lundi 7 mai 2018

Véronique Descacq, secrétaire générale adjointe de la CFDT, revient sur le projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel: "Il y a fort à craindre, même si le pire n’est jamais sûr, que le pari de la sécurisation soit raté. Sur la formation professionnelle, la logique d’individualisation extrême choisie par le gouvernement risque de renforcer l’écart qui existe aujourd’hui entre les « insiders » et les « outsiders ». Sur l’assurance-chômage, il y avait un équilibre trouvé grâce à la négociation paritaire. Mais l’État a choisi de rajouter des dépenses (150 millions d’euros par an) en vue d’indemniser certains indépendants (en redressement ou liquidation judiciaire) et créer des droits dont ils n’étaient pas demandeurs....."

“LES PLUS FRAGILES RISQUENT DE PAYER LES PROMESSES IMPRUDENTES D’UNE CAMPAGNE ÉLECTORALE”

Publié le 02/05/2018
Véronique Descacq, secrétaire générale adjointe de la CFDT, revient sur le projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, qui était présenté en Conseil des ministres le 27 avril.
Le projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel était présenté en Conseil des ministres le 27 avril. Comment la CFDT accueille-t-elle globalement ce texte censé sécuriser les parcours des salariés ?
Il y a fort à craindre, même si le pire n’est jamais sûr, que le pari de la sécurisation soit raté. 
Sur la formation professionnelle, la logique d’individualisation extrême choisie par le gouvernement risque de renforcer l’écart qui existe aujourd’hui entre les « insiders » et les « outsiders ». Sur l’assurance-chômage, il y avait un équilibre trouvé grâce à la négociation paritaire. 
Mais l’État a choisi de rajouter des dépenses (150 millions d’euros par an) en vue d’indemniser certains indépendants (en redressement ou liquidation judiciaire) et créer des droits dont ils n’étaient pas demandeurs. Pour financer ce surplus de dépenses, l’exécutif est allé chercher du côté des plus précaires, et il envisage de revoir les règles d’indemnisation des demandeurs d’emploi qui cumulent contrats courts et allocations. La CFDT n’accepte pas cette vision du gouvernement qui consiste à baisser les droits des plus fragiles pour financer les promesses imprudentes d’une campagne électorale.
Dans le même temps, le projet de loi modifie les règles de contrôle des chômeurs. Comment cela va-t-il se traduire pour les demandeurs d’emploi ?
Difficile à dire pour le moment, car ce qui change ne tient pas tant aux règles qu’à la manière de les faire appliquer. Le projet de loi établit en effet un transfert de pouvoir et de responsabilités sur la question du contrôle des chômeurs. Désormais, le conseiller Pôle emploi pourra, sans être obligé de passer par le préfet, prendre directement des sanctions. 
On peut imaginer qu’en facilitant la mise en œuvre des sanctions il y aura davantage de sanctions, mais nous n’en avons aucune certitude. Pareil pour l’offre raisonnable d’emploi, dont la définition actuelle disparaît de la loi mais dont le principe, lui, perdure. Là encore, il reviendra au conseiller de définir lui-même ce que sera une offre raisonnable d’emploi et de considérer que l’offre refusée par le demandeur d’emploi est (ou non) une offre raisonnable. Soit les conseillers Pôle emploi décideront de ne pas appliquer un concept qui n’est pas défini, soit ils l’utiliseront plus facilement. Il ne faut pas écarter le risque d’instructions voire d’objectifs de sanctions qui seraient donnés aux conseillers.
Le projet de loi renforce le rôle de l’État dans la gouvernance, en fixant le cadrage financier et politique. Quel sera le rôle des organisations syndicales et patronales ?
Le gouvernement fait comme s’il nous laissait la liberté de négocier les règles mais il oublie de dire qu’en remplaçant les cotisations de salariés par l’impôt (CSG) l’État a déjà fait main basse sur le régime par le biais du financement. De plus, il donnera à chaque négociation un cadrage : tout dépendra des consignes qui seront dans la lettre de cadrage du Premier ministre. Mais nous le redisons clairement : soit il y a une vraie place pour la négociation, soit les contraintes trop fortes rendront impossibles toute marge de manœuvre pour les partenaires sociaux. Auquel cas, nous leur rendrons les clés. La CFDT ne s’accrochera pas à une place de spectateur dans la gouvernance de l’assurance-chômage et n’acceptera pas que l’on s’attaque aux droits des plus fragiles. 

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