La mise en œuvre du pouvoir disciplinaire répond à des règles précises qui offrent aux agents poursuivis des garanties importantes.
1 – Quels sont les agissements visés ?
Une sanction disciplinaire a pour objet de sanctionner « toute faute commise par un fonctionnaire dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ». La loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ne donne pas pour autant une définition plus précise de la faute disciplinaire.
En outre, pour les mêmes faits, un agent public peut faire l’objet d’une sanction disciplinaire (c’est-à-dire d’ordre professionnel) et d’une sanction pénale (1). En revanche, il est important de noter qu’une seule sanction disciplinaire peut être prise à l’égard des mêmes faits (2).
2 – Quelles sont les sanctions disciplinaires ?
Aucune sanction disciplinaire ne peut être prise à l’encontre d’un fonctionnaire territorial en dehors de celles qui sont énumérées par la loi du 26 janvier 1984 (art. 89). Les sanctions sont réparties en quatre groupes :
- 1er groupe : avertissement, blâme, exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de 3 jours ;
- 2e groupe : abaissement d’échelon, exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quatre à quinze jours ;
- 3e groupe : rétrogradation, exclusion temporaire de fonctions pour une durée de 16 jours à 2 ans ; en outre, l’exclusion temporaire de fonctions est privative de toute rémunération ;
- 4e groupe : mise à la retraite d’office, révocation.
Par ailleurs, le décret du 15 février 1988 ne prévoit que quatre sanctions susceptibles d’être infligées aux agents non titulaires territoriaux (art. 36-1) : l’avertissement, le blâme, l’exclusion temporaire de fonctions (elle est de six mois maximum pour les agents recrutés pour une durée déterminée ou d’un an maximum pour les agents sous contrat à durée indéterminée), et enfin, la sanction la plus grave qui consiste en un licenciement sans préavis ni indemnité.
3 – Quelles sont les sanctions à l’encontre des stagiaires ?
Les fonctionnaires stagiaires ne sont pas susceptibles d’être sanctionnés par voie disciplinaire de la même manière que les titulaires. Ainsi, le décret n° 92-1194 du 4 novembre 1992 modifié détermine les sanctions disciplinaires qui peuvent être prononcées à l’encontre des stagiaires : avertissement, blâme, exclusion temporaire de fonctions de 3 jours maximum, exclusion temporaire d’une durée de 4 à 15 jours, et enfin, exclusion définitive du service.
4 – Quelle sanction pour quelle faute ?
La sanction prononcée doit être proportionnelle aux faits commis par l’agent. En cas de recours contentieux, le juge administratif vérifie en particulier que la sanction prononcée n’est pas manifestement disproportionnée par rapport à la faute commise, ni trop sévère ni trop clémente (3). En raison de ses négligences professionnelles répétées et de retards ayant perturbé gravement le fonctionnement du service et la confiance de ses interlocuteurs extérieurs, un fonctionnaire territorial a, par exemple, pu être sanctionné par une exclusion temporaire d’une journée (4).
5 – Quelle est la procédure à suivre ?
Dans la mesure où elle est titulaire du pouvoir disciplinaire, c’est l’autorité territoriale qui apprécie la sanction devant être prise à l’égard de l’agent, en fonction de la faute commise. Sauf si la sanction envisagée relève du 1er groupe, l’autorité territoriale compétente pour prononcer la sanction doit consulter au préalable la commission administrative paritaire siégeant en conseil de discipline. Le conseil de discipline est saisi par un rapport de l’autorité territoriale qui précise les faits reprochés et les circonstances dans lesquelles ils ont été commis. Pour autant, l’avis du conseil de discipline ne lie pas l’autorité territoriale qui décide ensuite la sanction.
Par ailleurs, quel que soit le groupe dans lequel se situe la sanction envisagée, l’agent a droit à la communication de son dossier et doit pouvoir préparer sa défense. Il peut être accompagné du défenseur de son choix. Une fois prononcée, la sanction doit être notifiée à l’agent. S’agissant des contractuels, le pouvoir disciplinaire appartient à l’autorité territoriale qui dispose du pouvoir de recrutement.
