Les
partenaires sociaux et la ministre du Droit des femmes sont tombés d’accord,
lundi, lors de la Grande conférence sociale, sur la nécessité de rendre vraiment
effectives les sanctions prévues par la loi en cas de non-respect de l’égalité
professionnelle hommes-femmes. Mais brandir la menace de sanction ne suffit pas,
loin de là.
Comment évaluer l’inégalité ?
Depuis
le 1er
janvier 2012, les employeurs n’ont plus d’échappatoire : ils doivent engager des négociations pour signer un accord
collectif sur la question (ou à défaut, un « plan d’action » fixant des
objectifs). S’ils ne le font pas, les sanctions peuvent tomber.
Cela ne
règle pas forcément le problème : bien souvent, les employeurs ne savent pas
quoi regarder pour évaluer les inégalités dans leur entreprise, lancer un plan
pour les corriger, et éviter l’amende.
Dans la
région Centre, la Direccte – ancienne Inspection du travail – a mené en 2010 une
enquête auprès des employeurs et des syndicats. Résultat : deux-tiers des
personnes interrogées affirment ne pas bien maîtriser la loi sur l’égalité
salariale.
Les
représentants syndicaux ont du mal à obtenir des informations ; surtout, ils ne
savent pas comment les analyser, ni quelles données comparer. A la CGT, Thérèse
Gallo-Villa, en charge des formations dans sa région, va plus loin :
« Même quand ils ont les données, ils ne savent pas détecter les inégalités car celles-ci ne sautent pas aux yeux. Elles sont davantage cumulatives. »
Des métiers difficiles à comparer
Les
difficultés d’évaluation commencent dès le recrutement. Comment savoir si
l’entreprise discrimine à l’embauche et, si c’est le cas, comment
procède-t-elle ?
Gilles
Lory, qui a mené à la CFDT une enquête sur l’égalité professionnelle, constate :
« Certains employeurs expliquent qu’ils préfèrent ne pas recruter de femmes à certains postes pénibles : ils se veulent protecteurs. Or, bien souvent, ce sont ces postes qui sont les mieux payés et qui permettent des évolutions de carrière. Et si certains postes sont trop pénibles physiquement, on peut toujours les adapter.Surtout, d’autres postes pénibles sont confiés à des femmes sans que personne ne s’en émeuve. Pensez aux infirmières qui travaillent la nuit par exemple… L’argument de la protection ne tient pas la route en réalité. »
Pour
aider les employeurs, la Direccte Centre a élaboré avec la CGT, le conseil
régional et la délégation régionale aux droits des femmes et à l’égalité un guide [PDF] leur suggérant quelques questions à se poser :
- Quels sont les critères qui vous permettent de retenir le ou la candidate sur un poste ?
- Existe-t-il une marge de négociation pour les salaires lors d’un recrutement ?
- Celle-ci est-elle publique dans l’entreprise et égale selon les femmes et les hommes ?
- Les emplois et postes de travail dans votre entreprise sont-ils appropriés et adaptés pour être tenus indifféremment par une femme ou un homme ?
- Le nombre de femmes recrutées est-il au moins proportionnel avec celui des diplômées et qualifiées dans la filière ?
Les
auteurs du guide recensent également les points sur lesquels négocier :
- déterminer des objectifs quantifiés pour progresser dans la mixité des emplois ;
- favoriser la promotion interne et l’évolution professionnelle ;
- publier les critères de sélection ;
- justifier de tout non-recrutement sur ces critères ;
- voire publier dans l’entreprise les grilles de salaires, la liste des primes et des avantages annexes, etc.
Formations qualifiantes : pour les hommes
La
discrimination ne se cantonne pas à l’embauche. La rémunération, les
promotions, mais
également la formation
et les conditions de travail
sont des terrains propices, eux aussi, aux inégalités plus ou moins faciles à
appréhender.
Si les
femmes suivent autant de formations que les hommes, par exemple, ce sont
généralement des formations courtes, d’adaptation au poste de travail, constate
la Direccte Centre. Quand les hommes suivent davantage des formations
qualifiantes, qui permettent une promotion.
Parmi
les questions à vous poser, si vous êtes employeur, voici celles que conseille
le guide :
- La formation permet-elle aux femmes d’accéder à des qualifications et des métiers dits « traditionnellement masculins » ?
- Quels sont la durée et le lieu de la formation suivie par les femmes par rapport aux hommes ?
- Quels sont, à qualification égale, les pourcentages d’hommes et de femmes dans chaque catégorie de l’entreprise ?
Et, en
matière de promotion : les femmes à temps partiel bénéficient-elles de
promotions dans des conditions équivalentes ?
Un comité de pilotage des expérimentations
Une
DRH vaut un directeur commercial
En
juillet 2010, la chambre sociale de la Cour de cassation a rendu une décision
qui pourrait faire jurisprudence. Une responsable du personnel d’une grande
entreprise touchait un salaire largement inférieur à celui des autres
directeurs. L’employeur répondait qu’un directeur commercial a plus de
responsabilité qu’une responsable du personnel.
La Cour
de cassation a finalement donné raison à la plaignante, établissant que le
principe d’égalité salariale s’appliquait aux salariés exerçant des fonctions
d’importance comparable dans le fonctionnement de
l’entreprise.
En
région Centre, la société STMicroelectronics Touraine, par exemple, qui peinait
à recruter des femmes ingénieurs, a noué des partenariats pour remédier au
problème avec les écoles d’ingénieurs et les agences d’intérim.
Par
ailleurs, des critères transparents d’accès à des promotions ou à des formations
ont été définis.
Engager
des expérimentations dans certaines régions et certaines branches pour aider les
employeurs à mieux s’approprier la question de l’égalité professionnelle, c’est
la seconde proposition évoquée lors de la table ronde de lundi 9 juillet, selon les syndicats.
Ces
expérimentations se feraient sous l’égide d’un « comité de pilotage afin de
vérifier que ça marche ». Une étape nécessaire si le gouvernement souhaite que
les sanctions aient un sens
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