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mardi 4 avril 2017
Déontologie des fonctionnaires : droits et obligations
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Tous les agents du service public sont
soumis à une certaine déontologie, qui n’est pas une obligation morale
mais bien juridique. Celle-ci se définit comme un ensemble de règles que
sont tenus de respecter les fonctionnaires (titulaires, contractuels,
stagiaires), notamment en période électrorale.
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Il ne faut pas s’y tromper : l’obligation de prévention des
conflits d’intérêts, généralisée par la loi du 20 avril 2016, concerne
tous les agents publics. Empreintes de bon sens, ces dispositions ont
l’immense mérite de donner à tous les agents un même canevas de « bonnes
» réponses déontologiques. La loi consacre une collaboration entre
la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique et la
commission de déontologie de la fonction publique.
Samuel Dyens
avocat, cabinet Goutal, Alibert et associés, maître de conférences associé à l'université de Nîmes
Devant l’omniprésence de cette thématique depuis « l’affaire Cahuzac » et devant « l’absence d’obligation claire »(1)
s’y rapportant, il était inévitable - et légitime - que la prévention
des conflits d’intérêts soit intégrée dans la loi du 13 juillet 1983
portant droits et obligations des agents publics, à l’occasion du vote
de la loi du 20 avril 2016.
Une obligation générale de prévention
Il ne faut pas penser que l’obligation de prévention des conflits
d’intérêts ne concerne que les hauts responsables des administrations
décentralisées : elle s’impose à tous.
Définition unifiée
La loi du 20 avril 2016 introduit dans la loi de 1983 (art. 25 bis)
une définition du conflit d’intérêts parfaitement cohérente avec celle
figurant à l’article 1er de la loi du 11 octobre 2013
relative à la transparence de la vie publique. Constitue un conflit
d’intérêts « toute situation d’interférence entre un intérêt public et
des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou
paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif de ses
fonctions ». Et il faut insister, tous les agents se voient imposer la
double obligation de faire cesser immédiatement (obligation correctrice)
et/ou de prévenir (obligation anticipative) les situations de conflit
d’intérêts dans lesquelles ils se trouvent ou pourraient se trouver.
Les mêmes observations que celles adressées à la loi du 11 octobre
2013 peuvent être formulées ici : consécration de l’existence de
conflits entre intérêts publics (toujours délicats à appréhender) et de
la théorie de l’apparence, à l’instar du juge pénal (« paraître
influencer »). Par ailleurs, si l’agent a connaissance de faits
susceptibles de constituer un conflit d’intérêts qui ne le concernent
pas, la voie de l’alerte éthique lui est alors ouverte.
Réponses encadrées par la loi
Le souci de cohérence avec la loi de 2013 a conduit le législateur à
adopter des réponses similaires lorsque l’agent doit envisager une
situation de conflit d’intérêts. Dans le droit fil du décret du 31
janvier 2014 (2),
l’article2 de la loi commentée organise les réponses que l’agent doit
adopter en cas de situation de conflit d’intérêts. Plusieurs situations
sont concernées, dont une spécifique aux instances juridictionnelles
(art. 25bis,II,4°). Ainsi, si l’agent est placé dans une position
hiérarchique, il doit saisir son supérieur, qui appréciera s’il doit
confier ou pas le dossier litigieux à un autre agent. S’il a reçu une
délégation de signature, il doit s’abstenir d’en user. Lorsqu’il
appartient à une instance collégiale, il doit s’abstenir d’y siéger ou
de délibérer. Enfin, lorsque l’agent exerce des compétences qui lui ont
été dévolues en propre, il est suppléé par tout délégataire, auquel il
s’abstient d’adresser des instructions.
Membres des cabinets des autorités territoriales
Constatant l’absence de leur prise en compte dans la loi de 2013, la
loi « déontologie » astreint les directeurs, directeurs adjoints et
chefs de cabinet des autorités territoriales (3) aux obligations de déclarations d’intérêts et de situation patrimoniale (4).
Mais leur « profil » conduit à les soumettre aux dispositions de la loi
du 11 octobre 2013, et non à celles de la loi du 13 juillet 1983.
Des obligations déclaratives à géométrie variable
Si tous les agents se voient responsabilisés en matière de prévention
des conflits d’intérêts, soit parce qu’ils sont concernés (prévention
ou cessation), soit parce qu’ils ont connaissance de tels faits
(alerte), seuls certains seront soumis aux obligations déclaratives (5).
Déclaration d’intérêts
La nomination des emplois mentionnés sur une liste établie par décret
« est conditionnée à la transmission préalable par le fonctionnaire
d’une déclaration exhaustive, exacte et sincère de ses intérêts à
l’autorité investie du pouvoir de nomination » (6).
