mardi 15 janvier 2013

Les ambitions d'un accord soumis à signature (projet en fin d'article)

CFDT le 13 janvier 2013
Lutte contre la précarité, sécurisation des parcours professionnels, anticipation et adaptation des mutations économiques, réduction du contentieux juridique... La négociation sur la sécurisation de l'emploi a abouti à un accord soumis à signature aux multiples dimensions. Apercu des principales dispositions.nego
« Un texte ambitieux pour l'emploi et les parcours professionnels des salariés ». C'est en ces termes que la délégation CFDT a salué le texte d'accord auquel a abouti la négociation sur la sécurisation de l'emploi et sur lequel le Bureau national devait se prononcer, les 16 et 17 janvier, en vue d'une éventuelle signature. Son intitulé, « Accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 pour un nouveau modèle économique et social au service de la compétitivité des entreprises et de la sécurisation de l'emploi et des parcours professionnels des salariés », est révélateur des ambitions d'un texte qui porte sur des pans entiers du marché du travail français.
Trois mois d'âpres discussions
Y parvenir n'aura pas été chose facile. Au terme de trois mois d'âpres discussions, il aura fallu, jusque dans la dernière ligne droite, « arracher pas à pas, article par article » des concessions au patronat, resté droit dans ses bottes de la flexibilité.
« L'extérieur (ndlr : les organismes internationaux et les agences de notation) le dit : la France a le marché du travail le plus rigide », a insisté à plusieurs reprises le négociateur patronal, Patrick Bernasconi, brandissant la menace d'une situation à l'espagnole si le marché du travail français n'était pas réformé. Avant d'expliciter : « Il n'y aura pas d'accord sans mesures pour faire en sorte que le CDI soit mieux perçu par les entrepreneurs », entendant notamment par là les mesures encadrant le « risque juridique » lié à la rupture du contrat de travail, « et sans souplesses supplémentaires pour les entreprises ».
Côté CFDT, les objectifs avaient été fixés d'entrée de jeu par son secrétaire général Laurent Berger : « la réduction de la précarité, l’anticipation des mutations économiques avec les IRP et la mise en place de mesures favorisant l’évolution professionnelle des salariés ». Avec une ligne stratégique : « Agir sur le comportement des entreprises pour les inciter à jouer le jeu du dialogue social et de l'emploi de qualité », résume le chef de file de la délégation CFDT, Patrick Pierron.
« Objectifs atteints »
« Objectifs atteints » sur les quatre « points incontournables » de la CFDT, a déclaré ce dernier à l'issue d'une ultime séance de négociation qui a joué les prolongations, le 11 janvier : la généralisation d'une complémentaire santé pour tous les salariés au plus tard le 1er janvier 2016 ; la création de droits rechargeables à l'assurance-chômage, dont le principe est acté et les modalités restent à définir dans le cadre de la négociation de la nouvelle convention d'assurance-chômage, d'ici le 31 décembre 2013 ; l'amélioration de la situation des salariés en temps partiel subi, avec l'institution, au 31 décembre 2013, d'un socle minimal de 24 heures – auquel il peut être dérogé sous conditions – et la majoration des heures complémentaires dès la première heure ; le renchérissement des contrats courts et en particulier très courts, avec un mécanisme de majoration des cotisations employeur à l'assurance-chômage (de 4% à 7% pour les CDD de moins d'un mois, à 5,5% pour les CDD de un à trois mois et à 4,5% pour les CDD d'usage). En contrepartie, les entreprises embauchant un jeune de moins de 26 ans en CDI seront exonérées de cotisation d'assurance-chômage pour une durée de trois mois (quatre pour les entreprises de moins de 50 salariés), si le CDI va au-delà de la période d'essai.
Droits individuels et collectifs
« Nous avons obtenu d'autres avancées en matière de lutte contre la précarité et de nouveaux droits », souligne le négociateur Patrick Pierron : « la création d’un compte personnel de formation mobilisable tout au long de la vie, l’amélioration de la portabilité de la couverture santé-prévoyance pour les demandeurs d’emploi, l’élargissement des possibilités de formation pour les jeunes en CDD, la création d’une prime pour les demandeurs d’emploi en Contrat de sécurisation professionnelle » dont les droits à l’assurance chômage ne leur permettraient pas d'aller au bout de leur formation, la création d'un conseil en évolution professionnelle.
À côté de ces nouveaux droits individuels, de nouveaux droits collectifs émergent qui concernent les représentants du personnel. À commencer par la présence d'un ou deux administrateurs salariés avec voix délibérative dans les organes de décision des deux à trois-cents entreprises de plus de 5000 salariés en France ou plus de 10 000 dans le monde.
