samedi 28 juin 2014

Déchiffrage de ce qui va changer dans le régime d'indemnisation de tous les chômeurs à partir du 1er juillet.



Des intermittents lors d'une manifestation à Lyon devant l'Opéra le 22 juin 2014. (AFP)

DÉCRYPTAGE
Déchiffrage de ce qui va changer dans le régime d'indemnisation de tous les chômeurs à partir du 1er juillet.

L'agrément sur la convention assurance-chômage a été publié ce jeudi matin au Journal officiel. Quelques heures plus tard, les intermittents se sont mêlés à une manifestation interprofessionnelle, dans le quartier de Bastille, à Paris et ont occupé le siège de l'Unédic, l'organisme qui gère l'assurance-chômage. Le but: faire comprendre à tous que l'accord passé entre trois syndicats et le patronat le 22 mars et destiné à faire 2 milliards d'économies d'ici 2016 ne concerne pas seulement leur régime, mais tous les précaires. Nous avons décrypté ce texte pour mieux comprendre quels impacts il aura sur ceux qui ne sont pas concernés par les annexes VIII et X du régime intermittent, à savoir les chômeurs, les intérimaires et les seniors.

DES DIFFÉRÉS D'INDEMNISATION POUR LES CHÔMEURS

Tout comme les intermittents, les chômeurs du régime général sont eux aussi concernés par le différé d'indemnisation. Et il pourra même être plus long que celui des intermittents. Jusque là, pour percevoir des indemnités après un licenciement ou la fin d'un contrat, il fallait attendre au maximum 75 jours, une période composée de sept jours incompressibles, des congés payés non-pris, et d'un différé spécifique calculé en fonction des indemnités de rupture supra-légales percues à la fin du contrat. Désormais, ce différé pourra atteindre jusqu'à 180 jours lorsque les indemnités seront supérieures à celles définies par le code du travail ou la convention collective. Une mesure qui devrait notamment concerner les cadres négociant des bonus à leurs indemnités au moment d'un départ.

Par ailleurs, si une personne doit en plus aller aux prudhommes, elle touchera les allocations chômage dans l'attente d'une décision du tribunal, mais devrarembourser le trop perçu une fois que la décision de justice aura été prononcée.«Cette somme peut être astronomique, souligne Véronique Ravier, membre de la Coordination des intermittents et précaires d’Îles de France (CIP-IDF) et chanteuse. Ca risque de dissuader les salariés de faire valoir leur droits, même quand il seront victimes d'un licenciement injustifié.»

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UN TAUX D'INDEMNISATION PLUS BAS

Alors que les délais de perception des allocations chomâge augmentent, leur montant minimum diminue et passe de 57,4% du salaire à 57%.

DES DROITS RECHARGEABLES PARFOIS DÉFAVORABLES

Un nouveau concept fera son apparition dès le 1er octobre chez Pôle emploi: il s'agit des droits rechargeables. Ce principe, acté par la loi de sécurisation de l’emploi en 2013, semble louable, puisqu'il permet de cumuler ses droits d'indemnisation sans les remettre à zéro à chaque reprise d'un emploi. Mais là aussi, l'accord peut poser problème, notamment pour ceux qui ont bénéficié de contrats aidés, faiblement rémunérés.

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Par exemple, si vous aviez un salaire de 1 000 euros pendant deux ans, vous recevrez 700 euros d'indemnités par mois (soit 70% du salaire) lors de l'ouverture de vos droits aux allocations chômage. Chaque jour travaillé donne droit à une journée d'indemnités. En conséquence, vous aurez droit, durant deux ans, à 700 euros par mois. Admettons qu'au bout de trois mois, vous trouviez un emploi d'au moins 150 heures (temps nécessaire pour recharger vos droits), et mieux rémunéré que le précédent (disons 2 000 euros). Lorsque vous serez de nouveau au chômage, vous n'aurez pas la possibilité de demander des indemnités plus élevées. Il vous faudra d'abord écouler les deux années obtenues sur la base de votre salaire à 1 000 euros avant de pouvoir toucher celles de celui à 2 000 euros.

Pour Rose-Marie Pechellat, blogueuse et ex-conseillère chez Pôle Emploi, «cet accord est un frein à la mobilité» et «une manière d'obliger les chômeurs à accepter des petits boulots pour des courtes périodes».

