Tous les agents du service public sont
soumis à une certaine déontologie, qui n’est pas une obligation morale
mais bien juridique. Celle-ci se définit comme un ensemble de règles que
sont tenus de respecter les fonctionnaires (titulaires, contractuels,
stagiaires), notamment en période électrorale.
Sommaire du dossier
La déontologie des fonctionnaires – Introduction
Loi « déontologie » (1) : Une redéfinition légale des obligations des fonctionnaires
Déontologie
Il ne faut pas s’y tromper : l’obligation de prévention des conflits d’intérêts, généralisée par la loi du 20 avril 2016, concerne tous les agents publics. Empreintes de bon sens, ces dispositions ont l’immense mérite de donner à tous les agents un même canevas de « bonnes » réponses déontologiques. La loi consacre une collaboration entre la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique et la commission de déontologie de la fonction publique.
Samuel Dyens
avocat, cabinet Goutal, Alibert et associés, maître de conférences associé à l'université de Nîmes
Devant l’omniprésence de cette thématique depuis « l’affaire Cahuzac » et devant « l’absence d’obligation claire »(1)
s’y rapportant, il était inévitable - et légitime - que la prévention
des conflits d’intérêts soit intégrée dans la loi du 13 juillet 1983
portant droits et obligations des agents publics, à l’occasion du vote
de la loi du 20 avril 2016.
Les mêmes observations que celles adressées à la loi du 11 octobre 2013 peuvent être formulées ici : consécration de l’existence de conflits entre intérêts publics (toujours délicats à appréhender) et de la théorie de l’apparence, à l’instar du juge pénal (« paraître influencer »). Par ailleurs, si l’agent a connaissance de faits susceptibles de constituer un conflit d’intérêts qui ne le concernent pas, la voie de l’alerte éthique lui est alors ouverte.
Cette obligation constitue une formalité préalable substantielle de la procédure de nomination. C’est à l’autorité hiérarchique (et non de nomination) qu’il appartient d’apprécier la compatibilité de la déclaration avec l’emploi envisagé et, en cas de situation douteuse, de prendre les mesures nécessaires pour y mettre fin ou d’enjoindre à l’agent de la faire cesser. Si l’autorité hiérarchique ne s’estime pas e
n capacité d’apprécier la situation, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) peut être saisie pour formuler une recommandation. La déclaration d’intérêts ne peut comporter aucune mention des opinions ou des activités politiques, syndicales, religieuses ou philosophiques de l’intéressé ; si elle doit être annexée au dossier du fonctionnaire, toutes les mesures nécessaires pour en assurer la confidentialité doivent être assurées. Il ressort des débats parlementaires que la liste des emplois soumis à cette obligation de déclaration d’intérêts devrait être assez large.
Ces déclarations concernent la totalité des biens propres de l’agent ainsi que, le cas échéant, ceux de la communauté ou les biens indivis. Etant très « intrusive » pour les agents visés, la déclaration de situation patrimoniale n’est ni versée au dossier du fonctionnaire ni communicable aux tiers. Ce qui explique que, contrairement à la précédente déclaration, la liste des emplois soumis à cette obligation d’intérêts devrait être réduite (8). La portée réelle des dispositions relatives aux deux déclarations est ainsi largement conditionnée par les futurs décrets d’application.
L’agent défaillant sera soumis au régime de sanctions prévu par la loi. Pour les membres des cabinets des autorités territoriales, soumis aux dispositions de la loi du 11 octobre 2013, les déclarations d’intérêt et de situation patrimoniale doivent être établies au plus tard le 1ernovembre 2016 (loi du 20 avril 2016, art. 11,VII).
