mardi 11 février 2014

Pourquoi les tableaux de bord du CNFPT bousculent les statistiques de l’emploi dans la FPT: les explications de la Gazette


La mise en ligne début 2014 des tableaux de bord des effectifs
 territoriaux par le CNFPT, a bousculé quelques repères dans
 le paysage de l’emploi territorial. Comment sont calculés ces
 nouveaux chiffres ? Sur la base de quels indicateurs ? Quelle 
valeur accorder “aux anciennes” enquêtes ? Comment justifier 
les écarts avec les séries précédentes ? La Gazette a souhaité 
éclaircir ces zones d’ombre en rencontrant, début février 2014,
 Philippe Mouton, directeur de l’observation prospective de
 l’emploi, des métiers et des compétence au CNFPT, à Paris.

La publication des tableaux de bord, début 2014 par le CNFPT, a bousculé quelques repères chiffrés de l’emploi territorial. Est-ce la conséquence de la signature d’une convention entre votre établissement et l’Insee ou de l’introduction du SIASP ?  

En fait, cette convention entre l’Insee et le CNFPT est une convention annuelle qui existe depuis longtemps et qui, simplement, année après année donne le droit au CNFPT d’accéder aux données de l’Insee. Cette convention prescrit surtout au CNFPT l’obligation de respecter toutes les clauses de confidentialité et du secret statistique.
La véritable nouveauté, c’est tout le dispositif d’étude statistique.
Jusqu’en 2008, le système était piloté par l’Insee, qui menait annuellement une enquête auprès des collectivités, l’enquête Colter qui a été arrêtée le 31 décembre 2008.
A partir de cette date, l’Insee est passé à un autre système, beaucoup plus global qui ne concerne pas que les collectivités mais aussi l’ensemble de la fonction publique et de ses trois versants (FPE, FPH, FPT). Ce système exploite les déclarations annuelles des données sociales (DADS) des employeurs. Toutes les déclarations sont versées dans un énorme système de base de données, qu’on appelle le SIASP pour système d’information sur les agents des services publics.

Quels étaient les défauts du système précédent, basé sur l’enquête Colter ?

Dans Colter, il y avait des doublons. L’Insee a dû faire tout un travail de nettoyage de la base de données – des millions de lignes qui correspondent aux gens rémunérés – pour savoir qui est vraiment fonctionnaire territorial, titulaire/non-titulaire.
Cette démarche revient à distinguer les emplois principaux et des postes annexes.(1). Malgré ce travail de rétropolation de l’Insee pour recaler la série statistique “colter” au regard de “Siasp”, dans le but de rendre l’ensemble cohérent, il y a  un décalage d’environ 45.000 emplois par rapport aux chiffres publiés dans l’édition 2013 du rapport de la DGAFP sur l’état de la fonction publique par exemple, dans les séries concernant la territoriale

Que permet le nouveau système basé SIASP ?

Le nouveau système permet de définir clairement qui est l’employeur principal et l’employeur secondaire. Il permet aussi d’établir une comparaison entre les trois versants de la fonction publique et avec le privé. Cette comparaison est rendue possible grâce à la déclaration DADS dans laquelle figure le montant de la rémunération.
Au CNFPT, nous ne l’exploitons pas. Mais la DGCL et la DGAFP, eux, l’exploitent ce qui permet désormais d’inscrire dans le rapport sur l’état de la fonction publique, un chapitre sur la rémunération dans les trois fonctions publiques (dont voici deux extraits ci-dessous). Ces comparaisons n’étaient pas possibles avant 2010 car ces éléments n’étaient pas demandés dans le cadre de l’enquête Colter. 

Est-ce que, finalement, les critiques du rapport publié en octobre par la Cour des Comptes, faisant état “d’une mauvaise connaissance de la masse salariale”, étaient fondées ?

Ce qui est sûr, c’est que les nouvelles séries sont certainement plus complètes et sans doute plus justes. Dans le système “Colter”, tout le monde savait qu’il y avait des doublons. Mais désormais, avec le nouveau système, la DGAFP et la DGCL sont en capacité d’avoir une vision précise des rémunérations dans la fonction publique, y compris dans la FPT.
Au CNFPT, nous n’exploitons pas les données sur la rémunération car elles n’ entrent pas dans le champ de notre compétence (l’emploi et la formation, NDLR). Mais ces données existent. Personnellement, je n’ai pas de jugement à avoir sur le bien-fondé des critiques du rapport de la Cour des Comptes. Je dis juste que les statisticiens ont fait leur travail. Et cette évolution est de la responsabilité de l’Insee.

Mais alors, quelle est la valeur des études du pôle de compétences, notamment celles concernant « sécurité – police municipale » ? Comment comparer les chiffres extraits de ces travaux à ceux des tableaux de bord ?

