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Point.fr - Publié le 03/08/2012 à 00:00 - Modifié le 03/08/2012 à 12:54
Il ne trouve ni caravelle ni marins pour l'accompagner. Heureusement, un armateur d'origine berbère de Palos se jette à l'eau.
À Palos (aujourd'hui, Huelva), l'amiral n'est pas
accueilli à bras ouverts par ces habitants qui ne comprennent pas pourquoi le
roi leur demande d'aider ce rital fêlé de la cafetière qui cherche l'Inde à l'ouest. C'est aussi idiot que de
chercher le bureau de Ségolène à l'Assemblée nationale. En effet, l'arrêté
royal signé par les deux souverains espagnols demande à Palos de lui faciliter
la tâche : "Il est enjoint à la municipalité du port de Palos de procurer à
l'amiral Colomb deux caravelles, de les mettre en état et de les armer." Inutile
de dire que la ville ne se décarcasse pas pour donner ses plus beaux navires à
Colomb. Celui-ci se retrouve avec deux vieilles caravelles à peine en état de
naviguer. Quant à trouver des volontaires pour embarquer, c'est mission
impossible. Colomb a beau dresser sur le quai une table couverte de pièces d'or
et promettre un salaire plus élevé que le minimum syndical, aucun marin ne se
présente. Suivre cet Italien vers l'ouest serait un suicide. Autant se flinguer
immédiatement. Patientant des journées entières derrière sa table, l'amiral a
une pensée émue pour Bayrou.
Un an de vivres
Miracle, un beau jour, Colomb reçoit la visite de Martín Alonso Pinzón, le chef de la principale famille d'armateurs de Palos, d'origine berbère. L'homme a bien réfléchi, il se dit que, si Colomb a raison en cherchant les Indes à l'ouest, c'est la fortune assurée. Il décide de tenter le coup en lui proposant une association. Dès lors, c'est du gâteau, Pinzón fournit deux caravelles de belle allure à la place des deux épaves fournies par la cité et convainc un capitaine basque, Juan de la Cosa, de participer à l'expédition avec son navire, la Santa-María, déjà armé d'un équipage. Dès lors, les marins de Palos se précipitent pour se faire enrôler.Colomb prend le commandement de la Santa-María (Juan de la Cosa est son second), qui est la plus grande des trois nefs avec 35 mètres de long sur 8 de large. Il ne s'agit pas d'une caravelle, mais d'une caraque, un navire plus robuste, mais moins rapide. Elle jauge 233 tonneaux et emporte 39 hommes d'équipage. Vicente Yañèz Pinzón commande la Niña, d'une dimension plus modeste et aux voiles latines (triangulaires) : 21,44 sur 6,44 m, 105 tonneaux et 20 hommes d'équipage. Enfin, son frère Martín Alonzo Pinzón dirige la Pinta : 15 et 23 mètres de long sur 6 mètres de large, 110 tonneaux et 20 hommes. Aux marins, il faut ajouter les officiers, un notaire, un interprète, un contrôleur royal, un médecin, un archiviste, un officier de justice en chef et des familiers de Colomb. Au total, 87 hommes prêts à affronter l'inconnu. Colomb embarque un an de vivres basés sur une ration quotidienne d'une livre de biscuit et de 300 grammes de viande boucanée ou de poisson séché. Il prévoit encore des légumes secs, du fromage, de l'huile, du vinaigre et des oignons réputés combattre le scorbut. Pour boire, il embarque deux litres de vin par jour et par homme, et environ un demi-litre d'eau par repas.
"Au nom de Dieu, larguez !"
Le vendredi 3 août à l'aube, tous les habitants de
Palos sont rassemblés sur le port pour assister au départ des trois caravelles
ancrées au-delà de la barre de sable. L'atmosphère est recueillie, chaque
habitant de la cité possède un père, un époux, un proche à bord des trois
navires. Et chacun sait que beaucoup de marins ne reviendront jamais. La veille,
c'était la fête de la Vierge des miracles, tous les villageois et les marins se
sont retrouvés dans l'église pour prier à voix haute. Sur le quai, ils
continuent de prier dans un bourdonnement incessant. Aux premiers rayons de
soleil jaillissant de l'horizon, l'amiral s'écrie avec émotion : "Au nom de
Dieu, larguez !" À bord des caravelles, les officiers crient les instructions.
Les voiles blanches sont hissées. Les femmes lancent leurs dernières
recommandations à leurs maris, leurs fils, leurs frères. "Surtout,
rapportez-nous des iPad de Singapour, ils y sont moins chers !" Les trois
navires s'éloignent pendant que les marins chantent le Salve Regina.
Christophe Colomb, très ému, se tient sur le château arrière de la
Santa-María, dans son costume d'amiral doublé de fourrure grenat. Cap sur
les îles Canaries pour chercher les alizés soufflant vers l'ouest. Pour
naviguer, le capitaine italien, qui ne fait pas confiance au GPS, dispose d'un
compas, qui est une boussole dotée d'une rose des vents graduée. La vitesse du
navire est mesurée avec la méthode du loch. Les marins jettent à l'eau une
planche suffisamment lestée pour qu'elle reste sur place et reliée au navire par
une ligne dotée de noeuds régulièrement espacés. Il suffit de compter le nombre
de noeuds défilant durant l'écoulement d'un sablier de 30 secondes pour
connaître la vitesse. Les noeuds sont espacés de telle façon que chacun d'entre
eux correspond à un mille par heure. Le marin qui compte 5 noeuds durant 30
secondes sait ainsi que le navire file à 5 milles par heure. La latitude
(c'est-à-dire la position entre les pôles et l'équateur) se calcule grâce à la
hauteur du Soleil sur l'horizon, à midi. En revanche, la longitude (position
est-ouest) est impossible à connaître, faute, à l'époque, de montre précise.Le lundi 6 août, première avarie sérieuse : le gouvernail de la Pinta se détache. Heureusement, le temps est beau, ce qui permet de réparer immédiatement. Il casse de nouveau le lendemain. Les trois navires parviennent néanmoins à rallier les Canaries. La Pinta se rend dans la Grande Canarie pour réparer. On en profite pour changer le gréement à voiles de la Niña pour un autre à voiles rectangulaires, plus rapides. Les deux frères Pinzón proposent à Colomb de faire escale à La Gomera, île gouvernée par leurs cousins les Gomeros, où ils sont accueillis le 11 août par Doña Beatriz de Bobadilla (ou de Bouabdallah). Les trois caravelles sont chargées de fruits et d'animaux vivants. Quelques volontaires dans la famille des Gomeros se joignent à l'expédition. Le 6 septembre, voilà l'escadre de l'amiral Colomb qui effectue le véritable départ pour l'inconnu. Cap à l'ouest, le long du 28e parallèle. Sur le pont de la Santa-María, un individu au strabisme prononcé entame le célèbre hymne des marins : "L'Amérique, l'Amérique, je veux l'avoir, je l'aurai..." Le 12 octobre, après deux mutineries et cinq semaines de navigation, Colomb et ses hommes découvrent les Bahamas. Le début des emmerdes...
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