dimanche 6 février 2011

Jacques Delors, invité le 28 janvier par les Grünen à Berlin, s’en est pris sauvagement à la politique européenne de Mme Merkel





regards croisés franco-allemands



Posté par Sauvons l'Europe le Vendredi 4 février 2011 in Actualité, Edito, En Une












Jacques Delors, invité le 28 janvier par les Grünen à Berlin, s’en est pris sauvagement à la politique européenne de Mme Merkel. Malheureusement, une longue pratique des termes codés du débat communautaire fait que le sens profond de cette intervention n’est pas immédiatement accessible à un lecteur moins au courant de l’eurojargon. Sauvons l’Europe vous livre ici une traduction du discours qu’il y a prononcé, du français vers le français non diplomatique:


Chacun reconnait que la crise de l’Euro est très grave et qu’elle nécessite que l’Union européenne agisse vite et efficacement comme pompier afin d’éteindre les divers feux qui sont allumés par les marchés et par la spéculation. Mais cette crise révèle aussi le besoin de remédier aux défauts de construction de l’Union économique et monétaire. En d’autres termes, nous avons besoin d’architectes pour aménager et renforcer la maison de l’Euro.


Vous n’avancez plus que la menace de la crise au cul! Il va bien falloir aller plus loin de toutes manières!






En premier lieu, il ne faut pas perdre de vue le traitement des demandes d’adhésion à l’Union. Je pense aux pays des Balkans (Croatie, Serbie, Monténégro, Macédoine…) et aussi au dossier explosif de la Turquie. Pour ce dernier, les données psychologiques et politiques ne doivent pas être perdues de vue quelle que soit la position de fond que l’on peut avoir. Chacun doit bien peser les conséquences de l’attitude de l’Union européenne sur l’ensemble des relations avec le monde musulman et sur les évolutions géopolitiques.


Qu’on dise oui ou non à la Turquie, il faut arrêter de la traiter comme un réservoir de bougnoules dans le débat sur l’immigration. Reconstruire le mur de Berlin à la frontière grecque n’est pas non plus ce qu’on fait de plus intelligent. Ils vont finir par mal le prendre.






Comment les inscrire dans une réflexion sur notre politique européenne à l’égard de la Russie ? Peut-on ne pas traiter au niveau européen des questions liées à l’énergie dans notre rapport avec la Russie ?


Dites donc, vous n’êtes pas tous seuls! Les autres aussi (et surtout à l’Est) ont des rapports de force diplomatiques à construire avec la Russie.






Du G8 au G20, les débats ne vont pas manquer sur la gouvernance mondiale. Espérons au moins donner un autre visage que celui offert à Copenhague au sommet de l’environnement : certains Chefs d’Etat et de gouvernement, plus occupés à faire parler d’eux-mêmes que de faire avancer ensemble les excellentes propositions adoptées par le Conseil européen.


Mmmh, non, ça c’est pas pour Merkel…






Un regard vers les expériences passées démontre que l’Europe a été plus rapide et plus efficiente lorsqu’elle a mis en œuvre la méthode communautaire. Alors que la nostalgie pour la méthode intergouvernementale a souvent causé des crises internes ou ralenti le processus de décision. Le débat n’est pas clos, d’autant qu’est mise en avant la méthode dite « de l’Union » que la Chancelière Merkel a défendue et illustrée lors d’un récent discours au Collège de Bruges.


C’est pas en changeant le nom de l’intergouvernemental que ça va arrêter de se voir! Faut arrêter avec ce truc, ça n’a jamais marché!






Si, par hypothèse, la coordination des politiques macro-économiques avaient existé depuis 1999, les rapports de la Commission européenne auraient souligné les risques portant sur la stabilité financière, en raison des bulles immobilières naissantes et des excès de l’endettement privé. Mais, il n’en a rien été.


On ne serait pas dans cette situation si tout le monde ne s’était pas raidi dans son indépendance nationale quand ça allait bien.






Ce qui m’a surpris le plus c’est la réaction de certains pays membres disant « Nous ne sommes pas responsables des bêtises des autres ». Alors, à quoi a servi le Conseil de l’Euro ? Pourquoi la Banque centrale européenne, uniquement braquée sur l’objectif des prix, n’a-t-elle pas sonné l’alarme ? Par conséquent, en l’absence de réactions des institutions européennes, depuis 2006, la responsabilité collective est engagée.


Inutile d’attaquer les pays du club Med, ça arrangeait très bien tout le monde! Tant que l’euro fort était garanti par la BCE, les allemands se moquaient de ce que pouvaient faire les autres.






Le bons sens explique que lorsque certains pays ont en commun la même monnaie, ils ont des droits et des devoirs particuliers bien plus importants que ceux qui n’appartiennent qu’à l’Union européenne.


On est dans l’Euro ou on y est pas. Mais on a pas les avantages sans les inconvénients!






