mercredi 2 mars 2011

Trois présidents pour un pôle métropolitain

Trois présidents pour un pôle métropolitain


Par Julien VINZENT le 5 mars 2011
Aix, Marseille et Aubagne : Maryse Joissains, Eugène Caselli et Daniel Fontaine.

« Je ne vais pas dire que c’est un événement historique, gardons nous des grands mots ». Mais pour Eugène Caselli, président de la communauté urbaine de Marseille, ce premier forum des conseils de développement des trois principales intercommunalités du département, organisé ce samedi au centre des congrès d’Aubagne, « est le début de quelque chose d’important ». Un qualificatif d’historique que son homologue du pays d’Aix Maryse Joissains n’hésite pas à l’employer, pendant que Daniel Fontaine, président par interim de l’agglo aubagnaise reconnaît qu’il ne s’attendait pas à ce que naisse « une nouvelle dynamique » de cette rencontre.



Des représentants des trois assemblées – où siègent élus, associations, syndicats, entreprises – ont présenté l’aboutissement de leurs travaux communs sur l’avenir de la métropole, menés depuis juillet sur le thème des transports, de l’innovation et des cultures et territoires. Une réflexion qui, tout comme l’« archipel métropolitain » pensé en parallèle par le club de grandes entreprises Top 20, qui place les élus face à l’urgence des attentes et des besoins.



Un seul conducteur pour les transports



Dans les documents d’une vingtaine de pages, rien de révolutionnaire, mais des constats forts, à l’image des déplacements. « Nous avons dix schémas de cohérence territoriaux et une dizaine d’autorités organisatrices des transports (AOT). Tout le monde s’occupe de la partie et personne du tout. Un territoire c’est comme un corps humain, cela a besoin que ses artères fonctionnent. Chez nous elles sont souvent bouchées », a résumé Jean-Claude Juan, directeur général honoraire de la Chambre régionale de commerce et d’industrie Paca Corse. Bref, « il nous faut un outil de gestion global » pour pallier « l’absence d’harmonisation sur le plan des correspondances et des tarifs » a complété Mario Fabre, ancien cadre territorial.



Et de citer un exemple : « qui est responsable d’un pôle d’échange ? La commune, le conseil général, le conseil régional ? Personne. Le syndicat mixte des transports (STM) est précisément l’outil pour cela ». Mais cet organe, créé en 2009, « est encore dans l’immobilisme, aujourd’hui encore on réfléchit à ce qu’il doit devenir, avec quel statut, quel degré de coopération… Il faut aujourd’hui avancer, il est temps de passer aux actes ».



Un appel semble-t-il entendu par les élus, à l’image de Daniel Fontaine, qui est vice-président du STM13. « Il ne doit pas être là uniquement pour que l’on se rencontre mais il doit pouvoir prendre des décisions. Je suis favorable à une AOT unique, avec des financements uniques et un versement transports (payé par les entreprises, ndlr) à un taux unique le plus élevé possible, c’est à dire 1,8%, comme le proposait le club Top 20″, a-t-il assuré. OK pour l’AOT unique aussi du côté d’Eugène Caselli, qui profite même de la présence de Bernard Morel, représentant le conseil régional, pour lui glisser que « le train ne peut pas être en dehors du STM »



RER Aix-Marseille



Et ajoute : « le STM doit être capable de faire des investissements massifs comme la structuration par le rail de nos deux grands espaces portuaires que sont les bassins Est et Ouest et la création d’un RER qui irrigue la ligne Aix-Marseille en passant par l’aéroport de Marignane. C’est un retard de 30 années et seul un grand projet métropolitain pourra le combler ». « Et si on se mettait tous d’accord pour que les trois grands axes de la métropole (Marseille vers Aix, Aubagne et Berre) soient gratuits ? Nous révolutionnerons les transports de l’aire métropolitaine », propose même Daniel Fontaine.



