Comment le gouvernement va financer la guerre en Libye
Par Emilie Lévêque - publié le 23/03/2011 à 17:31
L'intervention aérienne en Libye devrait accroître un peu plus la facture des opérations militaires extérieures cette année. Pour financer cette nouvelle guerre, le gouvernement va devoir redéployer ses crédits. Explications.
Un Eurofighter EF-2000 Typhoon, sur le tarmac de la base de l'Otan à Gioia del Colle en Italie
REUTERS/Giampiero Sposito
Cela fait à peine cinq jours que l'opération aérienne internationale en Libye a commencé, et déjà son coût provoque la polémique. Car les pays de la coalition sont tous lourdement endettés. Donc soumis à de fortes pressions budgétaires. La France, qui revendique clairement le leadership de cette campagne militaire, doit ainsi ramener son déficit public de 7,5% du PIB en 2010 à 6% cette année. Soit 60 milliards d'euros à économiser.
Or l'intervention militaire en Libye pourrait coûter cher. L'addition atteindrait 150 à 250 millions d'euros selon Pierre Maulny, spécialiste des questions de défense à l'Institut des relations internationales et stratégiques, cité par le quotidien Libération de ce mercredi. Voire plus si le conflit s'enlise ou nécessite le déploiement de troupes au sol. A titre de comparaison, la présence de 4000 soldats français en Afghanistan a coûté 470 millions d'euros en 2009 et 387 millions en 2010.
Depuis 2003, par souci de transparence, le financement des coûts engendrés par les opérations militaires extérieures - les "Opex" - est inscrit dans le projet de loi de finances (PLF) annuel. Mais cette prévision de dépense est systématiquement sous-budgétisée. "La règle implicite est de ne pas provisionner plus de 80% du surcoût réalisé l'année précédente", explique Louis Giscard d'Estaing, député UMP du Puy-de-Dôme, rapporteur du budget de la défense à la commission des Finances de l'Assemblée. Le budget de la défense s'élève à 31 milliards d'euros Ainsi, en 2009, le coût des Opex a atteint 870 millions d'euros, soit 360 millions de plus que le budget inscrit dans le PLF. En 2010, le coût réel a atteint 866 millions pour seulement 570 millions budgétés. Cette année, les dépenses liées aux interventions militaires à l'international sont estimées à 630 millions d'euros. "C'est encore une fois très inférieur à la réalité", commente Jean Arthuis. Le président de la commission des Finances du Sénat estime que le coût sera plutôt de l'ordre du milliard d'euros. Hors intervention en Libye.
Ces "ajustements" sont en principe financés par un redéploiement des crédits du ministère de la Défense. Cette année, ces ressources s'élèvent à 31,3 milliards d'euros. Ce sont généralement les crédits d'investissements (environ 10 milliards d'euros en 2011) qui sont amputés pour être reportés sur les années suivantes, explique Jean Arthuis. Si les ressources sont encore insuffisantes, le ministère peut toujours puiser dans sa "réserve de précaution", à savoir les crédits gelés par le ministère des Finances pour les coups durs, qui correspondent à 5% de l'enveloppe totale de la mission. Soit 1,55 milliard d'euros pour le budget de la défense.
Autre possibilité: le gouvernement demande au Parlement de voter une rallonge budgétaire lors du collectif - projet de loi de finances rectificatif - de fin d'année. Et à moins de creuser plus encore le déficit public - ce qui semble hors de question en période de d'austérité -, cela signifie amputer les crédits d'autres ministères pour les transférer à celui de la Défense. "Si les dépenses sont incompressibles, il faudra trouver de nouvelles recettes ou créer une nouvelle taxe", prévient Jean Arthuis.
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