulières. Ainsi, de mai à août 2009, M. Guérini et deux de ses interlocuteurs conversent, à propos de marchés présumés truqués liés à des photocopieurs (affaire Prodotec). "Fais gaffe, sois prudent", dit l'un. "Je ne t'ai pas vu et rien dit", assure l'autre. "Tout est OK, à toi les cartes (...) pour le photocopieur, les chiffres sont bons (...) bon, il m'a donné une partie... heu... une partie et l'autre partie mercredi prochain (...). Bon, j'ai vu Alexandre... il te fera passer un message..." Ou cette phrase sibylline, digne d'un dialogue à la Michel Audiard : "Je gère au mieux, mais dans les escadrilles de cons, la photocopieuse est pilote de la cupidité."
C'est que les temps sont durs pour la famille. Alexandre Guérini - que Le Monde a vainement tenté de joindre - fait l'objet de trois enquêtes judiciaires distinctes, qui pourraient aussi éclabousser son frère. Et rebattre les cartes dans l'optique de l'éventuelle succession à Jean-Claude Gaudin, le maire UMP de Marseille. "C'est un système mafieux, n'hésite pas à lancer le député UMP Renaud Muselier, l'un des rares à élever la voix. Si Guérini gagne aux prochaines municipales, je serais obligé de quitter la ville..."
Alexandre Guérini goûte fort peu la lumière des projecteurs. Membre du PS depuis longtemps, homme d'influence et de réseaux, il a développé ses activités économiques en toute discrétion. Il est à la tête, via la société SMA Environnement - plus de 7 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2008 -, d'au moins quatre déchetteries dans le département. Un secteur des plus lucratifs, où il s'épanouissait jusqu'au 9 février 2009.
Ce jour-là, une lettre anonyme parvient au parquet de Marseille. Un mystérieux délateur prétend dénoncer de supposées malversations imputées aux frères Guérini, liées aux marchés publics. Le conseil général gère un budget de 2,3 milliards d'euros. La communauté urbaine de Marseille (CUM), présidée par Eugène Caselli, un proche de Jean-Noël Guérini, dispose quant à elle d'1,5 milliard d'euros. Une manne, mais aussi un réel pouvoir d'influence, dont bénéficierait Alexandre Guérini.
Reste à corroborer les accusations. Le courrier est précis, argumenté. Dès le lendemain, une enquête préliminaire est ordonnée. Elle conforte certaines des charges. Une information judiciaire pour "corruption, trafic d'influence et favoritisme" est donc ouverte en avril 2009, confiée au juge Charles Duchaine. Des interceptions téléphoniques sont mises en place. Alexandre Guérini se montre prudent. Les écoutes révèlent pourtant, d'après plusieurs sources judiciaires, un climat local délétère.
On y entendrait ainsi Alexandre Guérini exiger le retrait d'un appel d'offres concernant une collecte sélective, menacer de "faire virer" les fonctionnaires trop scrupuleux, intervenir auprès de l'office HLM pour récupérer des logements destinés à ses obligés, obtenir du conseil général des emplois et des subventions pour des associations qu'il semble diriger en sous-main, faciliter l'attribution de marchés à des sociétés via le versement de commissions, voire même commercer sans la moindre justification avec des officines spécialisées dans le blanchiment. Il se vanterait aussi d'avoir obtenu un rapport d'analyse censé être confidentiel, dans le cadre d'un marché de collecte de déchets. Rien, en revanche, qui puisse impliquer directement Jean-Noël Guérini, même si les enquêteurs s'intéressent de très près aux maisons de retraite du département, tributaires des agréments distribués par le conseil général.
Du coup, en novembre 2009, le juge Duchaine précipite des perquisitions au domicile d'Alexandre Guérini, mais aussi dans les locaux de sa société. Les enquêteurs se rendent également au conseil général, et dans les bureaux de la CUM. "Beaucoup d'éléments avaient disparu, regrette le procureur de Marseille, Jacques Dallest. Manifestement, le ménage avait été fait..." Les dossiers saisis sont toujours en cours d'exploitation, et plusieurs commissions rogatoires ont été lancées. Dans les courriers anonymes, il était notamment question de comptes au Luxembourg, détenus par Alexandre Guérini.
Dans le cadre de cette procédure, des faits connexes apparaissent. Ainsi, les enquêteurs suspectent la société Prodotec, spécialisée dans la commercialisation de matériel de reprographie, d'avoir obtenu des marchés publics, notamment à l'Agglopole Provence, via l'intervention, et avec des contreparties, d'Alexandre Guérini et d'un fonctionnaire territorial. En février 2010, une information judiciaire est ouverte, confiée au juge Duchaine.
A ce jour, Alexandre Guérini n'a toujours pas été entendu par la justice, et aucune mise en examen n'a été prononcée afin d'éviter l'accès au dossier judiciaire. Mais les enquêteurs disposent de nouveaux éléments, depuis les 26 mai et 2 juin 2009. D'autres courriers anonymes, adressés à la police judiciaire de Marseille, dénoncent les agissements de la société Queyras Environnement,(*) spécialisée dans le ramassage des ordures. Alexandre Guérini est très lié aux dirigeants de cette entreprise.
La fraude dénoncée impliquerait un fonctionnaire de la CUM et les quatre déchetteries gérées par M. Guérini. Le 26 avril 2010, quatorze employés de Queyras sont placés en garde à vue. Ils reconnaissent l'existence d'une double facturation rapportant 15 000 euros par mois à la société, la fausse facturation permettant de soustraire 23 000 euros mensuels aux deniers publics.
Gérard Davet
(*)Queyras Environnent SAS (Société par Actions Simplifiées) a démarré son activitéen décembre 2004.L’équipe dirigeante de cette société est issue de grands groupes nationaux(Onyx, SEM, Bronzo). Elle garantie par, sa perception globale de l’activité environnementale, sesconnaissances professionnelles et ses habitudes à un service global de qualité:
pour la gestion de centre de tri et de recyclage, ainsi que l’exploitation decentre de transfert.
pour la collecte des ordures ménagères,
pour la mise à disposition de bennes et compacteurs aux sein des industriels,des centres commerciaux, BTP, collectivités locales, particuliers.
pour les études, conseils et assistance en exploitation.
Son Président Directeur Général, Eric PASCAL, a débuté sa carrière professionnelleen 1987, chez un « récupérateur de vieux papiers », le groupe Soulier, propriété de laRochette Sampa.
A l’issue du rachat de Soulier par Onyx, Eric PASCAL devient Directeur de l’agence Recyclage et Collecte des DIB/DAC sur Marseille.En 1996, il est recruté par le Groupe SEM pour devenir Directeur de la Société Bronzo, responsable des activités entre Bandol et Montpellier.Il gère pour le groupe l’ensemble des activités suivantes :
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