MISE EN PLACE DES CSE : PRÉSERVER LA QUALITÉ DU DIALOGUE SOCIAL
À peine un tiers des entreprises s’est doté d’un CSE. Devant la propension des directions à réduire les moyens syndicaux, les équipes CFDT ne relâchent pas leurs efforts pour négocier des accords ambitieux.
L’échéance du 31 décembre 2019 se rapproche et avec elle la date limite de mise en place de la nouvelle instance de représentation du personnel, fusionnant DP, CE et CHSCT. À neuf mois de la date butoir, moins d’un tiers des comités sociaux et économiques (CSE) ont été installés. Difficile de savoir combien sont en cours. Les premiers bilans d’étape, réalisés sur la base des remontées d’expérience des équipes CFDT, dressent un tableau sombre de la situation. Et confirment ce que bien des élus craignaient quant à la réduction des moyens, estimée entre moins 50 % et moins 60 %. Si le nombre de mandats et les heures de délégation sont les plus touchés, le nombre d’instances a également fondu – beaucoup d’entreprises se contentant d’un CSE centralisé sans équilibrer avec la mise en place de représentants de proximité.
Trop souvent, une réduction des moyens syndicaux
L’URI Île-de-France informe les militants des TPE
Si la mise en place des CSE est l’un des enjeux majeurs de 2019 dans les entreprises de plus de 50 salariés, les ordonnances Travail viennent également impacter les TPE et les PME. À toutes fins utiles, la CFDT-Île-de-France a organisé le 11 mars une première soirée d’information à destination de ses militants des petites entreprises, revenant ainsi sur les conditions de mise en place du CSE, aux prérogatives bien plus limitées. Sans surprise, les dispositions pour les entreprises de moins de 11 salariés, dont le symbole est le référendum à l’initiative de l’employeur, continuent d’inquiéter les militants. Mais ces derniers peuvent compter sur le soutien et l’accompagnement de la CFDT-Île-de-France concernant les pratiques syndicales à mettre en œuvre dans les petites entreprises.
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« Beaucoup de directions profitent de la réforme pour réduire les moyens syndicaux et se contentent d’appliquer le minimum légal inscrit dans les ordonnances », note Christophe Clayette, chargé du dossier à la Confédération. « Voici un réel paradoxe : des ordonnances qui mettent la négociation d’entreprise au cœur du dispositif et des directions qui baissent drastiquement les moyens des délégués syndicaux dans l’entreprise. Cherchez la logique ! », s’exaspère le secrétaire national Philippe Portier. Autre signal inquiétant : la tendance à la mise en place de CSE par décision unilatérale des directions, sans négociation. « Très peu d’entreprises se sont laissé le temps de l’analyse pour définir ce qu’elles veulent en matière de dialogue social, regrette Catherine Allemand, codirectrice du cabinet Syndex. Or cette étape de diagnostic est nécessaire pour savoir comment on poursuit les objectifs de dialogue social en adaptant les modalités de fonctionnement. » « L’une des conséquences, c’est que cela risque de crisper les relations sociales au sein de l’entreprise, alors que dans le contexte de transformation numérique et écologique que nous connaissons, on aurait besoin d’un dialogue social qui puisse relever ces défis », indique Philippe Portier.
Au prix d’âpres négociations, de nombreuses équipes CFDT sont néanmoins parvenues à arracher plus que le minimum légal, voire à négocier des dispositions intéressantes : un agenda social, des moyens en matière de montée en compétences des suppléants, des mesures supralégales pour la valorisation et la sécurisation du parcours des militants… Mais aussi la création de commissions supplémentaires sur les questions de formation, de handicap, de loisirs et culture, de logement, le digital et le numérique.
Un combat qui peut donner de bons résultats
Dans le groupe d’édition Madrigall (qui compte notamment Gallimard, Flammarion et deux centres de distribution), la CFDT s’est battue bec et ongles afin de préserver le financement du recours à l’expertise et la formation économique des élus, y compris pour les suppléants. Dans l’entreprise Paccor (emballages plastiques, 350 salariés sur trois sites en France), le délégué syndical central (DSC) Jean-Julien Lembeye se félicite d’avoir obtenu « un bon accord avec de vrais moyens ». En s’inspirant d’accords déjà signés par les grandes entreprises de son secteur (Total ou Arkema), il a pu proposer des mesures ambitieuses au regard de la taille de son entreprise : « Un CSE par site, un CSE central, des moyens importants en termes d’heures pour les élus et le responsable syndical », détaille-t-il. À la Maif, un véritable travail de coconstruction avec les représentants syndicaux a permis d’ouvrir une réflexion sur l’articulation entre les instances pour préserver et organiser les remontées d’informations des sites (avec désignation de 122 représentants de proximité dotés d’une vingtaine d’heures de délégation). En parallèle, l’accord intègre la dimension métiers au dialogue social en permettant à deux représentants de chaque filière métier d’assister aux réunions du CSE dès lors que le sujet les concerne.
Et lorsque les conditions ne sont pas réunies, la CFDT se garde le droit de ne pas signer. Comme chez Vallourec (regroupant 3 700 salariés en France), où, malgré un énorme investissement de l’équipe et la négociation de mesures intéressantes et innovantes, les critères de désignation des représentants de proximité par la direction ont fait tiquer la CFDT : « On avait des craintes sur leur fonctionnement, explique Jorge Da Costa, le DSC de Vallourec. Mais on assume : notre principal objectif est de faire que le dialogue social fonctionne. »
Tous les militants en conviennent : ils arrivent d’autant mieux à négocier des accords ambitieux qu’ils y ont été préparés et formés. Au-delà du soutien que peuvent proposer les structures, l’espace collaboratif dédié « Les élus du CSE », sur le site confédéral, peut se révéler un outil complémentaire utile. En témoignent les 680 membres inscrits depuis son ouverture, en février dernier.
photo © M.Nascimento / Réa
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