Nominations au Quai d’Orsay : le Conseil d’État solde les “années Sarkozy”
Les magistrats du Palais-Royal ont annulé les nominations de deux ambassadeurs proches de Nicolas Sarkozy. La CFDT du ministère estimait que les nominations de ces anciens conseillers de l’ex-Président, Bertrand Lortholary (photo) et Damien Loras, décidées au premier semestre 2012, contrevenaient aux règles statutaires du Quai d’Orsay.
La CFDT du ministère des Affaires étrangères vient de remporter une importante victoire juridique. Le principal syndicat du Quai d’Orsay, qui contestait devant le Conseil d’État les nominations par Nicolas Sarkozy de deux de ses conseillers à l’Élysée à des postes d’ambassadeurs – Bertrand Lortholary (en Indonésie) et Damien Loras (en Thaïlande) – a obtenu l’annulation des décrets de nomination (cliquez ici pour télécharger la décision) des deux diplomates âgés respectivement de 43 et 42 ans.
Suivant les conclusions du rapporteur public, les magistrats du Palais-Royal ont estimé que ces deux énarques – issus de la même promotion, Marc Bloch (1997) – ne remplissaient pas l’une des conditions légales pour obtenir le poste d’ambassadeur : avoir exercé des “responsabilités d’encadrement”. Le Conseil d’État a notamment estimé qu’un poste de conseiller à l’Élysée ou en cabinet ministériel, même s’il“comporte des fonctions d’animation et de coordination de différentes administrations de l’Etat, ne peut être regardé comme ayant exercé des responsabilités d’encadrement”.
Absence d’expérience dans l’encadrement
C’était justement le grief soulevé par la CFDT, qui se référait à un décret datant de 1969 mais que l’administration de Bernard Kouchner a remanié en 2009. La révision du décret de 2009 avait une ambition : rajeunir le vivier des ambassadeurs en permettant à tous les conseillers des affaires étrangères – le corps des cadres du Quai d’Orsay – de prétendre à ce type de poste. Jusqu’en 2009, ces postes n’étaient ouverts qu’aux conseillers hors classe (les plus “capés” du corps des conseillers des affaires étrangères) et aux diplomates ayant le rang supérieur de ministre plénipotentiaire ou d’ambassadeur de France. Lors de la négociation sur ce texte, la CFDT avait obtenu l’institution de deux garde-fous afin d’éviter que des futurs chefs de poste trop peu expérimentés ne soient nommés : justifier de trois ans à l’étranger et avoir exercé des responsabilités dans l’encadrement. Dans sa décision, le Conseil d’État a estimé qu’il résulte de ces dispositions que, pour apprécier l’aptitude d’un conseiller des affaires étrangères à occuper un emploi de chef de mission diplomatique, l’autorité de nomination doit vérifier que l’intéressé a préalablement exercé des responsabilités d’encadrement impliquant l’exercice de fonctions de direction, d’organisation et de gestion de services ou de parties de service.
Or, en l’espèce, si les deux intéressés, qui étaient conseillers des affaires étrangères et non ministres plénipotentiaires, avaient occupé de hautes responsabilités fonctionnelles, notamment en tant que conseillers à la présidence de la République, ils n’avaient exercé au cours de leur carrière aucune fonction leur conférant une autorité hiérarchique sur un service ou sur un ensemble de services et leur expérience en matière d’animation et de coordination du travail d’agents ou de différentes administrations ne permettait pas de les regarder comme ayant exercé des responsabilités d’encadrement susceptibles d’être prises en compte pour l’application du décret du 6 mars 1969.
Rapport de force
Derrière ces considérations d’ordre statutaire, c’est bien un rapport de force entre le pouvoir politique et une “institution” du quai d’Orsay – le principal syndicat – qu’a arbitré malgré lui le Conseil d’État, nombre de diplomates estimant qu’un passage en cabinet ministériel – fût-ce à l’Élysée, le “must” – ne pouvait expliquer un tel tremplin. Réputés brillants, les deux intéressés n’ont pas occupé, en quinze ans de carrière, de poste d’encadrement (sous-directeur, consul, consul général, etc.). Bertrand Lortholary et Damien Loras ont en effet consacré les dernières années de leur parcours aux cabinets ministériels (quatre ans pour le premier, six ans pour le second). Or ce sont précisément ces années au cours desquelles l’expérience dans l’encadrement aurait pu être acquise. Un choix de carrière qui s’est retourné contre eux.
Avec l’annulation de ces deux nominations, le gouvernement français va devoir nommer deux nouveaux ambassadeurs. Et surtout rappeler Bertrand Lortholary, nommé en février et qui a déjà pris ses fonctions à Jakarta… Damien Loras, lui, nommé la veille du second tour de la présidentielle, n’aura pas besoin d’être rappelé. Le nouveau pouvoir socialiste lui a en effet demandé d’attendre la décision de la justice avant de s’envoler pour Bangkok… Damien Loras, qui visait initialement l’ambassade de France au Brésil, s’était par ailleurs vu proposer plusieurs consulats généraux importants ainsi qu’un poste de haut niveau dans l’administration centrale du Quai d’Orsay, mais il tenait absolument à être ambassadeur…
Pierre Laberrondo
Suivant les conclusions du rapporteur public, les magistrats du Palais-Royal ont estimé que ces deux énarques – issus de la même promotion, Marc Bloch (1997) – ne remplissaient pas l’une des conditions légales pour obtenir le poste d’ambassadeur : avoir exercé des “responsabilités d’encadrement”. Le Conseil d’État a notamment estimé qu’un poste de conseiller à l’Élysée ou en cabinet ministériel, même s’il“comporte des fonctions d’animation et de coordination de différentes administrations de l’Etat, ne peut être regardé comme ayant exercé des responsabilités d’encadrement”.