LES INTERMITTENTS HORS SPECTACLE REJOIGNENT LE RÉGIME GÉNÉRAL

Pour les intérimaires, la situation n'est pas moins préoccupante. Surtout lorsqu'il s'agit d'intermittents hors spectacle (hôtellerie, restauration, sondages...), un régime présenté dans l'annexe IV, qui devront tout simplement rejoindre le régime général.«C'est l'étape qui précède le regroupement de tout le monde dans le régime général, et ils y perdent beaucoup», déplore Rose-Marie Pechallat. Grâce à l'annexe IV, leurs journées travaillées comptaient pour dix heures. Dans le régime général, elles n'en représenteront que cinq. «C'est un paramêtre qui réduit leurs droits aux indemnités. Pas de 50%, certes, mais de manière considérable», précise Rose-Marie Pechallat. En rejoignant le régime général, ils récupèrent également les droits rechargeables et les règles applicables à l'activité réduite.

LES CHÔMEURS SENIORS CÔTISERONT AUSSI POUR L'ASSURANCE CHÔMAGE

De leur côté, les chômeurs de plus de 65 ans feront désormais l'objet d'un prélèvement solidarité de 6,4%, qui sera versé au régime d'assurance chômage. Une cotisation dont ils étaient jusqu'à présent exonérés et qui rapportera 60 millions d'euros en 2014, et 130 millions d'euros l'année suivante.

Aude DERAEDT


LIBERATION


le point de vue de la CFDT :

“La CFDT a préservé la spécificité des intermittents”

PUBLIÉ LE 30/06/2014 À 11H35par Anne-Sophie Balle
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Véronique Descacq, secrétaire générale adjointe, fait le point sur les nouvelles règles qui régissent l’assurance-chômage pour 2014-2016. Et revient sur la question des intermittents.
La nouvelle convention d'assurance-chômage est entrée en vigueur le 1er juillet, alors que le nombre de demandeurs d'emploi n'a jamais été aussi élevé. Que-va-t-elle changer pour eux ?
Depuis plusieurs années, les négociations sur l’assurance-chômage cherchent à mieux prendre en compte la précarité croissante qui touche toutes les catégories de demandeurs d’emploi. C’est ce même esprit qui prévaut dans la convention de 2014-2016 avec la création de droits nouveaux et une meilleure sécurisation des parcours professionnels. Les droits rechargeables, en supprimant les pertes de droit liées à la méthode de calcul trop complexe, visent trois objectifs : indemniser plus longtemps, favoriser l’accès à la formation et lever les craintes des demandeurs d’emploi en cas de reprise d’emploi. L’activité réduite voit elle aussi son dispositif simplifié. Grâce à ces règles, 110 000 demandeurs d'emploi supplémentaires seront indemnisés sur la seule année 2014 ! Enfin, le différé d’indemnisation est, pour nous, le moyen le plus efficace de lutter contre les pratiques des entreprises qui plombent l’emploi des séniors, ou qui abusent des ruptures conventionnelles et préretraites déguisées.
La grogne des intermittents ne semble pas faiblir. Quelles mesures les concernent ?
Face aux tentatives récurrentes du patronat de ramener les annexes 8 et 10 dans le régime général, nous avons préservé, dans cette convention, la spécificité des intermittents. La CFDT veut lutter contre la précarité dans leurs métiers mais ne peut continuer à se satisfaire d’un système qui indemnise quel que soit le niveau de rémunération. Par ailleurs rééquilibrer les finances du régime n’est pas un gros mot, car c’est aussi un moyen de le pérenniser. C’est pour ces raisons que nous avons plafonné l’indemnité à 4 381 € bruts (salaire + allocation). L’autre mesure qui fait débat est le différé d’indemnisation. Cette mesure existait déjà et, rappelons-le, elle concerne moins de la moitié des intermittents. Pour ceux-là, le différé d’indemnisation, dans trois quarts des cas, est inférieur à douze jours.
La concertation qui doit s’ouvrir sur le financement de la culture peut-elle permettre de faire avancer le débat ?
Ce qui est sûr, c’est que la convention d’assurance-chômage ne peut pas tout régler. L’État et les employeurs du secteur ont aussi leur part de responsabilité ! La CFDT partage l’idée que la culture est essentielle pour l’attractivité et la compétitivité de notre pays, et qu’elle y a toute sa place. Nous voyons cette concertation comme une opportunité de parler des questions de financement de la culture et du mode de développement économique que nous voulons pour les activités de l’art et du spectacle. Mais la façon dont l’État aborde le débat en sanctuarisant, sous la pression, les règles existantes, n’est pas de nature à nous rassurer sur l’aboutissement de cet objectif ambitieux.
 Propos recueillis par aballe@cfdt.fr



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