L’agent a droit à la communication de son dossier et l’autorité territoriale doit l’informer de ce droit. Il a également droit à l’assistance de défenseurs de son choix.
6 – La sanction disciplinaire doit-elle être motivée ?
L’article 19 de la loi du 13 juillet 1983 modifiée précise que la sanction disciplinaire, de même que, le cas échéant, l’avis du conseil de discipline, doivent être motivés. Par ailleurs, l’autorité territoriale peut décider, après avis du conseil de discipline, de rendre publics la décision portant sanction et ses motifs. On notera que la sanction infligée à un non-titulaire doit également être motivée.
7 – Y a-t-il inscription dans le dossier de l’agent ?
Parmi les sanctions du 1er groupe, seuls le blâme et l’exclusion temporaire de fonctions sont inscrits au dossier du fonctionnaire. Au bout de trois ans, ils sont automatiquement effacés si aucune autre sanction disciplinaire n’est intervenue. D’autre part, le fonctionnaire frappé d’une sanction disciplinaire des 2e ou 3e groupes peut, après dix années de services effectifs à compter de la date de sanction disciplinaire, demander à l’autorité territoriale dont il relève, à ce qu’aucune trace de la sanction prononcée ne subsiste dans son dossier. Si, par son comportement général, l’intéressé a donné toute satisfaction depuis la sanction dont il a fait l’objet, il est fait droit à sa demande. L’autorité territoriale statue après avis du conseil de discipline. En outre, le dossier du fonctionnaire est reconstitué dans sa nouvelle composition, sous le contrôle du président du conseil de discipline.
8 – Un sursis peut-il être prononcé ?
Lorsqu’est prononcée une exclusion temporaire, elle peut être assortie d’un sursis total ou partiel. Toutefois, lorsqu’il s’agit d’une exclusion temporaire des fonctions du 3e groupe, ce sursis est limité : il ne peut pas avoir pour effet de ramener la durée de cette exclusion à moins de trois mois. Par ailleurs, l’intervention d’une sanction disciplinaire du 2e ou du 3e groupe pendant une période de cinq ans après le prononcé de l’exclusion temporaire entraîne la révocation du sursis. En revanche, si aucune sanction disciplinaire du 2e et du 3e groupe n’est prononcée durant la même période, le fonctionnaire concerné est définitivement dispensé de l’accomplissement de la partie de la sanction pour laquelle il a bénéficié du sursis.
9 – Quelles sont les voies de recours ?
L’agent à l’encontre duquel une sanction disciplinaire a été prononcée peut saisir le juge administratif d’un recours pour excès de pouvoir, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la sanction.
Sous certaines conditions, il dispose également d’une voie de recours devant le conseil de discipline de recours. Ainsi, le fonctionnaire qui a fait l’objet d’une sanction des 2e, 3e et 4e groupes peut introduire un recours auprès du conseil de discipline départemental ou interdépartemental. Les recours dirigés contre les sanctions disciplinaires des 2e et 3e groupes ne sont recevables que lorsque l’autorité territoriale a prononcé une sanction disciplinaire plus sévère que celle proposée par le conseil de discipline de 1er degré.
La sanction prononcée par l’autorité territoriale est immédiatement exécutoire, même si le conseil de discipline de recours est saisi. Dans ces circonstances, l’autorité territoriale ne peut prononcer de sanction plus sévère que celle proposée par le conseil de discipline de recours.
En outre, lors de la notification au fonctionnaire poursuivi de la sanction prononcée à son encontre, l’autorité territoriale doit communiquer à celui-ci les informations de nature à lui permettre de déterminer si les conditions de saisine du conseil de discipline de recours se trouvent réunies, et préciser ces conditions.
10 – Quelle différence entre sanction et suspension ?