S’il refuse de déférer aux injonctions de la HATVP ou de lui communiquer les informations et pièces utiles à l’exercice de sa mission, la sanction est d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. En retour, les personnes indélicates qui publieront ou divulgueront de quelque manière que ce soit, tout ou partie des déclarations seront punies des peines sanctionnant l’atteinte à l’intimité de la vie privée, soit un an d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende
Loi « déontologie » (2) : la prévention des conflits d’intérêts, un nouvel impératif
Il ne faut pas s’y tromper : l’obligation de prévention des conflits d’intérêts, généralisée par la loi du 20 avril 2016, concerne tous les agents publics. Empreintes de bon sens, ces dispositions ont l’immense mérite de donner à tous les agents un même canevas de « bonnes » réponses déontologiques. La loi consacre une collaboration entre la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique et la commission de déontologie de la fonction publique.
avocat, cabinet Goutal, Alibert et associés, maître de conférences associé à l'université de Nîmes
Cet article fait partie du dossier
Déontologie des fonctionnaires : droits et obligations
Une obligation générale de prévention
Il ne faut pas penser que l’obligation de prévention des conflits d’intérêts ne concerne que les hauts responsables des administrations décentralisées : elle s’impose à tous.Définition unifiée
La loi du 20 avril 2016 introduit dans la loi de 1983 (art. 25 bis) une définition du conflit d’intérêts parfaitement cohérente avec celle figurant à l’article 1er de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique. Constitue un conflit d’intérêts « toute situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif de ses fonctions ». Et il faut insister, tous les agents se voient imposer la double obligation de faire cesser immédiatement (obligation correctrice) et/ou de prévenir (obligation anticipative) les situations de conflit d’intérêts dans lesquelles ils se trouvent ou pourraient se trouver.Les mêmes observations que celles adressées à la loi du 11 octobre 2013 peuvent être formulées ici : consécration de l’existence de conflits entre intérêts publics (toujours délicats à appréhender) et de la théorie de l’apparence, à l’instar du juge pénal (« paraître influencer »). Par ailleurs, si l’agent a connaissance de faits susceptibles de constituer un conflit d’intérêts qui ne le concernent pas, la voie de l’alerte éthique lui est alors ouverte.
Réponses encadrées par la loi
Le souci de cohérence avec la loi de 2013 a conduit le législateur à adopter des réponses similaires lorsque l’agent doit envisager une situation de conflit d’intérêts. Dans le droit fil du décret du 31 janvier 2014 (2), l’article2 de la loi commentée organise les réponses que l’agent doit adopter en cas de situation de conflit d’intérêts. Plusieurs situations sont concernées, dont une spécifique aux instances juridictionnelles (art. 25bis,II,4°). Ainsi, si l’agent est placé dans une position hiérarchique, il doit saisir son supérieur, qui appréciera s’il doit confier ou pas le dossier litigieux à un autre agent. S’il a reçu une délégation de signature, il doit s’abstenir d’en user. Lorsqu’il appartient à une instance collégiale, il doit s’abstenir d’y siéger ou de délibérer. Enfin, lorsque l’agent exerce des compétences qui lui ont été dévolues en propre, il est suppléé par tout délégataire, auquel il s’abstient d’adresser des instructions.Membres des cabinets des autorités territoriales
Constatant l’absence de leur prise en compte dans la loi de 2013, la loi « déontologie » astreint les directeurs, directeurs adjoints et chefs de cabinet des autorités territoriales (3) aux obligations de déclarations d’intérêts et de situation patrimoniale (4). Mais leur « profil » conduit à les soumettre aux dispositions de la loi du 11 octobre 2013, et non à celles de la loi du 13 juillet 1983.Des obligations déclaratives à géométrie variable
Si tous les agents se voient responsabilisés en matière de prévention des conflits d’intérêts, soit parce qu’ils sont concernés (prévention ou cessation), soit parce qu’ils ont connaissance de tels faits (alerte), seuls certains seront soumis aux obligations déclaratives (5).Déclaration d’intérêts
La nomination des emplois mentionnés sur une liste établie par décret « est conditionnée à la transmission préalable par le fonctionnaire d’une déclaration exhaustive, exacte et sincère de ses intérêts à l’autorité investie du pouvoir de nomination » (6).Cette obligation constitue une formalité préalable substantielle de la procédure de nomination. C’est à l’autorité hiérarchique (et non de nomination) qu’il appartient d’apprécier la compatibilité de la déclaration avec l’emploi envisagé et, en cas de situation douteuse, de prendre les mesures nécessaires pour y mettre fin ou d’enjoindre à l’agent de la faire cesser. Si l’autorité hiérarchique ne s’estime pas e
n capacité d’apprécier la situation, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) peut être saisie pour formuler une recommandation. La déclaration d’intérêts ne peut comporter aucune mention des opinions ou des activités politiques, syndicales, religieuses ou philosophiques de l’intéressé ; si elle doit être annexée au dossier du fonctionnaire, toutes les mesures nécessaires pour en assurer la confidentialité doivent être assurées. Il ressort des débats parlementaires que la liste des emplois soumis à cette obligation de déclaration d’intérêts devrait être assez large.