Même si le sujet est moins perceptible par le plus grand nombre, l'article sur l'information et la consultation anticipée des IRP (instances représentatives du personnel) constitue un point fondamental, « la clé de voûte de la sécurisation des parcours professionnels » pour la CFDT : il s'agit de permettre aux représentants du personnel de « lire » la stratégie de l'entreprise de manière prospective (à trois ans), de façon à pouvoir anticiper les décisions avant qu'il ne soit trop tard, à l'aide d'une base de données contenant l'ensemble des informations économiques et sociales (investissement social, matériel et immatériel ; rémunérations des salariés, dirigeants et actionnaires ; aides publiques ; sous-traitance ; flux commerciaux et financiers intra-groupe). « Il faut qu'on arrête de jouer les pompiers et que l'on soit beaucoup plus associé aux décisions en amont », a résumé le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger. Pour aider les représentants du personnel dans cette tâche, ils pourront être accompagnés par un expert, mais devront financer 20% du coût sur leur budget de fonctionnement – le patronat voulait initialement faire reposer l'intégralité du coût de ce droit à l'expertise sur le « 0,2% » du comité d'entreprise.
Des outils pour sauver l'emploi
Anticiper pour ne pas subir, c'est dans cette même logique que la CFDT inscrit les dispositifs de l'accord visant à « maintenir l'emploi » plutôt que d'aller au licenciement. La simplification et l'unification des dispositifs de chômage partiel, dans le cadre d'une très prochaine négociation tripartite, doit permettre aux entreprises de surmonter une baisse passagère de leur carnet de commandes. Les accords de maintien dans l'emploi, dûment encadrés (accord temporaire et majoritaire à 50%, clause de retour à meilleure fortune, accord explicite du salarié), doivent constituer un outil supplémentaire pour permettre aux entreprises de franchir un cap difficile sans passer par la case licenciement.
Une réforme profonde des plans de sauvegarde de l'emploi est par ailleurs induite par le projet d'accord. Désormais, la procédure de licenciement collectif (au-delà de 9 salariés) dans les entreprises de plus de 50 sera définie et validée soit par homologation auprès de l'administration, soit par accord collectif majoritaire. La mesure s'inspire des accords de méthode existant et vise à troquer la logique actuelle de guerre des procédures contre une logique de négociation et d'engagement réciproque. Une manière, pour les entreprises, d'obtenir davantage de sécurité juridique, le délai de contestation étant raccourci, et de donner potentiellement aux IRP une plus grande latitude sur le contenu du PSE et en particulier des mesures d'accompagnement.
Davantage de négociation
Le projet d'accord favorise également la mobilité. Il instaure un droit à une « période de mobilité volontaire sécurisée » qui permet à un salarié de tester un emploi dans une autre entreprise tout en conservant la possibilité de revenir à son entreprise d'origine. Parallèlement, il permet à des entreprises de changer leurs salariés de poste et de lieu de travail sans passer par une procédure de restructuration, par le biais d'une mobilité interne négociée. Cette négociation se déroule dans le cadre de la négociation sur la GPEC (gestion prévisionnelle des emplois et des compétences), dont la CFDT revendiquait et a obtenu qu'elle soit également élargie aux grandes orientations du plan de formation, aux « perspectives d'utilisation des différentes formes de contrats de travail », dont les contrats de génération.
Négociation oblige, la CFDT a évidemment dû faire des concessions par rapport à son mandat initial, alors que le patronat s'est montré intraitable sur sa demande de mesures visant à « déjudiciariser » les relations de travail afin de « diminuer la peur d'embaucher ». Avec les autres organisations syndicales parties prenantes à la négociation, elle est parvenue à atténuer la réduction des délais de prescription des actions en justice : actuellement de 5 ans, le patronat voulait les porter à douze mois ; le délai d'action est porté à 24 mois, celui de prescription à 36 mois. Le barème indicatif en cas de conciliation prud'homale sur la contestation d'un licenciement a été relevé. La demande du Medef de faire prévaloir le fond sur la forme a été renvoyée à une expertise ultérieure. Enfin, point dur de la CGPME, la mise en place de CDI intermittent, qui alternent périodes travaillées et non travaillées, dans les entreprises de moins de 50 ne sera qu'expérimentale et limitée à trois secteurs d'activité.
Le potentiel accord sera-t-il aussi « historique » qu'annoncé ? « Je laisse aux historiens le soin de juger ce qui est historique, tranche Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT. Ce qui importe à la CFDT, c'est que des nouveaux droits soient créés et appliqués pour les salariés. »
* La délégation confédérale est composée des secrétaires nationaux Patrick Pierron et Marie-Andrée Seguin, de la secrétaire générale adjointe, Véronique Descacq, de Dominique Gillier, membre du Bureau national, et des secrétaires confédéraux Cécile Cottereau et Didier Cauchois.
Vous pouvez poser vos questions, faire part de vos réactions ou faire des suggestions en écrivant aux négociateurs à l’adresse suivante :negoemploi@cfdt.fr

