jeudi 2 février 2017

Travail de nuit : « Dans les fonctions publiques d’Etat et territoriale, le travail de nuit est encadré par l’article 3 du décret n° 2000-815 en transposition de la directive européenne 2003-88/CE.Si le code du travail reprend l’essentiel des prescriptions de cette directive, ce n’est pas le cas de ce décret. Il ne fait pas de différence entre la durée quotidienne maximale du travail de jour et celle de nuit. Alors que dans le texte européen, la durée du travail de nuit ne peut excéder huit heures en moyenne sur une période de référence. Afin d’atténuer les effets nocifs du travail nocturne pour les fonctionnaires territoriaux, il faudrait d’abord s’aligner sur le droit européen ! » Focus

Travail de nuit : nuit gravement à la santé !

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© Service communication/Ville de Grasse
Reconnu comme l’un des dix critères de pénibilité, le travail de nuit concerne 12,5 % des agents. Dans un rapport, l’Anses pointe ses effets délétères sur la santé et donne des solutions pour en atténuer l’impact.
Le travail de nuit… nuit gravement à la santé ! C’est la conclusion inquiétante de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) dans un rapport de juin 2016. Les risques de développer des problèmes de sommeil sont « avérés » et il existe des risques « probables » de cancer - du sein en particulier -, d’obésité, de diabète de type 2, de maladies cardiovasculaires, de troubles psychiques et d’altération des performances cognitives. Les perturbations du sommeil mais aussi de l’horloge interne, qui contrôle l’ensemble des fonctions biologiques, expliquent en partie ces effets délétères sur la santé.

Effets nocifs amplificateurs

De nombreux facteurs amplifient ces effets nocifs. Les conditions de travail des salariés en horaires de nuit se révèlent plus difficiles que pour les autres : pénibilité physique importante, pression temporelle forte ou tensions fréquentes avec leurs collègues ou le public, selon les experts de l’Anses.
Pas moins de 12,5 % des territoriaux travaillent de nuit : policiers municipaux, sapeurs-pompiers, professionnels de santé exerçant en structures pour personnes âgées, rippers, égoutiers, etc. Le travail de nuit comporte au moins la période comprise entre 22 heures et 5 heures ou toute période de sept heures consécutives entre 22 heures et 7 heures.
« Dans les fonctions publiques d’Etat et territoriale, le travail de nuit est encadré par l’article 3 du décret n° 2000-815 en transposition de la directive européenne 2003-88/CE, détaille Jacky Cariou, vice-président de la Fédération autonome des sapeurs-pompiers professionnels et des personnels administratifs et techniques spécialisés. Si le code du travail reprend l’essentiel des prescriptions de cette directive, ce n’est pas le cas de ce décret. Il ne fait pas de différence entre la durée quotidienne maximale du travail de jour et celle de nuit. Alors que dans le texte européen, la durée du travail de nuit ne peut excéder huit heures en moyenne sur une période de référence. Afin d’atténuer les effets nocifs du travail nocturne pour les fonctionnaires territoriaux, il faudrait d’abord s’aligner sur le droit européen ! »
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Surveillance

Le travailleur de nuit bénéficie d’une surveillance médicale renforcée. Le médecin du travail apprécie ainsi les conséquences sur la santé et la sécurité. Cette surveillance débute avant l’affectation du salarié sur un poste de nuit et se poursuit à intervalles réguliers, au maximum tous les six mois.

Facteurs professionnels

Dans le cadre de la réforme des retraites, dix facteurs de pénibilité ont été définis par décret n° 2011-354 du 30 mars 2011. Le travail de nuit en fait partie. Le « compte personnel de prévention de la pénibilité » permet de comptabiliser les périodes d’exposition à un ou plusieurs facteurs de risques. « Mais ce dispositif ne s’applique pas dans la fonction publique, souligne Sylvie Soyer, responsable du service des conditions de travail au centre de gestion [CDG] de la FPT d’Ille-et-Vilaine. Dans la fonction publique, la pénibilité est prise en compte par le classement dans la catégorie active de certains emplois qui présentent un risque particulier ou des fatigues exceptionnelles. » Les sapeurs-pompiers professionnels, les policiers municipaux et les agents des réseaux souterrains des égouts relèvent de cette catégorie. « Il n’est pas prévu de mesure de prévention particulière pour cette catégorie, juste un départ à la retraite anticipée, précise André Guénec, médecin et secrétaire national de la Fédération autonome de la FPT chargé de la santé, de l’hygiène et de la sécurité au travail. Sachant que, pour les agents dont le métier n’entre pas dans la catégorie active, la pénibilité n’est pas prise en compte. » C’est le cas notamment des personnels qui travaillent dans les structures pour personnes âgées, les agents sociaux et les aides-soignants.
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La fiche individuelle d’exposition, une obligation

« Les dix critères de pénibilité définis par voie réglementaire doivent faire l’objet d’un suivi et d’une prévention spécifiques par l’employeur, qu’il soit privé ou public », rappelle Francis Delattre, sénateur (LR) du Val-d’Oise, dans son rapport sur la retraite des agents de catégorie active dans la fonction publique (juillet 2014). Ainsi, pour chaque travailleur - y compris les fonctionnaires -, l’employeur doit consigner dans une fiche individuelle les conditions de pénibilité auxquelles il est exposé, la période d’exposition et les mesures de prévention mises en œuvre. Les conditions habituelles d’exposition sont appréciées, notamment, à partir du document unique. Cette fiche de prévention des expositions est communiquée au service de la santé au travail.

