lundi 30 mai 2016

Risque social:Désengagement massif des salariés, augmentation de l’absentéisme, mouvement de grève, vague de démissions, mise en accusation publique des pratiques de l’entreprise… Si le risque social est multiforme et source de dégâts considérables, à la fois en termes de coûts et d’image, il n’est toutefois pas inéluctable.

ÉVITER LA CASSE ! Le risque social, ça se manage...

Expert en relations sociales, Hubert Landier publie « Le management du risque social ». Il montre notamment comment repérer, évaluer et traiter les facteurs de risque social, proposant des pistes de réflexion et des méthodes d'action pour permettre aux dirigeants de mieux anticiper et faire face à ce risque.

Si la notion de risque n’est, à proprement parler, pas nouvelle, ce qui a changé tient sans doute à leur prévisibilité beaucoup plus aléatoire. « L’entreprise présente un nœud d’interdépendances extraordinairement complexe, analyse l’auteur, elle met en relation des hommes, des technologies, qui n’ont plus ni frontières, ni limites. Il en résulte que l’effet « aile de papillon » a de plus en plus de chances de se produire ». Le verdict est sans appel : l’événement local peut, de plus en plus, avoir des conséquences globales. Rester aux aguets et se préparer… à l’imprévisible constitue, pour l’entreprise, un véritable enjeu diagnostique.

Désengagement massif des salariés, augmentation de l’absentéisme, mouvement de grève, vague de démissions, mise en accusation publique des pratiques de l’entreprise… Si le risque social est multiforme et source de dégâts considérables, à la fois en termes de coûts et d’image, il n’est toutefois pas inéluctable. Il résulte bien souvent, selon l’auteur d’un faisceau de négligences et de dysfonctionnements pouvant faire l’objet de mesures préventives. Tel est le postulat de cet ouvrage rédigé par un véritable spécialiste du risque social.

Analyser la dimension humaine en termes de risque

 Si l’analyse des risques classiques – incendie, crise alimentaire – est une démarche familière, elle ne l’est plus s’agissant de la dimension sociale de la vie d’une collectivité en général. « Les relations sociales, déplore l’auteur, ne sont pas abordées en France d’abord en termes de management, mais en des termes qui lui sont extérieurs, d’origine soit morale, soit politique ».
L’exemple de la promotion du dialogue social est cité par l’auteur, qui pointe un décalage entre cette façon d’envisager les choses – opposer une image de bonne volonté, d’écoute et d’ouverture à la recherche de compro­mis raisonnables – et les préoccupations de tous les managers « qui ne sont pas des professionnels des relations sociales ».
Le risque social est multiforme et source de dégâts considérables en termes de coûts et d’image.

Parmi les objectifs assignés aujourd’hui aux DRH en entreprise, le maintien de la paix sociale et le fait de contenir ou de réduire les charges de personnel témoignent de ce « décalage ». Un constat qui, sous l’effet de la crise, ne manque pas non plus de pertinence dans le monde local. Pour Hubert Landier, certaines entreprises – plutôt que d’incriminer les comportements de désengagement – les préviennent « par une politique sociale adaptée ». Ne pas y voir une quelconque ou exclusive philanthropie : « il ne s’agit pas, en cherchant à promouvoir le dialogue social et le bien-être au travail, de promouvoir une conviction humaniste. Il en va également de la réussite » prévient l’auteur, identifiant deux sources de risques sociaux : « le risque social endogène » résultant de la politique sociale de l’entreprise ou de son style de management, du comportement de son encadrement – autant de facteurs « en grande partie maîtrisables » – et le « risque social exogène » résultant de l’influence sur le climat social et la mise en œuvre d’une politique sociale, des facteurs extérieurs – cadre institutionnel, traditions locales, politiques nationales… « éléments qui échappent en grande partie à l’entreprise ».