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·         Edition du 14/01/2013
EmploiPublié le lundi 14 janvier 2013
Les partenaires sociaux ont réussi à trouver un accord sur l'emploi dans la nuit du 11 au 12 janvier 2013. Parmi les mesures phares : la taxation des contrats courts, la présence de salariés dans les conseils d'administration, la création d'un compte personnel de formation et plus de souplesse dans la procédure des plans sociaux.
Les partenaires sociaux ont réussi à trouver un accord sur l'emploi dans la nuit du 11 au 12 janvier 2013 après une longue journée de discussions et trois mois de négociations. Trois des syndicats de salariés (CFDT, CFTC, CFE-CGC) se sont ainsi dits favorables au texte, tout comme le patronat (Medef, CGPME, UPA). La CGT et FO ont en revanche refusé de signer, jugeant l'accord "inacceptable". "C'est un jour sombre pour les droits des salariés", a déclaré Stéphane Lardy de FO, dénonçant un texte qui "renforce la précarité" et une négociation qui a "loupé sa cible".
Malgré ces oppositions, le texte est ratifié (pour qu'il y ait ratification, il ne faut pas l'opposition de plus de deux syndicats). Pour Jean-Marc Ayrault, le Premier ministre, c'est "l'accord le plus important depuis plus de trente ans" par son ampleur, premier résultat de la négociation mise en place à partir de la conférence sociale des 9 et 10 juillet 2012. Michel Sapin, ministre du Travail, estime pour sa part que cet accord sera "un accélérateur de création d'emploi" car "il fera sauter la peur de l'embauche". Mais le président de la CGPME se montre moins optimiste. S'il s'est dit globalement "satisfait" de l'accord, qui devrait selon lui permettre de limiter les licenciements, Jean-François Roubaud, estime qu'"on ne va pas créer des embauches avec cet accord".
Décliné en une trentaine d'articles, l'accord, qui tente de concilier flexibilité pour les entreprises et sécurité pour les salariés, prévoit notamment une taxation des contrats courts. C'était une des revendications fortes des syndicats, à laquelle le patronat n'avait pas répondu positivement jusque-là. Finalement, et à partir de contreparties apportées (exonération de cotisation d'assurance chômage patronale pendant trois mois pour les jeunes de moins de 26 ans embauchés en CDI), le patronat a lâché du lest. Le texte prévoit de majorer la cotisation d'assurance chômage patronale de trois points (soit 7% de taux de cotisation) pour les CDD de moins d'un mois, de 1,5 point (soit 5,5% de taux de cotisations), pour les CDD compris entre un et trois mois. Sont exclus de cette mesure les CDD saisonniers et les CDD de remplacement. Ces nouvelles règles du jeu entreront en vigueur dès le 1er juillet 2013 à partir d'un avenant à la convention d'assurance chômage.

