Les dangers de la proposition de loi sur le travail du dimanche
La loi actuellement discutée par les députés comporte de vrais risques de généralisation des ouvertures dominicales des commerces sans garanties pour les salariés.
Débattue depuis le 7 juillet à l’Assemblée nationale, la proposition de loi Mallié sur l’extension de l’ouverture des commerces le dimanche comporte de nombreuses contradictions, qui font peser de lourdes incertitudes sur les droits des salariés concernés. Le texte a été délesté des articles concernant les grandes surfaces. Seuls les commerces de détail sont dorénavant visés. La proposition de loi rappelle dans un premier temps que « dans l’intérêt des salariés, le repos hebdomadaire est donné le dimanche ». Mais la loi distingue ensuite deux nouvelles zones dans lesquelles ces commerces seraient autorisés à ouvrir tous les dimanches : les zones et communes touristiques d’un côté, et les périmètres d’usage de consommation exceptionnelle (Puce), dans les agglomérations de plus d’un million d’habitants ou des zones frontalières, de l’autre. Ces dernières zones doivent être caractérisées par « des habitudes de consommation de fin de semaine ». En pratique, seules les agglomérations parisiennes, marseillaises et lilloises sont visées.
Mais concernant les communes dites « touristiques », leur nombre n’est pas le même selon le code du Travail, ou selon le code du Tourisme : environ 500 dans le premier cas et dix fois plus dans l’autre. Les déclarations du président de la République qui souhaite voir tout Paris classé en zone touristique ajoutent à la confusion.
Laurence Laigo, secrétaire nationale en charge du dossier, pointe le risque de contagion que contient cette loi. « Il y a tout à parier que des commerçants qui n’avaient pas ouvert le dimanche jusqu’ici risquent d’être amenés à le faire parce que des concurrents d’une commune ou zone limitrophe décident eux-mêmes d’ouvrir ». Même remarque concernant les Puce : « des zones qui n’ouvraient pas jusqu’ici risquent de le faire pour devenir à terme, elles-mêmes, des zones d’usage de consommation de fin de semaine, et obtenir l’autorisation préfectorale. Les zones limitrophes des zones actuelles ne manqueront pas de frapper à la porte ».
Trop peu de garanties pour les salariés
La loi prétend apporter plusieurs garanties aux salariés : volontariat avec possibilité de changer d’avis, doublement du salaire. « Un jeu de dupes » pour Laurence Laigo. C’est méconnaître la réalité des entreprises où le rapport de subordination est une réalité. Comment refuser lorsqu’on risque de perdre son emploi ? ». De plus, la loi instaure une inégalité entre les salariés sur les contreparties au travail le dimanche, par exemple sur le doublement du salaire. En effet, il prévoit un encadrement des ouvertures dominicales par des accords collectifs pour les Puce, et pas pour les zones touristiques. A défaut d’accord, le comité d’entreprise donne son avis, et un referendum est organisé auprès des salariés. « Cette disposition ignore la loi du 20 août sur le dialogue social. Quelle marge de manœuvre pour les salariés ? On imagine les pressions exercées par l’employeur et certains salariés pour accepter le travail du dimanche », explique la secrétaire nationale.
En désaccord sur le fond, la CFDT l’est également sur la méthode employée. « En utilisant le canal d’une proposition de loi, le gouvernement évite d’appliquer la loi du 31 janvier 2007 sur le dialogue social et un débat qu’il sait difficile avec les partenaires sociaux et pas seulement avec les organisations syndicales », estime Laurence Laigo.
Enfin, l’extension de l’ouverture des commerces le dimanche pose des problèmes sociétaux importants. En effet, le repos dominical est « le moment de l’exercice de nombreuses activités culturelles et sportives qui sont autant de moyen d’assurer la cohésion sociale. Le coût social de la généralisation et de la banalisation du travail du dimanche serait probablement incalculable. Cette question doit faire l’objet d’un véritable débat de société et d’un dialogue social, notamment au niveau des branches concernées ».
Frédéric Delaporte
© CFDT (mis en ligne le 06 juillet 2009)
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