Déclaration de situation patrimoniale
A l’inverse, la déclaration de sa situation patrimoniale, pour l’agent nommé dans l’un des emplois mentionnés sur une liste, également établie par décret, doit être adressée dans les deux mois suivant sa nomination (et non préalablement) au président de la HATVP. Dans les deux mois suivant la cessation de ses fonctions, l’agent devra adresser à la même autorité une nouvelle déclaration afin d’apprécier « la variation de la situation patrimoniale » (7).Ces déclarations concernent la totalité des biens propres de l’agent ainsi que, le cas échéant, ceux de la communauté ou les biens indivis. Etant très « intrusive » pour les agents visés, la déclaration de situation patrimoniale n’est ni versée au dossier du fonctionnaire ni communicable aux tiers. Ce qui explique que, contrairement à la précédente déclaration, la liste des emplois soumis à cette obligation d’intérêts devrait être réduite (8). La portée réelle des dispositions relatives aux deux déclarations est ainsi largement conditionnée par les futurs décrets d’application.
Compétences de la HATVP
Si elle peut aider une autorité hiérarchique à apprécier une situation qui lui est soumise au titre de la déclaration d’intérêts, en formulant une recommandation, les pouvoirs de la HATVP sont surtout centrés sur la déclaration de situation patrimoniale. Outre que son président en est le destinataire, elle peut demander à l’agent toute explication nécessaire à l’exercice de sa mission de contrôle, ses déclarations fiscales, voire demander les déclarations fiscales du conjoint séparé de biens, du partenaire lié par un PACS ou du concubin. En cas d’agent récalcitrant, la HATVP peut demander copie de ces déclarations à l’administration fiscale.La mise en œuvre du dispositif
HATVP et CDFP : la collaboration
La commission de déontologie de la fonction publique et la HATVP peuvent échanger les informations nécessaires à l’accomplissement de leurs missions respectives, « y compris les informations couvertes par le secret professionnel » (9). Pour les membres des cabinets soumis aux obligations déclaratives (10) , la commission communique à la HATVP ses avis relatifs à leur demande de départ vers le secteur privé.Régularisation des situations
Les agents soumis à déclaration d’intérêts auront six mois suivant la date d’entrée en vigueur du décret fixant la liste des emplois concernés pour y procéder (loi du 20 avril 2016, art.6). Par dérogation, ils devront l’adresser directement à l’autorité hiérarchique, et non à l’autorité de nomination. Le même délai de six mois suivant la date d’entrée en vigueur du décret d’application de l’article25 quinquiès est prévu pour que les agents y figurant puissent adresser leur déclaration de situation patrimoniale au président de la HATVP (11).L’agent défaillant sera soumis au régime de sanctions prévu par la loi. Pour les membres des cabinets des autorités territoriales, soumis aux dispositions de la loi du 11 octobre 2013, les déclarations d’intérêt et de situation patrimoniale doivent être établies au plus tard le 1ernovembre 2016 (loi du 20 avril 2016, art. 11,VII).
Sanctions pénales
Le défaut de déclaration, la déclaration incomplète ou mensongère par un agent soumis à l’une des déclarations prévues sont sanctionnées d’une peine de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende, sans préjudice des peines complémentaires de privation de ses droits civiques, politiques et de famille ou d’interdiction d’exercer une fonction publique.S’il refuse de déférer aux injonctions de la HATVP ou de lui communiquer les informations et pièces utiles à l’exercice de sa mission, la sanction est d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. En retour, les personnes indélicates qui publieront ou divulgueront de quelque manière que ce soit, tout ou partie des déclarations seront punies des peines sanctionnant l’atteinte à l’intimité de la vie privée, soit un an d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende
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