Mais lorsqu’on demande à Eugène Caselli pour quand est prévue cette AOT unique, on sens les vertus se retourner en autant de points sur lesquels il faudra convaincre tout le monde : « il faut l’accord de l’ensemble des AOT pour transférer cette compétence. Cela ne sera plus la collectivité qui décidera, ce sera comme le Sitral à Lyon. Cela veut dire des investissements communs, un schéma départemental pour les déplacements en bus, en transports lourds, en modes doux… »



Bref, comme il le lançait plus tôt : « on dit des choses, on fait des constats, maintenant il va falloir avancer, se revoir, élargir le cercle, hiérarchiser les projets, savoir comment on va les financer… » Gloups. Signe encourageant en tout cas : Bernard Granié, président socialiste du Syndicat d’agglomération nouvelle Ouest Provence, qui était présent, est déjà dans les starting-blocks pour rejoindre le trio.



Le repoussoir du Grand Marseille



Quant à la gouvernance, le choix est clair et le préfet, qui sera chargé avant la fin de l’année du découpage territorial, est prévenu : ce sera le pôle métropolitain plutôt que la métropole, comme l’ont affirmé en janvier dans une lettre commune les présidents de toutes les intercommunalités du département, rappelle Maryse Joissains. Qui a répété a maintes reprises son souci d’avoir « une globalisation pour les problèmes où c’est nécessaire, comme les transports, l’université, la recherche, le port », mais pour le reste « les maires sont les seuls garants aujourd’hui de la proximité avec les citoyens. Je ne crois pas que le gigantisme soit source de plus d’efficacité ».



Idem pour Daniel Fontaine, inspirateur d’un référendum contre le Grand Marseille, vu comme un nouveau jacobinisme de la ville centre. « Il n’y aura pas de construction métropolitaine sans respect des identités ». Des craintes apaisée par Eugène Caselli, qui s’est bien gardé de mettre sur le tapis le sujet des charges de centralité cher au maire de Marseille Jean-Claude Gaudin, et qui a le don de faire fuir ses riches voisins.



Repenser le territoire



Et maintenant ? « Ce dont nous avons besoin c’est de contenu », a estimé Jacques Boulesteix, président du conseil de développement de MPM. « Et pour cela il faut le maximum de débat public et que le plus grand nombre puisse y participer ». La matinée a permis d’en livrer un petit échantillon. Jean-Claude Juan a ainsi mis en garde : « les problèmes de transports n’ont pas de réponse uniquement dans les transports, mais aussi dans l’urbanisme ».



Idée développée par de nombreux intervenants : « je ne pense pas que dans trente ans nous serons un réseau de quartiers reliés par des bus à haut niveau de services. Il faut avoir une autre vision du territoire plus économe en temps, en énergie et en stress, revoir par exemple notre rapport à la possession de la voiture avec l’autopartage », a estimé Jean-Louis Urbain, vice-président du conseil de développement du Pays d’Aix. En voilà un qui ne va pas se faire d’amis chez les taxis…



« Il faut rapprocher les fonctions essentielles de la vie quotidienne, cela ne sert à rien de rajouter des chicayas à Plan-de-Campagne », a-t-il poursuivi. Complété par François Guy, architecte de l’Atelier 9 : « quand on parle de pôle d’échange, il faut réfléchir à y fixer de l’habitat, des activités, des équipement culturels et sportifs et regarder également les couloirs bien desservis. »



Pour lui, « reconstruire la ville sur la ville reste prioritaire. Jusqu’à une période récente on a gaspillé le territoire. Sur les photos aériennes de Marseille, on voit qu’au-delà de l’hyper-centre c’est une ville de petites maisons ». D’autres, comme Denis Guyomarc’h, du conseil de développement aubagnais, ont insisté sur la nécessité pour la métropole de développer l’agriculture péri-urbaine.



On est bien loin des déclarations d’Eugène Caselli sur « la compétition des territoires » au niveau mondial qu’il faut « gagner », de la place dans le Top 70 et « si on continue peut-être dans le Top 50″ que la fusion des universités va nous permettre d’atteindre. « Depuis tout à l’heure j’ai l’impression que c’est la course au gigantisme, que « big is beautiful » mais pourquoi cela ? On a parlé des mines du Nord et de la crise énergétique : qu’est-ce qui se passe dans 20 ans à l’Etang de Berre ? Pas de réponse », a noté le seul spectateur qui a eu le temps de s’exprimer. Les conseils de développement ont encore du pain sur la planche.

Aucun commentaire: