samedi 26 avril 2014

Le Conseil d’État a récemment tranché quelques questions épineuses sur la prise en charge des maladies professionnelles. Administrations et agents en savent désormais plus sur les causes des maladies qui influent sur leur imputabilité

Les maladies professionnelles plus aisément prises en compte

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Le Conseil d’État a récemment tranché quelques questions épineuses sur la prise en charge des maladies professionnelles. Administrations et agents en savent désormais plus sur les causes des maladies qui influent sur leur imputabilité.
La reconnaissance de la maladie professionnelle génère de nombreux contentieux, compte tenu des obligations de protection importantes qui pèsent sur les personnes publiques. Des questions demeuraient sans réponse, parmi lesquelles, celle de savoir si la maladie doit être exclusivement en lien direct avec un accident survenu dans l’exercice ou à l’occasion des fonctions de l’agent pour que ce dernier puisse bénéficier de la législation sur les accidents de service issue du 2° de l’article 57 de la loi du 26 janvier 1984.
Cette question a été tranchée par le Conseil d’État (1) pour la fonction hospitalière. Mais, compte tenu d’une rédaction identique des textes, la solution jurisprudentielle est transposable à la fonction publique territoriale. La réponse a une portée pratique importante car de plus en plus souvent l’état de santé des agents est affecté par plusieurs causes.

Le lien avec le service n’a pas à être exclusif
Le fondement juridique est tiré du deuxième alinéa du 2° de l’article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : « […] si la maladie provient […] d’un accident survenu dans l’exercice ou à l’occasion de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l’intégralité de son traitement jusqu’à ce qu’il soit en état de reprendre son service ou jusqu’à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l’accident ».
L’existence d’un lien même partiel ouvre doit au bénéfice de la législation sur les accidents de service.
L’interprétation jurisprudentielle est la suivante : le droit, prévu par les dispositions précitées de l’article 57, de conserver l’intégralité du traitement est soumis à la condition que la maladie mettant l’intéressé dans l’impossibilité d’accomplir son service soit en lien direct, mais non nécessairement exclusif, avec un accident survenu dans l’exercice ou à l’occasion de ses fonctions. L’existence d’un lien même partiel ouvre doit au bénéfice de la législation sur les accidents de service.

Les conséquences pratiques
Une décision d’imputabilité au service doit être prise :
- l’agent a droit à son entier traitement jusqu’à la reprise du service ou jusqu’à la mise à la retraite (alors qu’il n’a droit qu’à trois mois à plein traitement et trois à demi-traitement en l’absence d’imputabilité au service). Ce droit à plein traitement semble exister même si la maladie professionnelle n’est pas la cause unique de l’absence de service de l’agent. L’administration ne peut pas valablement opposer que l’absence de l’agent est également due à une maladie sans lien avec le service ;
- l’agent a droit au remboursement des honoraires médicaux et de tous les frais directement liés à la maladie. La collectivité ne peut pas opérer une réduction des remboursements au motif que le lien avec le service n’est pas exclusif. En revanche, les autres maladies étrangères au service dont pourrait souffrir l’agent ne sont pas prises en charge quelle que soit leur date d’apparition.
En cas d’incapacité définitive de remplir les fonctions résultant de la maladie ayant un lien direct avec le service, l’agent peut obtenir le bénéfice d’une pension d’invalidité.
 La dépression réactionnelle causée par un accident de service et sa mauvaise prise en charge dans le quotidien professionnel est une maladie professionnelle.
Les conséquences indemnitaires
L’article 57 a ses limites : le préjudice moral, la perte de chance dans l’évolution de sa carrière, les souffrances physiques, les troubles dans les conditions d’existence etc. ne sont pas réparés par le bénéfice du plein traitement ou d’une pension d’invalidité. L’agent dispose de deux fondements pour en obtenir réparation :
la responsabilité sans faute fondée sur le risque professionnel  : le fonctionnaire victime, du fait de la maladie, des souffrances physiques ou morales et des préjudices esthétiques ou d’agrément, peut obtenir de la collectivité employeur, même en l’absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, distincts de l’atteinte à l’intégrité physique (2) ;
la responsabilité pour faute prouvée : l’agent peut obtenir une réparation intégrale s’il prouve une faute de l’administration, laquelle peut résulter de l’exposition à des matières dangereuses, de conditions de travail constitutives de harcèlement moral…
Ces deux dernières actions en responsabilité peuvent être engagées même en cas d’octroi d’une allocation temporaire d’invalidité qui compte tenu des conditions posées à son octroi et de son mode de calcul, doit être regardée comme ayant pour objet de réparer seulement les pertes de revenus et l’incidence professionnelle résultant de l’incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle.

CE QU’IL FAUT SAVOIR
1. Imputabilité au service
- Si la maladie figure au tableau des maladies professionnelles L.461.1 du Code de la Sécurité sociale, présomption d’imputabilité (3).
- Si elle n’y figure pas, l’agent devra alors rapporter la preuve du lien de causalité entre l’affection dont il souffre et l’exercice de ses fonctions (4).
Les règles sont les mêmes pour l’imputabilité partielle.
2. État préexistant
Cet état ne doit pas être ignoré. Il appartient à l’administration d’établir que l’affection et ses conséquences sont exclusivement dues à l’état antérieur pour pouvoir refuser la prise en charge comme maladie professionnelle (5).
Une affection anxio-dépressive réactionnelle est imputable au service en l’absence d’antécédent antérieur (6).
3. Dépression, maladie professionnelle
La dépression réactionnelle causée par un accident de service et sa mauvaise prise en charge dans le quotidien professionnel est une maladie professionnelle.
La dépression et les autres pathologies résultant d’un harcèlement moral peuvent aussi être qualifiées de maladies professionnelles.
L’affectation pendant plus de deux ans à un poste de travail ne correspondant pas au grade de l’agent sur un poste fictif et l’isolant de tout contact professionnel avec les agents ou les usagers, est en relation directe, certaine et déterminante avec la pathologie aiguë dont a été victime l’intéressé (7).
4. Autres pathologies résultant du harcèlement moral
Sont qualifiées de maladies professionnelles ou d’accidents de service, en outre de la dépression, les pathologies résultant du harcèlement moral telles la tentative de suicide ou le suicide, la rupture d’anévrisme, le malaise cardiaque de l’agent du fait du stress qu’il subit dans ce contexte de harcèlement moral mais aussi tout autre accident physique résultant de la situation de harcèlement (8).
5. État des connaissances scientifiques
Pour apprécier si une maladie est imputable au service, le juge de l’excès de pouvoir, saisi de conclusions tendant à l’annulation de la décision par laquelle l’autorité administrative a placé un agent en congé de maladie ordinaire et a refusé de le placer en congé de longue maladie à plein traitement au motif que sa maladie n’était pas imputable au service, doit prendre en compte le dernier état des connaissances scientifiques, lesquelles peuvent révéler la probabilité d’un lien entre une affection et le service et ce, alors même qu’à la date à laquelle l’autorité administrative a pris sa décision, l’état de ces connaissances excluait une telle possibilité (9).
 

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