Des salariés aux conseils d'administration
Autre point clé : une meilleure représentativité dans les conseils d'administration. Les entreprises ayant plus de 10.000 salariés ou 5.000 en France devront faire rentrer des représentants de salariés, avec voix délibérative, au sein de leur conseil d'administration. Elles ont vingt-six mois pour se mettre en ordre de bataille. Le texte prévoit aussi une période de mobilité sécurisée pour les entreprises de plus de 300 salariés. Cette période permettra à un salarié, comptant au moins deux ans d'ancienneté, de découvrir un emploi dans une autre entreprise. A l'issue de cette période, il pourra réintégrer ou pas son entreprise d'origine. Si le salarié ne souhaite pas revenir, le contrat de travail est rompu par démission. Autres mesures en faveur des salariés : la généralisation de la complémentaire santé, qui doit entrer en vigueur dans les entreprises au plus tard le 1er janvier 2016, des droits rechargeables à l'assurance-chômage en cas de reprise d'activité permettant aux chômeurs qui reprennent un emploi de conserver les droits aux allocations qu'ils n'ont pas utilisés.
Le texte crée aussi le compte personnel de formation. Ce compte doit être mis en place dans les six mois. Il va permettre aux salariés de transférer leurs droits intégralement en cas de changement d'employeur, quelle que soit la fréquence des changements. Les régions participeront à son financement. Le nouvel accord les invite d'ailleurs, avec l'Etat et les partenaires sociaux, à engager une concertation rapidement, pour définir les modalités de ce financement. L'accord prévoit aussi un mécanisme d'accompagnement des salariés qui souhaiteraient mobiliser leur compte personnel, sous la forme d'un "conseil en évolution professionnelle". Ce conseil, qui est constitué en dehors de l'entreprise, va permettre aux salariés d'être mieux informés sur leur environnement professionnel, de mieux connaître leurs compétences et de repérer les offres d'emploi adaptées à celles-ci. Les partenaires sociaux comptent discuter de son déploiement sur l'ensemble du territoire avec les pouvoirs publics et le service public de l'orientation, piloté par les conseils régionaux.
Le texte propose d'instaurer une plus grande flexibilité pour les employeurs, notamment dans l'élaboration des plans sociaux. Aujourd'hui, une entreprise qui souhaite procéder au licenciement pour motif économique d'au moins dix salariés sur une période de trente jours doit suivre une procédure impliquant la consultation des représentants du personnel, l'information et la prise en compte des suggestions de l'administration, et l'élaboration, pour les entreprises de plus de 50 salariés, d'un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE). Dans le nouvel accord, le seuil de déclenchement ne bouge pas (10 salariés ou plus sur une période de trente jours). En revanche, la procédure est modifiée.

Bientôt un projet de loi retranscrivant l'accord
Deux cas de figure sont prévus : la mise en œuvre par accord majoritaire avec les syndicats. Cet accord peut s'affranchir des règles du droit du travail concernant le nombre et le calendrier des réunions, l'ordre des licenciements et le contenu du PSE. Il peut aussi encadrer la négociation dans des délais préfixes. La validité de l'accord doit être contestée dans les trois mois. Le salarié a quant à lui un an pour contester son licenciement. Deuxième cas de figure : l'homologation par l'administration. Dans le cas où le plan social n'a pas fait l'objet d'un accord, il est soumis pour avis au comité d'entreprise. Il est ensuite transmis à l'administration du travail. Autre point concernant la flexibilité pour les entreprises : la mise en place d'accords de maintien dans l'emploi. Ces dispositifs, précédemment nommés accords "compétitivité-emploi", vont permettre aux entreprises qui traversent de graves difficultés conjoncturelles, de baisser les salaires et/ou d'ajuster le temps de travail en échange d'un engagement de maintien de l'emploi des salariés auxquels s'appliquent les accords. La durée maximale de ces accords est de deux ans. Si un salarié refuse ce principe, il est licencié, et il ne lui sera pas possible de contester le motif de son licenciement qui sera considéré comme économique.
Côté chômage partiel, les signataires se sont engagés à ouvrir, dans les deux semaines suivant la signature de l'accord, une négociation sur l'activité partielle, incluant l'Etat, pour mettre en œuvre un nouveau régime d'activité partielle "simplifié et unifié". Enfin, dernier point qui n'a été qu'effleuré : la reprise de sites rentables. Le texte précise qu' "il convient d'envisager la recherche de repreneurs dès l'annonce du projet de fermeture d'un site". Il ne propose pas de rendre cette démarche obligatoire. Le gouvernement avait pourtant annoncé une loi sur le sujet, afin d'obliger toute entreprise qui envisagerait de fermer un site rentable à chercher des repreneurs dès l'annonce du projet de fermeture.
L'accord doit être maintenant transcrit dans un projet de loi qui devrait être présenté en Conseil des ministres le 6 ou le 13 mars. Le texte sera examiné en urgence par le Parlement en vue d'une promulgation fin mai.

Emilie Zapalski

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