La valeur est toute relative. Personne n’a raison ou tort. C’est toujours la même question s’agissant des chiffres : d’où on part et sur quelle base on se fonde. Le pôle de compétence a l’obligation, dans le cadre de la formation initiale et continue des policiers notamment, de faire un suivi des recrutements.
Chaque année, le CNFPT demande  donc aux collectivités qui ont une police municipale de remplir un tableau. Il s’agit d’une enquête. Ils n’exploitent pas une base de données. Or, si vous n’avez que 80% de taux de réponse, vous avez des effectifs qui sont à 80% de la réalité. Après, comme dans toute enquête, si elle est fondée sur un échantillon représentatif, on pourrait envisager de redresser statistiquement les chiffres. Mais dans le cadre du suivi de l’obligation de formation des individus, non. Ces enquêtes sont faites dans une finalité de formation et non pas pour compter les gens.
C’est tout le problème de la vulgarisation et de la connaissance des données. Quand il n’y a pas de cohérence entre des séries statistiques, il y a forcément une explication. C’est la raison pour laquelle nous donnons toujours la source.

Des différences subsistent entre producteurs de statistiques sur l’emploi public. Un tableau [Extrait d’une note méthodologique publiée sur votre site] les récapitule. Pouvez-vous nous les expliquer ?

Le CNFPT et la DGCL les incluent car les collectivités, du fait de leur présence sur les territoires, sont très sollicitées pour les embaucher. 
Les producteurs de statistiques de l’emploi public ont des manières différentes d’approcher l’emploi et ce tableau, en effet, les résume bien.
La DGAFP ne publie pas les chiffres concernant les emplois aidés car c’est un dispositif particulier, lié aux politiques gouvernementales de relance de l’emploi, en cas de crise.
La DGAFP a décidé de se concentrer sur le “pur et dur” de l’emploi public : les titulaires et les non-titulaires de droit public. Les emplois aidés, eux, sont de droit privé, avec une aide de l’Etat sur la rémunération et les cotisations.
Une autre ambiguité tient au périmètre même de la FPT. Au CNFPT, nous excluons l’administration parisienne du fait de son statut particulier. Idem pour les marins-pompiers de Marseilles et les pompiers de Paris. Cela dit, ces distinctions existent depuis toujours et ne sont pas liées au nouveau système.

Une circulaire de la DGCL du 12 septembre 2013 précise que “la Nomenclature des emplois territoriaux (NET) doit être utilisée sur les données portant sur l’année 2013” ? Est-ce que de nouveaux changements sont à prévoir ?

Non. La NET ce n’est pas autre chose que la grille statutaire de la FPT qui comporte 56 cadres d’emploi. La NET est l’équivalent, grosso modo, des conventions collectives dans le privé. Et elle existe depuis la loi de 1984 qui a créé les cadres d’emplois. Tous les deux ans, les collectivités ont l’obligation de faire des bilans sociaux. Ils ont lieu les années impaires. Celui pour l’année 2013 est en cours. Les collectivités ont jusqu’en juin 2014 pour remplir un tableau en ligne, sur le site de la DGCL, et des centres de gestion, recensant des informations sur les absences, les maladies professionnelles, le handicap, etc. Simplement, la DGCL a rappelé via cette circulaire, que ces emplois doivent être indiqués avec la NET. C’est tout. 
Cette question me permet toutefois de soulever un problème : le CNFPT produit depuis plusieurs années une autre nomenclature, lerépertoire des métiers, qui est une aide aux collectivités pour identifier plus de 230 métiers.
Dans le cadre des enquêtes de l’Insee on a, comme seule référence de l’emploi, l’approche statutaire. Cette approche ne nous dit rien sur ce que font les personnes. Nous estimons, au CNFPT, qu’il faudrait une combinaison entre ce répertoire et la NET pour qu’il y ait une connaissance précise et concrète des métiers.
Nous sommes en train de travailler avec la DGAFP et la DGCL pour que, dans 7 à 10 ans, dans les DADS,  figure une ligne sur le poste occupé. Cela se traduirait par une case en plus à remplir, mais cela va prendre du temps car il faut que les collectivités s’approprient vraiment le répertoire.
Note 01:
Définition Insee : un poste est considéré dans les DADS comme non annexe si le volume de travail associé est "suffisant". En 2006, si la rémunération nette est supérieure à 3 SMIC mensuels ou si le nombre d'heures salariées est supérieur à 120 et que la durée de travail est supérieure à 30 jours, on considère qu'on est en présence d'un "vrai" emploi ou poste non annexe ; a contrario, si la rémunération nette est inférieure à 3 SMIC mensuels et si la durée est inférieure à 30 jours, on considère que le poste est annexe. Pour les valeurs intermédiaires et dans quelques cas particuliers, des calculs plus complexes permettent de déterminer si le poste est considéré comme annexe ou non. Ces seuils permettent aussi d'éliminer des rémunérations supplémentaires du type primes gérées par des associations parallèles (dans la fonction publique hospitalière et pour des collectivités territoriales) ou indemnités de cantine payées par les collectivités territoriales aux instituteurs (lesquels sont d'ailleurs hors du champ de l'exploitation des DADS). Cette méthode vise à assurer la robustesse du salaire moyen d'une validité à la suivante. C'est pour cette raison qu'on détermine des seuils sur un ensemble de variables, et non pas sur une seule d'entre elles. - Retourner au texte

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