vendredi 12 mars 2010

Poubelles : cette sale spirale dont tout le monde a marre, y compris Eugene CASELLI- va-t-il démissionner?-, dont Marseille ne se sort pas


Poubelles : cette sale spirale qui pourrit Marseille
40 contributions Publié le vendredi 12 mars 2010 à 07H38

La grève des ordures qui paralyse Marseille renvoie à une histoire sans fin, héritée des compromis passés entre forces politiques et syndicales. Un système qui se complique d'enjeux économiques colossaux


Les méthodes de recrutement des agents et des cadres, l'instrumentalisation d'une partie du personnel à des fins politiques prolongent un système hérité de l'après-guerre.

Photo Patrick Nosetto


Une grève en chasse une autre à Marseille sur la collecte des déchets. Après Bronzo, ce sont les salariés d'ISS. Alors, cette ville, cette communauté urbaine, sont-elles malades de leurs déchets ? En tout cas, dans un contexte économique tendu de redistribution des marchés et de bras de fer entre sociétés, les élus de la communauté urbaine semblent pris au piège. Derrière le président, tous ne sont pas sur la même ligne. D'autant qu'ils ont hérité d'une situation politique et sociale particulière. Pas simple d'en sortir. Le citoyen compte les points et les "bordilles" s'amassent.

Une histoire vieille de 50 ans
À Marseille, les grèves du nettoiement sont comme les épidémies de grippe: on ne sait jamais quand elles commencent, on ne sait jamais quand elles finissent, mais on sait qu'elles reviendront toujours. Après guerre, en 1947, la constitution -à partir de Marseille- du syndicat FO des territoriaux a ouvert une longue période où les conflits ne se déclenchaient qu'avec l'accord de la mairie. Y compris en 1968, quand la CGT des transports menaça Gaston Defferre de bloquer la ville s'il n'ordonnait pas aux éboueurs d'entrer dans le conflit.

La vraie rupture date de 1976, quand la CGT bloqua la collecte plus d'une semaine, obligeant la ville à appeler l'armée pour nettoyer les rues. "La première grève non téléguidée et victorieuse", se souvient l'ex-éboueur Pierre Godard , 35 ans de benne et de militantisme à la CGT, la CFDT puis la FSU,..... puis candidat tête de liste du NPA aux régionales PACA 2010 (il les aura bientôt "toutes faites"!) . En juin 1983, rebelote : deux semaines de grève contre la suppression du service de nuit, avec la CGT à la manoeuvre. Gaston Defferre réplique en confiant une partie de la collecte au privé. Et redouble d'efforts pour casser la CGT, 25 ans après avoir jeté les bases du quasi-monopole FO et de la cogestion clientéliste du personnel municipal entre le syndicat ultra-majoritaire et les élus. C'est d'ailleurs avec FO que le maire de Marseille négocia l'instauration du très controversé "fini-parti", dans les années 50.

Depuis 25 ans, tous ses successeurs ont tenté d'y mettre fin, mais tous y ont finalement renoncé. Jean-Noël Guérini, l'homme fort du PS des Bouches-du-Rhône, en avait même fait l'un des thèmes forts de sa campagne municipale, en 2008, promettant également de revoir le système de cogestion avec FO. Mais une fois son lieutenant Eugène Caselli élu à la tête de la communauté urbaine, il n'en a plus été question. "Le fini-parti, c'est un faux problème", assure Patrick Rué, secrétaire général adjoint de FO. "Ça ne concerne que la collecte des ordures ménagères, explique-t-il, et le problème de la propreté de la ville n'est pas lié aux ordures". Selon un ancien cadre du service, aujourd'hui parti sous d'autres cieux, "le problème du fini-parti à Marseille, c'est que contrairement aux autres villes où il est pratiqué, ce n'est pas l'encadrement mais les agents eux-mêmes qui décident sans contrôle de l'heure du départ."

