mercredi 2 avril 2014

Travail de nuit : Le Code du travail conforme à la Constitution



PUBLIÉ LE 09/04/2014 À 11H58par Service juridique - CFDT
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Le Conseil constitutionnel valide la loi française sur le travail de nuit au regard des principes constitutionnels : l'ouverture des magasins après 21 heures doit rester exceptionnelle et justifiée et doit faire l'objet d'un accord collectif prévoyant des contreparties. Par cette décision, ce sont donc à la fois la santé et les conditions de vie des travailleurs qui sont réaffirmées, ainsi que la force de la négociation collective dans ce domaine. C. Const. 04.04.14, n° 2014-373 QPC
Sephora a joué sa (dernière?) carte pour tenter de déréglementer le travail de nuit: invoquer l’inconstitutionnalité de la loi française. Elle a perdu devant le Conseil constitutionnel. Les sages ont estimé que le fait de réserver le travail de nuit à des cas exceptionnels, justifiés, et de l'encadrer par un accord collectif (comme celui signé par la CFDT chez Monoprix) n’était pas attentatoire à la liberté d’entreprendre.  
  • Suites de la saga judiciaire
Depuis près de 20 ans, l’enseigne Sephora des Champs Elysée s’est arrogée le droit d’ouvrir jusqu’à minuit (parfois 2 heures du matin) hors du cadre fixé par le Code du travail (Article L3122-32 et suivants). Suite à un recours conjoint de plusieurs organisations syndicales, la Cour d’appel de Paris a ordonné sous astreinte à la société Sephora de cesser d’employer des salariés entre 21 heures et 6 heures dans son établissement des Champs-Élysées (Lire dans Le fil d’actu : Sephora condamnée à respecter la Loi).
Sephora a formé un pourvoi contre cette décision devant la Cour de cassation, invoquant l’inconstitutionnalité des articles du Code du travail encadrant le travail de nuit.  
Pour mémoire le Code du travail prévoit que :
 - Le travail de nuit doit rester exceptionnel et justifié par la nécessité d'assurer la continuité de l'activité économique ou des services d'utilité sociale.
- Il prend en compte les impératifs de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs [1].
La mise en place du travail de nuit est subordonnée à la conclusion d'un accord (de branche, d'entreprise ou d'établissement), détaillant la justification du recours au travail de nuit, et précisant les contreparties accordées au salarié .[2]
- Si aucun accord n’est trouvé, l’affectation de travailleurs à des postes de nuit peut être autorisée par l’inspection du travail.[3]
Pour le parfumeur, ce cadre imposé par le Code du travail est incompatible, notamment, avec la liberté d’entreprendre,  qui a valeur constitutionnelle et découle de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
Sephora a également soulevé l’argument  de « l’incompétence négative », selon lequel c’était au législateur, et non à la négociation collective, qu’il revenait de fixer le cadre du recours au travail de nuit dans l'entreprise.
La Cour de cassation (à la différence de la Cour d’appel de Paris) a jugé ces questions prioritaires de constitutionnalité "nouvelles et sérieuses". Par un arrêt du 8 janvier 2014, la Haute Cour a donc soumis l’ensemble de ces QPC à l’examen du Conseil constitutionnel.
  • Sur l’incompétence négative
Selon Sephora, le législateur devait lui-même fixer le cadre du recours au travail de nuit. En renvoyant à la négociation collective (ou à défaut à l’inspecteur du travail) il aurait méconnu son propre domaine de compétence (fixé par l’article 34 de la Constitution); c’est cette incompétence négative qui affecterait la validité de la loi.
Sans surprise, puisqu'il en juge ainsi depuis 1989, le Conseil constitutionnel a rejeté cet argument et a reconnu que le législateur pouvait tout à fait renvoyer à la négociation collective (ou à l’administration du travail) le soin de fixer les conditions du recours au travail de nuit au sein d’une entreprise ou d’un établissement (justification, contreparties, etc.).
  • Sur l’atteinte à la liberté d’entreprendre
Pour Sephora, l'obligation pour les employeurs de "justifier" de la nécessité d’une continuité dans leur activité , ou de services d’utilité sociale, pour recourir au travail de nuit méconnaît la libertéd’entreprendre.
Sauf que le Conseil constitutionnel reconnaît, de manière stable et constante, que la liberté d’entreprendre peut être limitée quand d’autres exigences constitutionnelles sont en jeu, ou quand il est porté atteinte à l’intérêt général.
En l’occurrence, les Sages ont vu (au moins) deux exigences constitutionnelles qui pouvaient fonder la limitation du recours au travail de nuit :
- l’« impératif de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs » (11e  alinéa du Préambule de 1946) ;
- l’exigence d’assurer à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement (10e alinéa du Préambule de 1946).
 A noter que c’est également ce dernier argument qui avait été retenu par le Conseil constitutionnel pour justifier, en 2009 les limites au travail dominical[4].
[1] Article L.3122-2 c.trav.
[2] Article L3122-33 c.trav.
[3] Article L.3122-36 c.trav.
[4] Décision n° 2009-588 DC du 6 août 2009, Loi réaffirmant le principe du repos dominical.

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