En cas de faute grave, qu’il s’agisse d’un manquement à ses obligations professionnelles ou d’une infraction de droit commun, l’article 30 de la loi du 13 juillet 1983 modifiée autorise l’autorité territoriale à suspendre le fonctionnaire concerné, à condition de saisir sans délai le conseil de discipline.
Cette suspension est une mesure conservatoire destinée à tenir l’agent éloigné du service, mais elle ne constitue pas, en elle-même, une sanction disciplinaire. Le fonctionnaire suspendu conserve son traitement, l’indemnité de résidence, le supplément familial de traitement et les prestations familiales obligatoires.
En outre, la suspension est temporaire : la situation du fonctionnaire doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois. Si, à l’expiration de ce délai, aucune décision n’a été prise par l’autorité titulaire du pouvoir disciplinaire, l’intéressé est rétabli dans ses fonctions, sauf s’il est l’objet de poursuites pénales.
Cour administrative d’appel de Paris, 2 mai 2007, req. n° 05PA01465.
RÉFÉRENCES
Loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa version consolidée au 14 mars 2012.
Loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa version consolidée au 14 mars 2012.
Décret n° 88-145 du 15 février 1988relatif aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale.
Décret n° 89-677 du 18 septembre 1989relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires territoriaux.
Obligation de réserve des agents territoriaux
D’origine jurisprudentielle, l’obligation de réserve constitue l’une des obligations déontologiques qui s’imposent aux agents territoriaux.
1 – Quel est le fondement juridique de l’obligation ?
L’obligation de réserve ne figure pas expressément dans le statut général des fonctionnaires. Elle est imposée par le juge administratif qui entend garantir ainsi la neutralité du service public et l’impartialité de traitement des usagers par les agents publics.
En 1983, lors des débats parlementaires sur le statut général des fonctionnaires, un amendement avait été déposé pour y inscrire l’obligation de réserve. Anicet Le Pors, alors ministre chargé de la Fonction publique, l’a fait rejeter, estimant préférable de « laisser le soin au juge administratif d’apprécier au cas par cas les limites au droit d’expression imposées aux fonctionnaires par l’obligation de réserve» (JO de l’Assemblée nationale, débats parlementaires, du 3 mai 1983, p. 799 et 822).
2 – En quoi consiste cette obligation de réserve ?
Venant contrebalancer leur liberté d’expression, le devoir de réserve impose aux agents, même en dehors de leur service, de s’exprimer avec une certaine retenue. Afin de respecter le principe de subordination hiérarchique et de neutralité du service public, ils doivent éviter toute manifestation d’opinion de nature à porter atteinte à l’autorité de la fonction. Le devoir de réserve interdit ainsi de tenir en public des propos outranciers visant les supérieurs hiérarchiques ou dévalorisant l’Administration.
Le respect de cette obligation s’apprécie selon la nature des fonctions, des circonstances et du contexte dans lesquels l’agent s’est exprimé, notamment de la publicité des propos (1).
3 – Quels faits constituent une atteinte à l’obligation ?
La jurisprudence offre divers exemples. Ainsi, le directeur d’un théâtre municipal qui profère en public de graves accusations de malveillance et d’incompétence à l’encontre du maire et de son adjoint chargé des affaires culturelles porte atteinte à l’obligation de réserve (2).
De même, constituent un manquement des propos diffamatoires contre des fonctionnaires, la publication par un fonctionnaire de police d’un dessin offensant le président de la République (3), les agissements d’une secrétaire de mairie durant une campagne électorale en tentant de créer une liste par le biais de manipulations (4).
4 – Quels faits ne portent pas atteinte à l’obligation ?
Ne portent pas atteinte à l’obligation de réserve, le fait pour un inspecteur des douanes de signer une motion adressée au président de la République en vue de mettre fin à la guerre d’Algérie (5) ou le fait pour un fonctionnaire de police de n’avoir pu empêcher des gestes et des cris hostiles au gouvernement lors d’une manifestation autorisée(6).
5 – Comment le non-respect de réserve est-il apprécié ?
Le non-respect de cette obligation de réserve est susceptible de constituer une faute disciplinaire (7). Il appartient à l’autorité hiérarchique dont dépend l’agent d’apprécier si un manquement à cette obligation a été commis et, le cas échéant, d’engager une procédure disciplinaire (8). Elle doit tenir compte notamment de la publicité des propos et du niveau de responsabilité de l’agent concerné.
6 – Des propos non publics sont-ils sanctionnables ?
La publicité des propos est l’un des critères permettant d’apprécier l’atteinte à l’obligation de réserve. Ainsi, ne manque pas à son obligation de réserve, l’agent qui exprime des « critiques d’ordre général » publiées en dehors de son service, sous un pseudonyme sur le site d’une association.
Une telle attitude ne constitue pas, selon le juge, un acte de défiance vis-à-vis de la commune qui l’employait. Elle se rattache, au contraire, à la liberté d’opinion garantie aux fonctionnaires par l’article 6 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires modifiée (9).
Par ailleurs, le juge a souligné qu’« en manifestant son opinion sur des questions à caractère historique ou politique », l’intéressé n’a pas « transgressé les limites compatibles avec sa qualité d’agent public alors qu’aucune faute ne lui est reprochée en ce qui concerne sa manière de servir dans l’exercice de ses fonctions » (10).
En outre, l’attention des agents doit être attirée sur le caractère public des propos tenus sur internet et plus précisément sur les blogs, et sur les risques de porter ainsi atteinte à leur obligation de réserve (lire la question n° 9). En effet, la publicité des propos tenus sur un blog ne fait aucun doute. Un blog est « accessible à tous les internautes désireux de le visiter ou au hasard d’une recherche, quel que fût le centre d’intérêt qui les y conduisait » (11).
Tout dépendra du contenu du blog : « Dans ses écrits, le fonctionnaire auteur doit observer un comportement empreint de dignité, ce qui, a priori, n’est pas incompatible avec le respect de sa liberté d’expression »(12).
Ainsi, les agents publics qui participent à des blogs dans le cadre de leur vie privée doivent s’abstenir de tous propos susceptibles de mettre en cause de manière directe le fonctionnement de leur administration ou de l’Administration en général.
Ainsi, les agents publics qui participent à des blogs dans le cadre de leur vie privée doivent s’abstenir de tous propos susceptibles de mettre en cause de manière directe le fonctionnement de leur administration ou de l’Administration en général.
7 – L’obligation est-elle identique pour tous ?
Cette obligation concerne tous les fonctionnaires, y compris ceux investis d’un mandat syndical (13). Toutefois, l’obligation de réserve est plus ou moins étendue selon le rang de l’agent dans la hiérarchie et selon l’administration à laquelle il appartient.
8 – Qu’en est-il des représentants syndicaux ?
Les responsables syndicaux sont soumis aux mêmes obligations que tout agent, y compris à l’obligation de réserve. Cependant, elle s’impose à eux de façon plus souple et ils disposent ainsi d’une plus grande liberté d’expression dans l’exercice de leur mandat ou de leurs fonctions(14).
Ainsi, la déclaration d’un sapeur-pompier, responsable syndical, à un journaliste, exposant des revendications professionnelles ne constitue pas un manquement à l’obligation de réserve, en dépit de la vivacité de son ton (15).
Ainsi, la déclaration d’un sapeur-pompier, responsable syndical, à un journaliste, exposant des revendications professionnelles ne constitue pas un manquement à l’obligation de réserve, en dépit de la vivacité de son ton (15).
En revanche, même en période de conflit social, des propos injurieux diffusés par un responsable syndical sur le site du syndicat, à l’encontre d’un directeur régional de La Poste , ont été jugés comme excédant la mesure admissible, ces propos étaient notamment : « pauvre vieux », « givré », « plus barge que ça, tu meurs », « dingue doublé d’un sadique » (16).
