samedi 5 mars 2011

Concernant la réhabilitation du Vieux-Port de marseile....

Voci le point de vue circonstancié de "Rue 89", nous vous laissons libres de votre opinion.
        Il est ennuyeux, pourtant, de constater que le choix désignant le gagnant de ce concours ait été désigné bien avant que le vote ait lieu!!!
                 Mais sans doute suis-je incorrigiblement Naïf !


                     Document Rue 89

A Marseille, la piétonisation du Vieux-Port n'a pas eu sa chance

Le Vieux-Port selon le projet Vezzoni (DR).
Ce devait être le projet du siècle, celui qui révolutionnerait le cœur historique de Marseille. La semi-piétonisation du Vieux-Port avait été annoncée début 2008, pendant la campagne des municipales, par les deux camps, à grand renfort de surenchère.
Moins de deux ans plus tard, le concours de maîtrise d'œuvre est lancé, aidé par un coup de pouce du destin : la désignation de Marseille comme capitale européenne de la culture pour 2013.
Mercredi, le lauréat a enfin été dévoilé, après un pseudo-suspense de six semaines. Il s'agit de l'équipe Michel Desvigne-Norman Foster.
Le grand paysagiste français s'est associé à l'architecte britannique, prix Pritzker, auteur du viaduc de Millau, du Carré d'art de Nîmes et de deux remarquables bâtiments à Londres : l'hôtel de ville et la Swiss tower, en ogive. Un grand nom de l'architecture à accrocher au blason parfois peu reluisant de Marseille, qui pourrait s'en plaindre ?
Sauf que ce projet n'est pas celui choisi par le jury du concours le 6 octobre. Il lui avait préféré, à une voix, le dossier présenté par une architecte marseillaise, Corinne Vezzoni, elle aussi associée à de grands noms, mais moins médiatiques : l'architecte urbaniste Christian Devillers et les Hollandais West 8.
Un maître d'ouvrage qui ne suit pas l'avis d'un jury, ce n'est pas une première et c'est totalement légal. A cette nuance près que dans le cas marseillais, les jeux semblaient être faits dès le départ.

Un juré : « Des consignes données aux élus »

Le 6 octobre, les quinze membres de la commission d'appel d'offres ont à voter pour quatre projets anonymes, désignés par quatre lettres. Mais comme toujours dans les concours, l'anonymat est tout relatif. Un membre du jury, architecte, raconte :
« Rapidement, le projet Vezzoni fait la différence, parce qu'elle piétonnise ! Le cœur de son discours, c'est que toutes les villes qui ont essayé de reconquérir leur centre ancien sont plébiscitées par tout le monde.
Son projet est plus ambitieux que les autres. Toutes les expériences montrent qu'il y a un moment difficile, celui du changement d'habitudes et puis c'est le succès. »
Mais il y un autre son de cloche :
« A l'entrée dans la salle, on m'a dit : “Ça va de soi, c'est le projet D” », rapporte cet autre juré, un politique.
Le projet D c'est celui de Desvigne-Foster.
« A l'évidence, des consignes avaient été données pour que les élus votent pour ce projet. Le choix du projet B [Vezzoni] était impensable, ils étaient persuadés que tout était noyauté. Mais il y a eu des grains de sable… »
Au deuxième tour, contre toute attente, c'est la Marseillaise qui l'emporte, huit voix contre sept.
« Il y a eu flottement et panique dans les rangs. Ceux qui avaient voté pour Vezzoni étaient très surpris. On n'y croyait pas… »
Un grand oral « d'explications » techniques est alors convoqué le 20 octobre. Mais selon plusieurs témoignages, les questions sont très orientées.
« Le rapport technique arrivait à dire que seul le projet Desvigne-Foster tenait la route », s'insurge un observateur.
« Il a été fait par un groupe de travail de 80 personnes, dont 40 ont été désignées par la ville de Marseille. Il suffisait de regarder les dossiers des candidats pour se rendre compte que ce rapport c'était de la blague. Dès le début, la ville voulait Foster et tout a conduit à ça ! »

Le maire Gaudin ne veut pas de la piétonisation du Vieux-Port

Le lendemain, dans le journal La Provence, Eugène Caselli, le président (PS) de la communauté urbaine, maître d'ouvrage, fait savoir du bout des lèvres qu'il n'est pas obligé de suivre l'avis du jury mais qu'il réserve sa décision.
Il faut lire entre lignes. Car c'est sur ce dossier qu'a été scellée l'entente fragile entre la mairie de Marseille (UMP) et la présidence socialiste de la communauté urbaine (dont la majorité tient de l'équilibrisme). Et du projet Vezzoni, qui sort la voiture du Vieux-Port, Jean-Claude Gaudin ne veut pas en entendre parler.
Quelques jours plus tard dans le même journal (le 6 novembre), il déclare :
« Le projet doit faire l'objet d'un consensus avec le maire de Marseille. Je pense qu'on choisira le projet qui nous plaît, pas celui que certains essaient de nous imposer. »
Sur ce point, il trouve un allié inattendu en la personne de Patrick Mennucci, maire (PS) du secteur Vieux-Port, qui estime dans la même lignée qu'il n'aurait jamais accepté un projet qui consisterait à piétonniser complètement et donc à bloquer le centre.

Un proche du dossier : « C'est comme ça, c'est Marseille… »

Le parti-pris Desvigne-Foster, que seul le jury est censé connaître à ce jour (il ne sera dévoilé que lundi lors d'une conférence de presse), aurait le double avantage de ne pas révolutionner le site à l'échéance 2013, un an avant les municipales. Il y associerait des ombrières, du mobilier urbain qui est la signature de Foster, en plus d'un nom prestigieux.
La place de la Fraternité selon le projet Vezzoni (DR).
Le hic dans cette affaire : Eugène Caselli endosse seul la décision de ne pas suivre le choix du jury. Ce qui n'a pas échappé au député Renaud Muselier, premier vice-président (UMP) de la communauté urbaine, auquel le socialiste a soufflé la présidence :
« Je suis toujours très surpris quand le président d'une institution va à l'encontre d'un jury… »
L'histoire retiendra-t-elle que c'est lui, Caselli, qui a peut-être manqué le rendez-vous de Marseille avec son avenir urbain ? « Je crains que l'histoire ne retienne rien », répond un proche du dossier et fin connaisseur de la ville.
« La tranche prévue après 2013 jusqu'en 2020 ne sera jamais réalisée. »
Et d'ajouter, dépité :
« Je pense que c'est une catastrophe d'avoir fait ce choix. Le projet Vezzoni devenait en lui-même une attraction de la capitale européenne de la culture en 2013 et faisait participer la population. Mais c'est comme ça, c'est Marseille… »
Tout ce qu'on peut souhaiter à présent c'est que les quatre projets fassent l'objet d'une présentation publique afin que chacun puisse se faire sa propre idée.
Corrigé le 18/11/10 à 17h20. Le dernier intertitre, injustement attribué à Renaud Muselier, est modifié.
Illustrations : le Vieux-Port selon le projet Vezzoni (DR) ; la place de la Fraternité selon le projet Vezzoni (DR).

 
 

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