À l'écouter, c'est d'ailleurs plus dans l'organisation, les méthodes de recrutement des agents et des cadres et l'instrumentalisation d'une partie du personnel à des fins politiques que le problème se situe. "Sur environ 2000 agents, entre 200 et 300 sont d'anciens colleurs d'affiches qui ont rendu des services, qui participent peu au travail pour servir d'informateurs aux élus qui les protègent une fois embauchés", détaille-t-il, expliquant que "trop de monde a intérêt à ce que ce système tienne, du syndicat aux politiques en passant par les agents." Les grèves du nettoiement sont, il est vrai, rarement le fait des municipaux FO. "La dernière que nous avons organisée, c'est au moment de la réforme des retraites, en 2003", rappelle Patrick Rué. Selon lui, "la situation s'était améliorée avec la création de la police de la propreté et le retour à un balayage manuel des rues, que nous réclamions sans succès depuis des années", avant que "la grève de Bronzo ne fiche tout par terre". Un problème sans fin ?

Les enjeux économiques
Ils sont au coeur du conflit actuel comme des précédents. Avec la volonté récente des politiques de redistribuer des cartes en faisant économiser de l'argent aux contribuables. Sans réussite pour l'instant. Si aujourd'hui c'est le personnel d'ISS qui bloque, il faut rappeler que la précédente grève des salariés de Bronzo, soutenue par leur patron et conclue le 4 novembre 2009, était destinée à empêcher ISS Environnement, un grand groupe danois, de leur rafler un marché pour lequel cette dernière société avait fait une offre inférieure de 4 millions d'euros.

Bronzo est arrivée à ses fins : l'appel d'offres a été retiré. Même chose sur le tri sélectif où Sita Sud, filiale de Suez, qui attendait la notification officielle de la communauté urbaine d'un marché de tri sélectif, après une offre inférieure de 5 millions d'euros, s'est vu attaquée au tribunal administratif par Bronzo, de nouveau, associée à Queyras Environnement qui assurait cette tâche auparavant. Cette fois, Bronzo a perdu mais la lutte a été rude.

Plus globalement, pour comprendre ces bras de fer permanent, il suffit de quelques chiffres. La collecte et le traitement des déchets dans les 18 villes de la communauté urbaine représentent un marché de quelque 161 millions dont 76,5 sont revenus au privé l'année dernière. Et c'est le terrain d'action de grands groupes comme Suez, Veolia ou ISS qui s'affrontent et redistribuent leurs activités. Bronzo est ainsi une filiale de la Société des Eaux de Marseille (SEM), encore détenue quasiment à parité par Suez et Veolia. Les salariés basculent ainsi dans de grands groupes sans savoir quel sera leur avenir.

Un avenir incertain
Après une vingtaine de conflits en trois décennies, l'avenir de la collecte des déchets s'annonce-t-il aussi mouvementé ? Aujourd'hui, rien ne permet de dire le contraire. Et rien ne permet de dire si la collecte passera entièrement sous gestion publique ou si le privé aura encore sa part de gâteau dans les années à venir (environ 30% du marché actuellement). Car au lendemain de l'affaire Bronzo, en novembre dernier, Eugène Caselli a fait mener une étude, technique et financière, pour savoir si la communauté urbaine pouvait "avaler" le privé. Impossible ou compliqué. Pour des tas de raisons qui tiennent au statut des agents.

Un exemple : les repris de justice du privé ne peuvent être utilsés dans le public et les chauffeurs du privé doivent passer un examen s'ils veulent conduire dans le public. Il y a aussi les salaires : de 200 à 300€ supérieurs dans le privé. Et puis, il y a le problème du matériel: il faudrait acheter des bennes, trouver des locaux et passer des appels d'offres. Pas le temps. Le marché de la collecte doit être attribué dans environ quatre mois et la procédure pour tout faire basculer dans le public prendrait bien plus de temps.