La multiplication des « irritants »

 Sous le terme « d’irritants », Hubert Landier désigne les principales sources de dysfonctionnement interne génératrices de tensions sociales. Aux tentations des accusations vindicatives – la fainéantise supposée des salariés qui expliquerait leur désengagement – l’auteur oppose le fait que le risque social est à rechercher « dans l’image que la direction et l’encadrement donnent d’eux-mêmes, dans la façon dont les méthodes de management mises en œuvre par les intéressés sont vécues par les intéressés, par l’accumulation des « irritants » et des questions ou des requêtes restées sans réponse, par la façon, optimiste ou plus moins confuse, que les salariés se font de l’avenir dans l’entreprise et donc du sort qui les attend ».
Il ne s’agit pas de promouvoir une conviction humaniste. Il en va de la réussite de l’entreprise.
Ces tensions tiennent donc aussi bien aux comportements de la direction (absence de reconnaissance, manque de cohérence et de visibilité de l’équipe de direction…) qu’à celui de l’encadrement, y compris de proximité (définition insuffisante des rôles respectifs du n + 1 et du n + 2, absence d’informations claires et complètes…), en passant par la composition sociologique de la collectivité, la mise en œuvre des méthodes managériales ou la perception de l’avenir. On arguera que certains de ces facteurs pourraient comporter moins d’acuité dans la FPT (perception de l’avenir par exemple), mais l’inventaire que dresse Hubert Landier recoupe très largement bien des situations vécues à l’échelon local. « L’encadrement se plaint fréquemment d’être accaparé par des tâches de « reporting », par la multiplication des réunions et par la nécessité de tenir, coûte que coûte, les objectifs opérationnels » raconte-t-il notamment, en évoquant l’importance du comportement de l’encadrement. Une situation déjà vue ailleurs­…

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Mieux vaut prévenir que courir (un risque)…

À l’aide de cas précis et fort de ce diagnostic, Hubert Landier montre comment repérer, évaluer et traiter les facteurs de risque social.
Un conflit d’apparence imprévisible, un accident ne sont jamais le fruit du hasard. « La prévention des accidents, des accidents sociaux comme des autres, exige la mise en place d’une politique de veille et d’anticipation » recommande l’auteur. La veille sociale consiste, par exemple, à mettre en place les différents moyens permettant de mieux comprendre la façon dont les salariés interprètent la politique de l’employeur et réagissent aux décisions de la direction, qu’elles aient des conséquences positives ou négatives pour eux. De son côté, une politique d’anticipation des risques sociaux entend réunir les conditions d’un climat social positif, fondé sur la prise en considération des attentes des salariés et sur une appréciation globalement favorable venant d’eux des mesures potentiellement positives pour leurs conditions d’emploi.
Outre la chasse aux irritants (lire plus haut), Hubert Landier insiste sur le rôle social de l’encadrement, dont les enquêtes de climat social révèlent qu’il lui est parfois difficile de jouer son rôle : manque de disponibilité, objectifs très ambitieux à atteindre, formation minimale insuffisante ou manque de soutien de la hiérarchie… Au fond, il s’agit, selon une jolie formule, de « préserver le capital immatériel de l’entreprise », beaucoup plus important que les installations matérielles elles-mêmes.
Et l’auteur de conclure : « Il ne sera peut-être plus possible aux entreprises de jouer sur les augmentations de salaire, mais il leur sera toujours possible – et ce sera pour elles de plus en plus important – de se préoccuper de l’ambiance au travail, des possibilités d’évolution, de l’intérêt des tâches ou de l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle ». CQFD !

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le management du risque socialL’auteur, Hubert Landier est un expert des relations sociales. Il intervient dans de grandes entreprises françaises et étrangères sur les problématiques liées au climat social, aux rapports sociaux et à la maîtrise des risques sociaux. Il a réalisé à ce jour plus d’une centaine d’audits du climat social fondés sur différentes méthodes et représentant plusieurs milliers d’entretiens en vis-à-vis.
  le management du risque social, éditions Eyrolles

Sommaire du dossier
  1. Au travail, « Efficacité et bien-être, c’est possible ! »
  2. L’autonomie des agents : une quête du manager
  3. Chacun est acteur de son bonheur au travail
  4. La prévention des risques : une attitude managériale
  5. Plaidoyer pour un management par la confiance !
  6. Le risque social, ça se manage
  7. Management : et la confiance, bordel ?
  8. Stress, burnout : faut-il avoir peur du travail ?
  9. Faut-il se méfier du bonheur ?
  10. Kit(s) de survie du travailleur

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