Enfin, on notera que l’assouplissement de l’obligation de réserve à l’égard des représentants syndicaux ne concerne pas les simples membres d’une organisation syndicale. Le fait pour un fonctionnaire de signer une pétition syndicale contre les heures d’ouverture d’un bureau dédié au public constitue un manquement au devoir de réserve, justifiant une baisse de sa notation (17).
9 – Comment internet est-il pris en compte ?
L’obligation de réserve s’impose aux agents publics, y compris dans leur vie privée, en particulier lorsqu’ils naviguent sur internet ou utilisent la messagerie électronique. Ainsi, manque à son obligation de réserve et de neutralité, le fonctionnaire qui mentionne son adresse électronique professionnelle sur le site internet d’une association à vocation religieuse (18).
De même, le fait pour un fonctionnaire d’adresser des critiques violentes à ses chefs de service, qu’il a largement diffusées par courrier électronique à l’ensemble du personnel des services concernés, caractérise des difficultés relationnelles professionnelles importantes(19).
10 – Les candidats à un concours sont-ils concernés ?
Lorsque l’autorité compétente arrête la liste des candidats admis à concourir, elle peut apprécier si ceux-ci présentent les garanties requises pour l’exercice des fonctions auxquelles donne accès le concours. Elle peut ainsi « tenir compte de faits et manifestations contraires à la réserve que doivent observer ces candidats » (20).
Par exemple, la participation d’un appelé à la rédaction et à la diffusion d’un journal dans une enceinte militaire constitue un manquement qui justifie le refus de l’autoriser à se présenter au concours d’entrée à l’Ecole nationale de la magistrature (21).
A l’inverse, la participation à des manifestations d’étudiants, véhémentes mais sans violence, ne constitue pas un manquement à la réserve justifiant le refus d’autoriser un candidat à se présenter à un concours (22).
A l’inverse, la participation à des manifestations d’étudiants, véhémentes mais sans violence, ne constitue pas un manquement à la réserve justifiant le refus d’autoriser un candidat à se présenter à un concours (22).
rép. min. QE n° 845, JO de l’Assemblée nationale du 14 octobre 1959 -
rép. min. QE n° 01709, JO du Sénat du 17 avril 2008 -
TA de Dijon ord., 17 novembre 2003, n° 031941 -
TA de Dijon ord., 17 novembre 2003 -
TGI de Paris, 17e ch., 17 mars 2006, n° 0420209310 -
rép. min. QE n° 01709, JO du Sénat du 17 avril 2008 -
CE, 6 mars 1953, req. n° 14088, Rec. 124, concl. Chardeau, lire la question n° 8 -
CE, 25 novembre 1985, « District Comtat Venaissin », rec. nos 796 et 801 -
Cass. crim., 10 mai 2005, « Annonces de la Seine », 7 juillet 2005, n° 47 -
CE ass., 28 mai 1954, « Barel », Rec. 308 -
Obligation de secret professionnel des territoriaux
A l’instar des agents des autres fonctions publiques, les agents territoriaux sont tenus au secret professionnel. Celui-ci peut toutefois être levé dans certains cas précis.
1 – Qu’est-ce que le secret professionnel ?
L’article 26 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires énonce que « les fonctionnaires sont tenus au secret professionnel dans le cadre des règles instituées par le Code pénal ». En effet, l’article 226-13 de ce code punit la violation du secret professionnel, c’est-à-dire la révélation d’une information secrète par une personne qui en est dépositaire par état, par profession ou en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire.
L’obligation de secret professionnel a ainsi pour but d’empêcher la divulgation d’informations ayant un caractère personnel et secret, dont les agents publics peuvent être dépositaires, du fait de leur profession ou de leurs fonctions (informations relatives à la santé, au comportement, à la situation personnelle ou familiale d’une personne…). Et ce, dans le but de protéger tant les administrés que les agents publics eux-mêmes.
2 – Quelles sont les limites du secret professionnel ?