Les résultats sont positifs, un taux de croissance de 2,1% par an, un progrès d’investissement à 2,2 % par an (meilleur chiffre depuis 1990), 16 millions d’emplois créés, soit plus 15%, une inflation maitrisée, une baisse du coût de l’argent, les échanges à l’intérieur de la zone représentent un tiers du commerce total, contre un quart il y a 10 ans


Les Allemands en ont bien profité!






En effet, il n’est pas inutile de rappeler ici, à Berlin, que l’Euro est aussi une aventure allemande. Dès la création du système monétaire européen en 1979, les dirigeants allemands ont incarné une vision de la construction européenne qui dépassait les intérêts à courte vue pour trouver des compromis qui ont fait avancer l’Europe. Ils ont convaincu les autres pays que la stabilité monétaire est une condition essentielle pour la réussite d’une économie sociale de marché. Cette politique a été confirmée lors de la crise monétaire de 1992 où des arrangements ont été trouvés pour faire vivre le SME jusqu’à la création de la monnaie unique. Mais ces avancées n’ont été obtenues que par référence au Deutsche Mark qui a été l’ancre des systèmes européens.


Vous avez tout subordonné à l’euro fort.






Mais avec des contreparties concrètes pour le commerce extérieur et pour les implantations des entreprises dans l’Union européenne : les ventes de la RFA vers l’Union à 27 représentent 63% de ses exportations, dont 43% vers les pays de l’UEM. Ainsi, l’interdépendance assurée entre nos pays est porteuse de solidarités positives. Ce qui n’est, hélas, pas bien compris, d’où les réactions hostiles, voire méprisantes, observées depuis le début de la crise.


Du coup, vous êtes les grands gagnants du système, et vous faites semblant de ne même pas le voir!






Certes, la situation est difficile, les discussions doivent être ouvertes, mais pas aux dépens d’une bonne gestion de la crise qui implique rapidité de la réaction, cohérence et efficacité.


Nous sommes prêts à faire beaucoup d’efforts dans la négociation, mais de votre côté va falloir commencer à bouger.






Trop de rumeurs, trop de propos destinés à rassurer l’opinion publique nationale ont alimenté le scepticisme sur l’avenir de la monnaie unique.


Avec votre populisme électoraliste, vous allez finir par faire péter l’euro!






La réussite progressive, donc la crédibilité, des efforts d’assainissement budgétaire


Sur le redressement budgétaire, il faut y aller chacun son rythme et de manière réaliste. Ce que vous demandez, c’est un suicide politique et social collectif et ça n’arrivera pas. En plus, si on tue la croissance il devient impossible de vraiment rétablir la situation budgétaire.






Soyons pragmatiques. Observons les évolutions et les résultats des mois à venir. Mais il est évident que si aucun progrès n’était réalisé, il faudrait réfléchir à un saut institutionnel dans l’UEM afin de permettre une certaine mutualisation des politiques et une gouvernance plus efficace.


On vous laisse encore un peu de temps pour bouger avant de proposer des trucs vraiment mahousse.






Mais il apparait déjà que la conciliation entre plus de stabilité financière et plus de croissance passe par la valeur ajoutée qui pourrait apporter l’action proprement européenne, notamment grâce au soutien de l’investissement et de l’innovation, c’est-à-dire la préparation d’un futur plus favorable à l’emploi, à la compétitivité et à la sauvegarde du welfare state.


Le budget riquiqui qui tient dans un placard, ça va plus être possible. L’Europe doit devenir un échelon fédéral réel.






Nos concitoyens et nos responsables sont-ils bien convaincus que face à la grande mutation que nous imposent la mondialisation et la poussée des pays émergeants, le choix pour l’Europe est entre la survie et le déclin ? Comme on dit tout simplement : l’union fait la force


« Responsables », c’était pour toi Merkel, au cas où t’aurais pas compris…






la politique de cohésion économique et sociale rencontre de plus en plus de réticences chez les pays qui contribuent plus au budget européen qu’ils n’en reçoivent. Ils n’évaluent plus, à leur juste mesure, les retombées positives pour leur propre économie nationale, sous forme d’exportations et d’investissements directs. Au surplus, l’affaiblissement voulu de la méthode communautaire fait que la cohésion économique et sociales se résume à des chèques donnés à certains pays, sans que progresse la coopération entre régions.

L’Allemagne ne veut plus payer parce qu’elle ne regarde plus que les talons de ses chèques.





Mais l’idéal de l’Union ne peut se réaliser sans davantage de coopération entres les politiques macro-économiques, entre les systèmes financiers et bancaires, entre les entreprises et les syndicats. Elle justifie le dialogue social que j’ai lancé au niveau européen dès 1985, mais qui stagne ces dernières années. Or, ce n’est pas aux amis allemands que je dois rapporter que l’économie sociale de marché ne peut prospérer sans le dialogue social et le dynamisme de la société civile.

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