mardi 23 février 2010

MANOUCHIAN , un exemple à mettre en lumière boulevard Charles LIVON


Serge Klarsfled : "Manouchian, exemple à mettre en lumière"

Une des affiches rouges qui assimilaient le groupe Manouchian à des terroristes
L.P.


Soixante-six ans après l'exécution du groupe Manouchian par les nazis, une statue de leur leader, Missak Manouchian, sera dévoilée aujourd'hui, boulevard Charles-Livon, à Marseille. Né en Turquie dans une famille arménienne, Missak Manouchian adhère en 1934 au Parti communiste et s'engage pendant la guerre dans la résistance.
Affilié aux FTP-MOI (francs-tireurs et partisans - main d'oeuvre immigrée) le groupe multiplie les attentats à Paris. Arrêté le 16 février 1943, torturé, Missak Manouchian est fusillé au mont Valérien le 21février 1944 avec 22 membres de son groupe.
Au moment du procès, une affiche dite "affiche rouge", est largement placardée, assimilant ces résistants à des terroristes. Manouchian est présenté comme "le chef de bande". Serge Klarsfeld, qui sera présent à la cérémonie en mémoire de Manouchian, explique combien il est important de rendre hommage, même 66 ans plus tard, à ce héros.
- Cet hommage n'arrive-t-il pas bien tardivement ? Serge Klarsfeld : Non, il faut que le temps passe pour que les vraies valeurs s'affirment. Il en va de l'héroïsme comme de l'art.
- Quelle était la particularité du groupe Manouchian ? S. K. : C'est le harcèlement. Grâce à une poignée d'hommes, les Allemands, qui ont été assez tranquilles pendant un an à Paris, ne se sont plus jamais sentis en sécurité. Ils savaient qu'à tout moment ils pouvaient être la cible d'attentats, qu'ils soient simples militaires ou haut responsables. Le groupe a obtenu des résultats importants. À partir du moment où il a commencé à agir, la capitale française n'a plus jamais été un lieu de plaisir pour les Allemands. Le groupe a agi de manière très héroïque, à l'avant-garde du combat, en première ligne.
- Manouchian l'Arménien retrouvait-il dans ce qui arrivait aux juifs quelque chose de son histoire ? S. K. : Sans doute. On peut penser que Manouchian en tant qu'Arménien qui avait connu dans son enfance la persécution, l'agression raciste, la terreur policière, s'est senti particulièrement concerné voyant des juifs subir une telle violence.
- Tous les membres du groupe n'étaient pas arméniens mais venaient de Pologne, d'Italie... d'un autre pays que la France. Est-ce que cet hommage ne prend pas aujourd'hui une résonance particulière alors que l'étranger est de plus en plus souvent montré du doigt ? S. K. : Ce sont des exemples qu'il faut mettre en lumière. Quand la France a été occupée, les étrangers ont été parmi les premiers à s'engager. En 1939, 25000 juifs étrangers se sont portés volontaires pour prendre les armes contre les Allemands. On doit se souvenir de ce qu'ils ont fait. La France n'est pas seulement un pays où l'on vient simplement parce qu'on y vit bien.
- Vous êtes un fervent militant du devoir de mémoire. Il faut impérativement continuer à le cultiver ? S. K. : Absolument. Et le devoir de mémoire ne s'arrête pas à la Deuxième Guerre mondiale. Le souvenir de la Première guerre aussi doit être entretenu. Il faut expliquer que c'est la stupidité des dirigeants qui a conduit à cette guerre effroyable et que l'on ne fait pas la guerre pour rien. C'est une période où la démagogie était telle et le sentiment national tellement exacerbé que cela a conduit au pire et cela nous devons encore et toujours l'expliquer. L'homme est capable du pire et si l'on veut armer les jeunes générations contre cette propension au mal et contre l'extrémisme, il faut leur montrer les dégâts causés par le nazisme.
Propos recueillis par Dominique ARNOULT

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