dimanche 1 juin 2014

Le secrétaire général du syndicat CFDT Laurent Berger demandera la suspension des baisses d’impôts des entreprises si les négociations échouent avec le Medef.

Pacte de responsabilité : la CFDT menace de se retirer

INTERVIEW - Le secrétaire général du syndicat CFDT Laurent Berger demandera la suspension des baisses d’impôts des entreprises si les négociations échouent avec le Medef.

Le chômage a atteint un nouveau record en avril. Est-ce un échec de la politique économique et sociale menée depuis deux ans?
C'est d'abord un drame pour les chômeurs, leurs familles et tout le pays avant d'être un problème pour la majorité au pouvoir. Les chiffres sont catastrophiques depuis plus de deux ans et ça empire. Le président de la République et le gouvernement ont leur part de responsabilité. Les politiques qu'ils mènent ne sont à l'évidence pas suffisantes. Si nous n'avions pas avancé sur le chômage partiel et préservé des emplois dans la négociation de plans sociaux, ce serait pire.
Vous demandez au gouvernement de créer plus d'emplois aidés?
Oui. Il doit mettre des moyens nouveaux pour aider les chômeurs. La situation est trop grave pour s'en priver. Il faut aussi une politique économique plus dynamique, qui favorise l'investissement et la formation. Il n'y a pas de solution miracle sur l'emploi. Chacun doit prendre ses responsabilités. Le patronat doit ouvrir de nouvelles négociations sur l'emploi des jeunes sans tarder et tenir sa parole sur le pacte de responsabilité.
Dans le cadre de ce pacte, vous négociez avec le patronat sur l'emploi, la formation, etc. Quel premier bilan faites-vous?
Nous sommes loin d'être entrés dans le vif du sujet. Les négociations avec le patronat patinent, sauf dans la métallurgie. Je ne sais toujours pas aujourd'hui comment les entreprises utiliseront les 20 milliards d'euros du crédit d'impôt compétitivité emploi, ni les allègements de cotisations, et je n'ai pas confiance a priori. Le Medef dit vouloir attendre le contenu de la loi de finances rectificative de juin avant d'avancer… Donc rien n'avance.
Vous n'avez pas confiance en Pierre Gattaz?
Le patronat fait de la surenchère. Il explique semaine après semaine ce qu'il faut faire pour sauver l'économie et les emplois, et quand on lui dégage des marges financières, il demande encore autre chose et se comporte en lobbyiste. À quoi cela rime-t-il? Il faut qu'ils arrêtent de jouer et de geindre. Si rien n'a bougé avant la conférence sociale de juillet, j'en tirerai des conclusions et je demanderai au gouvernement de revenir sur sa politique de soutien aux entreprises. Il faut être logique et cohérent.
Vous seriez prêts à vous retirer du pacte?
Je suis engagé dans la négociation mais, pour négocier, il faut être deux.
Le ministre du Travail, François Rebsamen, veut geler les "seuils sociaux" pour créer des emplois, une revendication du patronat (lire ci-contre). La CFDT y est-elle favorable?
Ce n'est pas au ministre du Travail d'ouvrir ce dossier, comme s'il répondait à une injonction du patronat. Donner le sentiment que le dialogue social dans l'entreprise empêcherait l'embauche, c'est inacceptable. Une discussion est prévue de longue date entre partenaires sociaux sur la modernisation du dialogue social. Commençons par nous entendre sur des objectifs. Ensuite, il n'y aura pas de sujet tabou et nous pourrons parler des moyens. Mais il est hors de question d'aborder ce sujet par le petit bout de la lorgnette.
Selon un sondage, 30 % des salariés qui se sont rendus aux urnes dimanche ont voté FN. Est-ce un désaveu pour les syndicats?
Une immense responsabilité pèse sur nous. Le syndicalisme ne peut pas se contenter de la contestation, du déclinisme et du "tout va mal" sous peine de nourrir le populisme. On peut s'opposer, mais pas sans proposer, sans chercher à construire de solutions. L'image du syndicalisme souffre de ces postures.
La CGT organise une manifestation contre le FN fin juin. Vous n'irez pas?
Je ne pense pas. C'est une initiative que nous n'avons pas prise en commun. Apporter des réponses à la montée de l'extrême droite, c'est d'abord répondre aux attentes des salariés au quotidien. Réfléchissons-y ensemble.
Le gouvernement va baisser les impôts des plus modestes, est-ce la bonne réponse politique à la défiance du pays?
La réponse politique, ce serait de savoir où on va, y compris en matière d'impôts. Il manque un cap. En janvier, le pacte de responsabilité a donné une vision économique et sociale de progrès. Nous sommes en juin, rien n'en est encore sorti. S'agissant du pouvoir d'achat, le gouvernement a annoncé quelques mesures que les Français ne mettent même pas à son crédit. Ce qui manque, c'est une vraie réforme fiscale.
Vous réunissez votre congrès cette semaine à Marseille. Quel bilan faites-vous depuis un an et demi à la tête de la CFDT?
La CFDT se porte bien. Nous sommes deuxièmes en voix dans le privé comme dans le public. Nous revendiquons les accords de 2013 sur la qualité de vie au travail, la sécurisation de l'emploi, la formation professionnelle, qui commencent à produire des résultats. Dans le climat du pays, la question posée est celle de l'utilité des syndicats, donc de la CFDT. Nous allons montrer, encore une fois, que nous sommes une force de proposition constructive en nous engageant pour un autre mode de développement tourné vers la qualité. Le progrès social reste possible, mais il faut élever la qualité de l'économie, des emplois, des relations sociales. C'est comme ça que nous redonnerons à espérer et élèverons la qualité de notre démocratie

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