Dans certains cas, la levée de l’obligation de secret professionnel est possible, voire indispensable. Tout d’abord, elle est possible lorsque la personne concernée par l’information a autorisé sa divulgation ou lorsqu’elle entend prouver son innocence (1).
Ensuite, les cas dans lesquels la levée de cette obligation est indispensable sont énoncés dans l’article 226-14 du Code pénal. Le secret professionnel ne peut être opposé « dans les cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret » : pour révéler des maltraitances ; pour témoigner en justice en matière criminelle ou correctionnelle (article 109 du Code de procédure pénale).
Il en va également ainsi de l’obligation faite aux fonctionnaires de dénoncer les crimes et délits dont ils peuvent avoir connaissance dans l’exercice de leurs fonctions (lire la question n° 10).
Enfin, la mise en œuvre de l’obligation de secret professionnel doit s’inscrire dans le respect du droit d’accès aux documents administratifs (lire la question n° 8).
3 – Tous les agents sont-ils soumis à cette obligation ?
L’obligation de secret professionnel s’impose à tous les fonctionnaires, y compris territoriaux. Ni les dispositions de l’article 26 de la loi du 13 juillet 1983 ni celles du Code pénal ne fixent une liste des personnels tenus à cette obligation. De manière générale, elles prévoient qu’est tenue au secret professionnel, toute personne dépositaire d’une information à caractère secret, soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire.
Pour certains personnels, un texte législatif ou réglementaire renforce cette obligation de secret. Tel est le cas des médecins, des infirmiers, du personnel du secteur social ou de l’aide sociale à l’enfance (Code action sociale et familles, art. L.221-6).
Enfin, on peut relever que les agents non titulaires territoriaux sont désormais expressément soumis au secret professionnel par l’article 1-1 II du décret n° 88-145 du 15 février 1988 modifié. Cet article prévoit, en effet, qu’ils sont tenus au secret professionnel dans le cadre des règles instituées par le Code pénal et sont liés par l’obligation de discrétion professionnelle pour tout ce qui concerne les faits et informations dont ils ont connaissance dans l’exercice de leurs fonctions.
4 – Quelles sont les sanctions encourues ?
Dans la mesure où la violation du secret professionnel est punie par le Code pénal, tout agent territorial qui commet cette infraction encourt une sanction pénale.
Ainsi, l’article 226-13 du Code pénal prévoit que l’auteur de cette infraction sera puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. En outre, l’agent encourt une sanction disciplinaire dans la mesure où l’obligation de secret professionnel est également prévue par le statut général des fonctionnaires (loi du 13 juillet 1983, art. 26).
Ainsi, l’article 226-13 du Code pénal prévoit que l’auteur de cette infraction sera puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. En outre, l’agent encourt une sanction disciplinaire dans la mesure où l’obligation de secret professionnel est également prévue par le statut général des fonctionnaires (loi du 13 juillet 1983, art. 26).
5 – Les représentants du personnel sont-ils visés ?
Les représentants du personnel dans les commissions administratives paritaires (CAP) sont tenus au secret professionnel pour tous les dossiers individuels concernant les agents dont la situation est examinée. En effet, pour l’accomplissement de leur mission et dans la mesure strictement nécessaire à celui-ci, les membres de la CAP peuvent et doivent recevoir communication de tous les documents et pièces, notamment des dossiers individuels concernant les agents dont la situation relève de leur examen.
Aussi, un arrêté ministériel relatif au fonctionnement des CAP des établissements hospitaliers publics qui prévoit que les représentants du personnel reçoivent communication de tous les documents et pièces nécessaires à l’accomplissement de leur mission et ont accès, sur leur demande, aux dossiers individuels des agents dont la situation doit être examinée en commission, est légal (2).
6 – Que couvre le secret professionnel ?
Selon la Cour de cassation, le secret professionnel couvre toute information qui est parvenue à la connaissance d’une personne dans l’exercice de sa profession ou d’une fonction aux actes de laquelle la loi, dans un intérêt général et d’ordre public, revêt le caractère confidentiel et secret (3).
