dimanche 15 août 2010

1 an après son adoption, la loi Maillé sur l'extension de l'ouverture des commerces le dimanche confirme l'appréciation que portait à l'époque la CFDT

Un an après son adoption, la loi Maillé sur l'extension de l'ouverture des commerces le dimanche confirme l'appréciation que portait à l'époque la CFDT sur ce texte "flou et mal ficelé" qu'elle qualifiait d'injustice sociale"


En décembre 2009, les équipes CFDT tiraient un premier bilan négatif de la loi et de ses effets pervers.
À la notable exception de Plan de campagne (Bouches-du-Rhône), aucune négociation n’a commencé dans les territoires pour étendre les ouvertures dominicales des commerces. Les entreprises, elles, s’activent.
Cinq mois après sa promulgation, la loi Mallié sur les ouvertures dominicales des commerces commence lentement à s’appliquer. Peu de demandes de création de Puce (périmètre d’usage de consommation exceptionnel) ont été déposées, et il en est de même pour les zones touristiques. Par endroits, cette loi a cependant créé une sorte d’appel à l’ouverture illégale. Deux magasins Ikea, à Brest et à Nantes, ont été contraints à la fermeture dominicale début décembre, malgré la loi de 2008 qui autorise les magasins de l’ameublement à ouvrir tous les dimanches de l’année. Les tribunaux, saisis par les organisations syndicales, ont en effet estimé que les arrêtés préfectoraux locaux, parfois vieux de trente ans et interdisant ces ouvertures, étaient toujours en vigueur. “Ces jugements sont intéressants, mais je doute que tous les tribunaux interprètent la loi de cette façon”, relativise Aline Levron, secrétaire nationale à la fédération des Services.
La seule conséquence visible de la loi Mallié se situe pour l’instant sur les terres du député qui lui a donné son nom. La zone commerciale de Plan de Campagne, près d’Aix-en-Provence, tient lieu de symbole. Toute une partie du texte a été écrite pour permettre à la plus grande zone commerciale de France d’ouvrir tous les dimanches. La CFDT s’est longtemps battue pour y faire respecter le repos dominical, la justice lui a donné raison à plusieurs reprises. Début décembre, trois organisations syndicales (CFTC, FO, CGC) ont signé à Plan de campagne le premier accord en France qui concerne un Puce. “La CFDT a refusé de signer un accord inférieur à ce que la loi prévoit, explique Aline Levron. Les salariés qui travailleront les dimanches seront augmentés en fonction de l’ancienneté, et
le doublement du salaire n’est prévu qu’au niveau du Smic. Par rapport à la situation précédente, les salariés perdent sur l’organisation du travail et sur leur vie familiale, avec des jours de repos fluctuants.”
Des outils de négociation efficaces
Plan de campagne demeure donc l’unique exemple à ce jour de négociation territoriale. En revanche, “beaucoup d’entreprises se sont engouffrées dans la brèche pour négocier”, constate Aline Levron. Tel est le cas chez Leroy Merlin, Toys “R” Us ou Decathlon. Dans cette dernière enseigne, un accord est en passe d’être conclu, confirmant le volontariat, le doublement du salaire et la possibilité de fixer le repos compensateur dans la semaine. “Les conditions du travail du dimanche seront les mêmes dans tous les Decathlon, que ce soit dans un Puce, une zone touristique, ou ailleurs, déclare Christophe Levier, délégué syndical central de l’entreprise, qui espère que l’accord va être majoritairement signé. En revanche, nous resterons vigilants pour que les magasins n’ouvrent pas le dimanche tant que des accords territoriaux ne sont pas conclus. Il est clair qu’il risque d’y avoir des dérives sur plusieurs sites dans lesquels la présence syndicale n’est pas assurée.” La fédération a d’ailleurs envoyé une lettre dans ce sens à la direction de Decathlon. “Nous avons l’exemple d’un maire d’une commune de la région parisienne, qui se sert d’un accord d’entreprise pour tenter d’autoriser des ouvertures dominicales toute l’année”, témoigne Aline Levron.
Dans d’autres enseignes, la situation est plus difficile, les directions proposant des accords qu’elle sait être inacceptables par les organisations syndicales, pour mieux se réfugier derrière la loi. “C’est le cas notamment chez C&A ou H&M, précise Aline Levron. Nous avons développé des outils de négociations efficaces pour nos équipes, qui expliquent les points importants à obtenir dans un accord. Nous ne voyons pas pourquoi les salariés d’une zone touristique obtiendraient moins que ceux d’un Puce. Dans certaines grandes enseignes, les salariés voient leur salaire tripler lors des ouvertures exceptionnelles des dimanches.”
Certains employeurs du commerce s'opposent également à cette loi.

Un an après, les craintes de la CFDT se révèlent fondées.

Que dit réellement la loi ?

La loi du 10 août 2008 étend à tous les commerces de détail situés dans des zones touristiques ou thermales, exceptés les commerces alimentaires, le droit d’ouvrir tous les dimanches de l’année, et d’accorder le repos hebdomadaire à leurs salariés par roulement. Le périmètre de ces zones touristiques est fixé par arrêté préfectoral, selon les mêmes critères qu’actuellement, sur proposition du maire, et après avis des organisations syndicales et patronales, ainsi que du comité départemental du tourisme et des communautés de communes. Le texte n’oblige en rien à négocier des contreparties pour les salariés, mais exprime une simple demande aux partenaires sociaux. Là où des accords existent, ils ne sont pas remis en cause.

La loi du 10 août 2008 crée des Puce (périmètre d’usage de consommation exceptionnel). Ces derniers doivent être situés dans des unités urbaines de plus d’un million d’habitants. Sont concernés : Lille, Paris et Aix-Marseille. Les préfets de région n’ont d’ailleurs pas tardé à établir la liste des communes pouvant créer un Puce. Chaque municipalité peut ensuite demander cette création, la décision revenant au préfet de département. Celui-ci se prononce en fonction de critères d’habitudes anciennes de consommation dominicale, ou de proximité avec une zone frontalière qui pratique les ouvertures des magasins le dimanche. Une fois le Puce délimité, les commerces de détail, à l’exception du commerce alimentaire, peuvent demander au préfet une dérogation au repos dominical. Dans le cas des Puce, un accord collectif, ou une décision unilatérale de l’employeur approuvée par référendum, doit prévoir des contreparties pour les salariés concernés. Ces accords ou décisions doivent accompagner la demande de dérogation. Il peut s’agir d’accords applicables à plusieurs établissements exerçant la même activité et s’adressant à la même clientèle.

Pour toutes ces zones, la loi ne change pas la règle, les enseignes doivent demander les dérogations aux maires, qui peuvent en accorder cinq par an.

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