Aménagement du temps de travail

Dès 2012, Isabelle Dufau, médecin de prévention au CDG de la FPT des Côtes-d’Armor, organisait à l’intention de ces agents des réunions d’information sur le travail de nuit et publiait différentes préconisations pour en atténuer les effets. Des recommandations que l’on retrouve dans le rapport de l’Anses. « Je suis une vingtaine de ces agents, expose-t-elle. La très large majorité ont accumulé une dette de sommeil due notamment au fait que dormir le jour n’est pas aussi réparateur. Résultats : ils sont somnolents, irritables, connaissent des problèmes de concentration. Ils présentent souvent des troubles du comportement alimentaire car ils ont du mal à garder le même rythme de repas les jours de travail et de repos. Ils n’ont plus de repères. »
Afin d’amortir l’impact du travail de nuit, des mesures peuvent être prises sur l’ambiance physique du poste (l’environnement sonore, l’éclairage, etc.) mais aussi, et surtout, sur l’aménagement du temps de travail. « L’organisme s’adapte mieux au changement de rythme si la rotation est réalisée dans le sens horaire et sur des cycles courts, deux jours de repos après trois jours de travail, détaille Isabelle Dufau. Les rythmes ont ainsi moins tendance à se désynchroniser et les conséquences sur la santé et le sommeil sont moindres. Toutefois, les agents préfèrent des cycles plus longs de cinq nuits d’affilée, pour ne pas sacrifier leurs week-ends. » Autre aménagement essentiel : donner aux agents une pause d’au moins vingt minutes entre 1 heure et 3 heures du matin pour se restaurer. Et aussi : « Il y a cinq ans, les agents me regardaient avec des yeux ronds et incrédules lorsque je leur conseillais une sieste de quinze à vingt minutes dans un endroit calme, conclut-elle. Aujourd’hui, ils sont nombreux à se l’accorder. »
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Une dizaine d’agents de la ville travaillent la nuit, essentiellement des opérateurs du centre de vidéosurveillance. Ils bénéficient d’une visite médicale avant leur prise de poste. « Je m’assure qu’ils ne souffrent pas de pathologies susceptibles d’être aggravées par le travail nocturne : le diabète, l’hypertension artérielle, la dépression, les troubles du sommeil, souligne Florence Carruel, médecin de prévention de la ville. Je déconseille ces postes aux femmes car elles sont plus vulnérables au travail de nuit notamment parce qu’il augmenterait le risque de cancer du sein. » Ces travailleurs ont droit à une visite médicale tous les six mois. « Je vérifie qu’ils n’ont pas pris de poids, qu’ils ne présentent pas de troubles de l’humeur, qu’ils ont une activité physique. » Deux opérateurs de vidéosurveillance ont dû être affectés à un autre poste, depuis la création du service il y a sept ans, du fait de l’apparition de problèmes de santé.

« Le travail nocturne augmenterait le risque de cancer du sein »

Florence Carruel, médecin de prévention de la ville
[Noisy-le-Grand (Seine-Saint-Denis) 1 800 agents • 64 600 hab.]
Contact : Florence Carruel, médecin de prévention, 01 43 05 92 52

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Des volontaires pour l’équipe de nuit

[Grasse (Alpes-Maritimes) 900 agents • 50 400 hab.]
Trois opérateurs de vidéosurveillance travaillent en permanence dans le nouveau centre de protection urbain (CPU), dont l’effectif total est de 17 agents. Ils ont quitté un local exigu et aveugle pour un vaste espace doté de fenêtres, d’une pièce de repos et d’un espace de détente extérieur sécurisé. « A l’ouverture du CPU, nous avons fonctionné en 3 x 8, explique Charles Nicolas, directeur du service. La première équipe travaillait de 6 h à 14 h, la deuxième de 14 h à 22 h et la troisième de 22 h à 6 h. Chaque opérateur changeait de créneau horaire après trois jours de travail et deux jours de repos. » En 2014, le médecin de prévention a alerté la collectivité sur le rythme de travail des agents et l’incidence sur leur horloge biologique. « La solution idéale était de constituer une équipe travaillant exclusivement la nuit, poursuit Charles Nicolas. Cinq agents se sont portés volontaires. » Tous les agents sont aujourd’hui satisfaits de cette évolution. « Reste un problème de management pour gérer le tuilage entre les équipes. Je suis au poste de 8 h à 18 h. Je vois donc très rarement les équipes de nuit. La solution passe par des consignes écrites claires. » La nuit, le travail des opérateurs est différent. « Leur concentration devant l’écran doit être prise en considération : nous leur accordons une heure de pause pour sept heures passées devant les écrans. »
Contact : Charles Nicolas, directeur du centre de protection urbain, tél : 04 93 40 17 17

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