mardi 31 août 2010

Frais d’inscription : des étudiants témoignent contre l’IAE d’Aix-en-Provence

Frais d’inscription : des étudiants témoignent contre l’IAE d’Aix-en-Provence


Manifestation à Nantes Photo : Flickr/Manuel MC
Epinglée la semaine dernière par l’Unef dans son dossier sur les frais d’inscription pour des « pratiques en marge de la légalité« , l’université Paul Cézanne avait décidé de botter en touche. Première méthode : faire diversion. Ainsi, elle rappelait dans un communiqué que « son Conseil d’administration du 20 juin 2008 a entériné la décision de supprimer tous les frais pour prestations complémentaires ». En oubliant de préciser que le fait que le tribunal administratif de Marseille l’avait désavouée en 2007 sur ce sujet n’y était peut-être pas pour rien. Et surtout que ce n’est pas sur des « prestations complémentaires » que l’Unef la visait.
Pressions
Pour le syndicat étudiant, le problème est justement que l’Institut d’administration des entreprises (IAE) d’Aix-en-Provence a remplacé le système des frais complémentaires en créant des diplômes universitaires (DU), dont les frais d’inscription sont libres, contrairement aux masters. Montant fixé : de 3700€ à 5990€. Des DU en théorie facultatifs qui selon l’Unef, « s’avèrent en réalité obligatoires dans les faits : refus d’inscrire des étudiants qui ne comptent pas payer le DU, pressions morales, menaces… » Au téléphone, le service communication d’Aix-Marseille III sort alors la deuxième méthode : le démenti. Les étudiants subiraient des pressions ? C’est l’Unef qui le dit, on n’a pas connaissance de cela, circulez y’a rien à voir.
Pas très satisfait par cette réponse, nous avons rencontré un ancien étudiant, qui a suivi un master à l’IAE entre 2007 et 2009. Désormais à la tête d’une start-up, il préfère cependant garder l’anonymat. « Je ne sais pas quelles sont les répercussions que cela pourrait avoir, je préfère calmer le jeu. J’ai beaucoup d’amis qui pensent que critiquer l’IAE c’est détruire la valeur du diplôme« , justifie-t-il.
Processus de culpabilisation
Il décrit un processus « travaillé pour faire culpabiliser l’étudiant, avec des piques pour qu’il se sente différent. Tout cela parce qu’il refuse de s’incrire dans un DU dont ceux qui étaient là l’année d’avant savaient très bien qu’il était vide et servait simplement à camoufler les frais complémentaires. » Dans le dossier d’inscription à renvoyer, il indique si on le choisit. « Cela peut déjà être un critère de sélection pour les entretiens.
« Ensuite vous avez droit à une plaidoirie du directeur du master qui explique les avantages du DU, puis en entretien individuel on vous pose la question « vous prenez le DU ou pas » Et en master 1, ou vous explique qu’il ne faut pas oublier pas qu’en master 2 il y a une nouvelle selection et que si l’on veut rester à l’IAE… Ils ne le disent pas ouvertement, mais au final il y a une pression. »
Exclu d’une mailing-list
Ce témoignage est confirmé par une demande de remboursement envoyée à la ministre de l’Enseignement supérieur Valérie Pécresse par un étudiant rentré en master 1 en 2009, et publiée par l’Unef. « Même si ce DAM (diplôme universitaire d’aptitudes managériales, ndlr) m’a été présenté comme facultatif, la pression que j’ai ressenti pendant cet entretien m’a incité à accepter dans un premier temps ce complément. J’ai craint de voir ma candidature rejetée en cas de refus », assure-t-il.
Autre grief : la présence au sein du DU de prestations que l’on pourrait considérer comme partie prenante du master. En 2007, c’était la bibliothèque qui était soumise au paiement des frais complémentaires, aujourd’hui, c’est l’accès à une mailing-list de responsables de stages dans des entreprises. Stage qui font pourtant partie du cursus du master, note notre contact.
« Vous êtes des parasites »
Un autre document, relatant une conversation entre un directeur de master et des étudiants est encore plus troublant : lorsqu’ils lui confirment qu’ils ne souhaitent pas prendre le DU, il les interroge : « alors pourquoi êtes-vous venus ici alors ? Vous êtes des parasites dans cette école« . En ajoutant plus loin : « je pourrais dire aux entreprises que vous êtes des fumistes« . Réponse de l’université ? Tout le monde est en vacances et de toute manière elle ne souhaite pas cette année commenter ce « marronier de l’Unef« .
Dommage, car dans l’histoire, l’IAE n’est qu’un symptôme d’un problème connu : sans petit coup de pouce, impossible de se mettre au niveau des HEC et compagnie. L’enregistrement audio d’une réunion à l’IAE à la rentrée 2008 avec profs et étudiants que l’Unef nous a fait parvenir le montre d’ailleurs : les responsables expliquent bien que le DU est facultatif mais que s’y inscrire est vital pour boucler le budget et pouvoir assurer la qualité d’enseignement qu’il attendent de l’école qu’ils ont choisie. Reste que pour l’étudiant que nous avons rencontré, cela conduit l’université à « oublier sa mission première, qui est d’offrir une formation de qualité école de commerce au public« .
Actualisation :
Pour le Mouvement des étudiants (Mét, ex-UNI), « le constat selon lequel plus d’un quart de nos Universités (26/80) pratiquent les frais illégaux pointe avant tout l’insuffisance des fonds publics dans le financement des études supérieures. » En particulier, « certaines universités ne peuvent se satisfaire d’un montant de frais d’inscriptions équivalent à toutes les universités pour pouvoir proposer à leurs étudiants une formation locale d’excellence, compétitive sur le plan national et international. »
En contrepartie, ce syndicat, classé à droite, appelle à « la création de fonds d’aides à l’accès aux diplômes« , au sein même des organismes de formation. Tout en précisant que « la hausse des frais d’inscriptions n’est pas la solution unique » : les universités doivent »faire usage des moyens dont elles sont nouvellement dotées depuis la loi LRU, notamment, la création de fondations universitaires ou l’autonomie de gestion en matière de ressources humaines« , estime-t-il. Aix-Marseille III a d’ailleurs lancé sa fondation le 2 juillet.


Julien VINCENT

Marsactu

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