Cette obligation constitue une formalité préalable substantielle de
la procédure de nomination. C’est à l’autorité hiérarchique (et non de
nomination) qu’il appartient d’apprécier la compatibilité de la
déclaration avec l’emploi envisagé et, en cas de situation douteuse, de
prendre les mesures nécessaires pour y mettre fin ou d’enjoindre à
l’agent de la faire cesser. Si l’autorité hiérarchique ne s’estime pas e
n capacité d’apprécier la situation, la Haute Autorité pour la
transparence de la vie publique (HATVP) peut être saisie pour formuler
une recommandation. La déclaration d’intérêts ne peut comporter aucune
mention des opinions ou des activités politiques, syndicales,
religieuses ou philosophiques de l’intéressé ; si elle doit être annexée
au dossier du fonctionnaire, toutes les mesures nécessaires pour en
assurer la confidentialité doivent être assurées. Il ressort des débats
parlementaires que la liste des emplois soumis à cette obligation de
déclaration d’intérêts devrait être assez large.
Déclaration de situation patrimoniale
A l’inverse, la déclaration de sa situation patrimoniale, pour
l’agent nommé dans l’un des emplois mentionnés sur une liste, également
établie par décret, doit être adressée dans les deux mois suivant sa
nomination (et non préalablement) au président de la HATVP. Dans les
deux mois suivant la cessation de ses fonctions, l’agent devra adresser à
la même autorité une nouvelle déclaration afin d’apprécier « la
variation de la situation patrimoniale » (7).
Ces déclarations concernent la totalité des biens propres de l’agent
ainsi que, le cas échéant, ceux de la communauté ou les biens indivis.
Etant très « intrusive » pour les agents visés, la déclaration de
situation patrimoniale n’est ni versée au dossier du fonctionnaire ni
communicable aux tiers. Ce qui explique que, contrairement à la
précédente déclaration, la liste des emplois soumis à cette obligation
d’intérêts devrait être réduite (8).
La portée réelle des dispositions relatives aux deux déclarations est
ainsi largement conditionnée par les futurs décrets d’application.
Compétences de la HATVP
Si elle peut aider une autorité hiérarchique à apprécier une
situation qui lui est soumise au titre de la déclaration d’intérêts, en
formulant une recommandation, les pouvoirs de la HATVP sont surtout
centrés sur la déclaration de situation patrimoniale. Outre que son
président en est le destinataire, elle peut demander à l’agent toute
explication nécessaire à l’exercice de sa mission de contrôle, ses
déclarations fiscales, voire demander les déclarations fiscales du
conjoint séparé de biens, du partenaire lié par un PACS ou du concubin.
En cas d’agent récalcitrant, la HATVP peut demander copie de ces
déclarations à l’administration fiscale.
La mise en œuvre du dispositif
HATVP et CDFP : la collaboration
La commission de déontologie de la fonction publique et la HATVP
peuvent échanger les informations nécessaires à l’accomplissement de
leurs missions respectives, « y compris les informations couvertes par
le secret professionnel » (9). Pour les membres des cabinets soumis aux obligations déclaratives (10) , la commission communique à la HATVP ses avis relatifs à leur demande de départ vers le secteur privé.
Régularisation des situations
Les agents soumis à déclaration d’intérêts auront six mois suivant la
date d’entrée en vigueur du décret fixant la liste des emplois
concernés pour y procéder (loi du 20 avril 2016, art.6). Par dérogation,
ils devront l’adresser directement à l’autorité hiérarchique, et non à
l’autorité de nomination. Le même délai de six mois suivant la date
d’entrée en vigueur du décret d’application de l’article25 quinquiès est
prévu pour que les agents y figurant puissent adresser leur déclaration
de situation patrimoniale au président de la HATVP (11).
L’agent défaillant sera soumis au régime de sanctions prévu par la
loi. Pour les membres des cabinets des autorités territoriales, soumis
aux dispositions de la loi du 11 octobre 2013, les déclarations
d’intérêt et de situation patrimoniale doivent être établies au plus
tard le 1ernovembre 2016 (loi du 20 avril 2016, art. 11,VII).
Sanctions pénales
Le défaut de déclaration, la déclaration incomplète ou mensongère par
un agent soumis à l’une des déclarations prévues sont sanctionnées
d’une peine de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende,
sans préjudice des peines complémentaires de privation de ses droits
civiques, politiques et de famille ou d’interdiction d’exercer une
fonction publique.
S’il refuse de déférer aux injonctions de la HATVP ou de lui
communiquer les informations et pièces utiles à l’exercice de sa
mission, la sanction est d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros
d’amende. En retour, les personnes indélicates qui publieront ou
divulgueront de quelque manière que ce soit, tout ou partie des
déclarations seront punies des peines sanctionnant l’atteinte à
l’intimité de la vie privée, soit un an d’emprisonnement et 45 000 euros
d’amende
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