Alors, Eugène Caselli a maintenu le statu quo avec une petite différence : 20% du 2e arrondissement, géré par le privé, doit passer entre les mains du public qui ramasse les ordures dans le 1er arrondissement. Le but du jeu est de créer un commandement unique pour le nettoiement dans le cadre la semi-piétonnisation du Vieux-Port. Oui mais voilà, ISS environnement est convaincu que sa charge de travail va diminuer, le personnel et le matériel aussi. D'où le blocage.
Grève des poubelles, et si Eugène Caselli démissionnait ?
Par Pierre BOUCAUD le 12 mars 2010

Photo Romain Foucque
« En prenant la tête de MPM, je n’imaginais pas me retrouver dans un tel guêpier sur la politique des déchets, j’en ai marre c’est à se taper la tête contre les murs » disait ce matin Eugène Caselli le Président de MPM, Marseille Provence Métropole, dans les colonnes de La Provence.
Eugène Caselli serait-il sur le point de craquer et d’ envisager de donner sa démission dans les heures ou les jours qui viennent ? C’est aujourd’hui une hypothèse plus que crédible. Le Président de MPM ne verrait plus que cette issue pour sortir de cette situation de grève des poubelles qui semble inextricable. D’un côté la loi, qui interdit à Caselli de modifier le texte de l’appel d’offre sur le nouveau marché de la collecte des déchets, comme le réclament les grévistes. De l’autre, les syndicats de la société ISS qui ne veulent rien savoir, et demandent donc l’impossible à Eugène Caselli. Il ne sait plus quoi faire. Il a même dû demander au Préfet d’envoyer la semaine dernière les CRS sortir les matraques contre les salariés en grève d’ISS. Lui, Eugène, l’ancien syndicaliste de Force Ouvrière, lui, le toujours Premier secrétaire du PS dans les Bouches-du-Rhône. Il n’en peut plus de ce costume de briseur de grève, ce n’est pas le sien, il ne fait pas de la politique au PS depuis si longtemps pour ça. Ceux qui le connaissent savent que de tous les poltiques locaux, c’est sans doute un des moins cyniques, un des plus sincères dans son engagement de longue date à gauche. Mais le plus fragile aussi. Et ça, les syndicats d’ISS l’ont bien compris. Des syndicats soutenus par Renaud Muselier, « le pompier pyromane » comme l’appelle le Président de MPM. Muselier qui cogne, cogne et cogne. On s’en souvient, il lui avait envoyé au visage il y a quelques semaines, en plein conseil de MPM, le terrible livre sur la mafia napolitaine « Gomorra ». Ce jour là, c’est comme si il avait craché au visage d’Eugène. Sur le coup il n’a pas réagi. Il a pris sur lui, mais maintenant il n’en peut plus des attaques répétées de Muselier. Un Muselier dont on peut discuter des méthodes. Mais la politique ne se fait pas avec de bons sentiments, c’est bien connu. Et Caselli n’est pas un débutant, il connait les règles du jeu. « Muso » est dans son rôle, il veut lui reprendre son fauteuil, il ne lui fera aucun cadeau. C’est pas son genre. Mais ce qui fait aujourd’hui le plus craquer Eugène, c’est le manque de soutien de ses petits camarades du PS. Il est où son grand ami Jean-Noêl Guérini ? bien silencieux sur ce dossier. Un Guérini à qui il aurait dit, selon le Canard Enchaîné, après une réunion orageuse en novembre dernier, toujours sur ces histoires de poubelles : » la Présidence de MPM, si vous la voulez prenez là »…
Et puis il y a la justice qui rode autour de tout ça, de MPM, du Conseil Général, du Conseil Régional…Chacun retient son souffle jusqu’au lendemain des régionales. C’est pas la trêve des confiseurs, c’est la trêve des procureurs… Les rumeurs les plus folles courent à Marseille, sur de possibles et spectaculaires gardes à vue au lendemain du deuxième tour. Info ? intox ? de toute façon personne ne sait, mais cela alourdit un peu plus le climat.
Et puis quand on voit les images de ce matin sur les piquets de grève d’ISS, on comprend vite que tout ça est en train de se transformer en une inacceptable chasse à l’homme. On ne sait pas ce que va faire Eugène Caselli, mais il est temps que tout cela s’arrête. Ces poubelles sentent de plus en plus mauvais.

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