Absence d’expérience dans l’encadrement
C’était justement le grief soulevé par la CFDT, qui se référait à un décret datant de 1969 mais que l’administration de Bernard Kouchner a remanié en 2009. La révision du décret de 2009 avait une ambition : rajeunir le vivier des ambassadeurs en permettant à tous les conseillers des affaires étrangères – le corps des cadres du Quai d’Orsay – de prétendre à ce type de poste. Jusqu’en 2009, ces postes n’étaient ouverts qu’aux conseillers hors classe (les plus “capés” du corps des conseillers des affaires étrangères) et aux diplomates ayant le rang supérieur de ministre plénipotentiaire ou d’ambassadeur de France. Lors de la négociation sur ce texte, la CFDT avait obtenu l’institution de deux garde-fous afin d’éviter que des futurs chefs de poste trop peu expérimentés ne soient nommés : justifier de trois ans à l’étranger et avoir exercé des responsabilités dans l’encadrement. Dans sa décision, le Conseil d’État a estimé qu’il résulte de ces dispositions que, pour apprécier l’aptitude d’un conseiller des affaires étrangères à occuper un emploi de chef de mission diplomatique, l’autorité de nomination doit vérifier que l’intéressé a préalablement exercé des responsabilités d’encadrement impliquant l’exercice de fonctions de direction, d’organisation et de gestion de services ou de parties de service.
Or, en l’espèce, si les deux intéressés, qui étaient conseillers des affaires étrangères et non ministres plénipotentiaires, avaient occupé de hautes responsabilités fonctionnelles, notamment en tant que conseillers à la présidence de la République, ils n’avaient exercé au cours de leur carrière aucune fonction leur conférant une autorité hiérarchique sur un service ou sur un ensemble de services et leur expérience en matière d’animation et de coordination du travail d’agents ou de différentes administrations ne permettait pas de les regarder comme ayant exercé des responsabilités d’encadrement susceptibles d’être prises en compte pour l’application du décret du 6 mars 1969.
Rapport de force
Derrière ces considérations d’ordre statutaire, c’est bien un rapport de force entre le pouvoir politique et une “institution” du quai d’Orsay – le principal syndicat – qu’a arbitré malgré lui le Conseil d’État, nombre de diplomates estimant qu’un passage en cabinet ministériel – fût-ce à l’Élysée, le “must” – ne pouvait expliquer un tel tremplin. Réputés brillants, les deux intéressés n’ont pas occupé, en quinze ans de carrière, de poste d’encadrement (sous-directeur, consul, consul général, etc.). Bertrand Lortholary et Damien Loras ont en effet consacré les dernières années de leur parcours aux cabinets ministériels (quatre ans pour le premier, six ans pour le second). Or ce sont précisément ces années au cours desquelles l’expérience dans l’encadrement aurait pu être acquise. Un choix de carrière qui s’est retourné contre eux.
Avec l’annulation de ces deux nominations, le gouvernement français va devoir nommer deux nouveaux ambassadeurs. Et surtout rappeler Bertrand Lortholary, nommé en février et qui a déjà pris ses fonctions à Jakarta… Damien Loras, lui, nommé la veille du second tour de la présidentielle, n’aura pas besoin d’être rappelé. Le nouveau pouvoir socialiste lui a en effet demandé d’attendre la décision de la justice avant de s’envoler pour Bangkok… Damien Loras, qui visait initialement l’ambassade de France au Brésil, s’était par ailleurs vu proposer plusieurs consulats généraux importants ainsi qu’un poste de haut niveau dans l’administration centrale du Quai d’Orsay, mais il tenait absolument à être ambassadeur…
Pierre Laberrondo
Deux parcours prochesÀ leur sortie de la promotion Marc Bloch de l’ENA, en 1997, Bertrand Lortholary et Damien Loras ont choisi le Quai d’Orsay. Après avoir fait leurs premières armes dans les services administratifs du ministère à Paris, tous deux sont affectés pour la première fois en ambassade en 2002, aux États-Unis. Bertrand Lortholary part comme premier secrétaire à Washington. Parallèlement, Damien Loras est envoyé à New York, où il officie comme premier secrétaire à la représentation permanente de la France auprès de l’Organisation des Nations unies. Il y reste quatre ans avant de rentrer en France et d’intégrer en 2006 l’équipe de Philippe Douste-Blazy au Quai d’Orsay puis, l’année suivante, la présidence de la République, après l’élection de Nicolas Sarkozy. Entre-temps, Bertrand Lortholary a quant à lui quitté les États-Unis pour la Chine, où il officie à partir de 2005 comme deuxième conseiller à l’ambassade de France à Pékin. Ce licencié en chinois avait ensuite rejoint l’Élysée, en avril 2008.
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