Sont considérés comme tels, les résultats d’examens médicaux et, de manière plus large, le dossier médical détenu par l’administration (4). Les renseignements sur la vie privée des personnes en relèvent également et, en particulier, le domicile qui constitue un attribut essentiel de la vie privée des personnes (5).
Les éléments du dossier d’un fonctionnaire ou d’un agent du service public comme les notes, appréciations ou sanctions figurant dans son dossier sont également couvertes par le secret et ne peuvent être divulguées sans que cela constitue une atteinte au secret (6).
7 – Quelle est la portée de cette obligation ?
L’obligation de secret a un caractère général et absolu. Ainsi, elle s’impose alors même que les faits en cause sont connus et susceptibles d’être connus, dans la mesure où l’intervention des dépositaires du secret a pour effet de transformer un fait sujet à controverse en un fait avéré et certain (7).
Le juge considère que, dans cette hypothèse, le secret professionnel est violé dès lors que l’intervention du dépositaire du secret apporte des précisions que lui seul connaissait (8).
8 – Comment la concilier avec l’accès aux documents ?
L’obligation de secret professionnel doit être conciliée avec le droit d’accès aux documents administratifs. En effet, en vertu de l’article 27 de la loi du 13 juillet 1983, les fonctionnaires ont le devoir de satisfaire aux demandes d’information du public, dans le respect des règles relatives au secret professionnel.
9 – Qu’est-ce que l’obligation de discrétion ?
Outre l’obligation de secret professionnel, les fonctionnaires doivent également « faire preuve de discrétion professionnelle pour tous les faits, informations ou documents dont ils ont connaissance dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions.
En dehors des cas expressément prévus par la réglementation en vigueur, notamment en matière de liberté d’accès aux documents administratifs, les fonctionnaires ne peuvent être déliés de cette obligation de discrétion professionnelle que par décision expresse de l’autorité dont ils dépendent » (loi du 13 juillet 1983, art. 26).
Ainsi, cette obligation de discrétion professionnelle impose aux fonctionnaires de s’abstenir de communiquer à des tiers, fonctionnaire ou non, des renseignements acquis grâce aux fonctions ou des pièces et documents de service (9).
Constitue un manquement à cette obligation de discrétion le fait, par exemple, de photocopier un document administratif dont le fonctionnaire n’était pas le destinataire, sans y être autorisé par son supérieur hiérarchique (10).
Il en va de même lorsqu’un fonctionnaire communique à une entreprise, dont la candidature à un marché public a été rejetée, le rapport de présentation du projet de marché en cause et le rapport d’analyse des offres présenté devant la commission d’appel d’offres qui contenait des indications détaillées, non occultées, relatives aux montants et aux détails des offres non retenues, ainsi qu’aux notes et appréciations portées sur chacune d’entre elles (11).
Toute atteinte à la discrétion professionnelle est susceptible d’être sanctionnée à titre disciplinaire.
10 – Qu’est-ce que l’obligation de dénonciation ?
L’article 40 du Code de procédure pénal prévoit que « toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs ».
CA de Douai, 26 octobre 1951, Gaz. pal. 1951.2.426. -
Cass., crim., 24 janvier 1957, Gaz. pal. 1957.1.412. -
Cass., crim., 20 janvier 1976, bull. crim. n° 23, D. 1976, p. 76. -
Cass., 1re civ., 19 mars 1991, D. 1991, p. 568. -
Cass., crim., 30 juin 1955, bull. crim. n° 334, D 1955. 718. -
Cass., crim., 24 janvier 1957, Gaz. pal. 1957.1.412. -
Cass., crim., 7 mars 1989, bull. crim. n° 109. -
Réponse ministérielle à la question n° 10295, JOAN du 19 janvier 1954. -
RÉFÉRENCES
Loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.
Code pénal, articles 226-13 et 226-14.
Code de procédure pénale, article 40.
Code de la fonction publique.
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