mardi 18 février 2014

Le gaz de houille ou l’avenir du Nord-Pas-de-Calais.Et Gardanne?Et la transition énergétique(*) ?

Le gaz de houille ou l’avenir du Nord-Pas-de-Calais

Le 18 février 2014 par Marine Jobert
Sur le site d'Avion.

Sur le site d'Avion.
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Un gaz moins cher, de l’emploi, avec des conséquences environnementales quasi nulles. Voici résumé à grands traits l’étude réalisée par la mission d’enquête «gaz de houille», dans le cadre de la conférence permanente du Schéma régional de développement économique (SRDE) de la région Nord-Pas-de-Calais. Dévoilée aujourd’hui, cette étude assez scolaire d’une soixantaine de pages dresse un portrait très engageant des activités en cours et à venir de l’entreprise European Gas Limited (EGL)[1], titulaire de plusieurs permis dans la région.  Le Journal de l’environnement passe en revue les principaux points de ce rapport qui pourrait relancer l’activité gazière dans la région.


[1] Entreprise qui a été rachetée depuis par Transcor Astra Group, une filiale du holding CPN d’Albert Frèremilliardaire par ailleurs actionnaire de Total. Des informations non mentionnées dans le rapport.

UN GAZ DEUX FOIS MOINS CHER LOCALEMENT
Le charbon a fait la fortune du Nord-Pas-de-Calais; le gaz de houille sera-t-il son renouveau? Au plan économique, on n’est pas loin du miracle régional même si, préviennent les élus, «il n’y aura pas d’impact sur le prix national du gaz». Certes, «la question du seuil de rentabilité économique d’une telle exploitation» n’a pu être étayée plus avant[1] -«dans l’attente du retour d’expérience des forages d’exploration». Mais les auteurs considèrent qu’«il serait possible d’offrir localement un gaz moins cher à travers des contrats d’approvisionnement ou des partenariats attractifs pour les consommateurs et utilisateurs de gaz de la région». Un gaz localement moins cher? «D’après les estimations réalisées, le prix de revient du gaz de houille serait moitié moins cher que le prix actuel du marché du gaz. Ces contrats pourraient garantir un approvisionnement ou intégrer une prise de risque lors de la phase d’exploration.»

De quoi tintinnabuler agréablement aux oreilles des contribuables, puisque la facture énergétique de toute la région s’est élevée en 2011 à 8,7 milliards d’euros, dont 2 milliards pour le gaz. «Les ressources estimées par EGL représentent près d’une année de la consommation nationale de gaz, soit près de 10 ans de la consommation de gaz de la région au rythme actuel.» Soit une économie de 10 Md€, lissée sur 25 ans. «L’objectif visé par EGL est de couvrir entre 10 et 12% de la consommation de gaz pendant les 25 ans à venir», précisent les rédacteurs. Un but toutefois borné par le manque de connaissances du sous-sol –c’est tout l’enjeu de l’exploration- et qui profitera surtout aux gazo-intensifs, note le rapport: «Il est à considérer que le marché pour la vente du gaz se ciblera sur les utilisateurs (industriels et collectivités) à forte consommation de gaz dans le Nord-Pas-de-Calais.»

850 EMPLOIS NON DÉLOCALISABLES
Forage de puits, installation d’équipements pour la compression du gaz, pose de tuyaux pour se connecter au réseau de transport de gaz déjà disponible dans le Nord-Pas-de-Calais, qui est par ailleurs «de qualité excellente», soulignent les auteurs. Quelque 190 emplois directs seraient à prévoir, sur le terrain et dans les bureaux. Auxquels viendraient s’ajouter 300 emplois indirects (logistique, infrastructure, forage, administration…). Le rapport anticipe que le gaz sera produit sur 10 sites («installation de 100 mètres sur 80 m en surface comptant chacun autour de 15 puits», est-il même précisé), qui nécessiteront chacun «une douzaine d’employés de terrain. Chaque employé de terrain génère à son tour environ deux emplois indirects avec toutes les compagnies de services». En tout, ce serait donc 850 emplois, non délocalisables, qui seraient générés par les puits nordistes.

PAS DE FRACTURATION HYDRAULIQUE, MAIS…
Une lecture attentive du document ne permet pas de saisir tout à fait si le contexte géologique régional rend nécessaire, ou non, de recourir à la fracturation hydraulique. Se référant au rapport consacré aux techniques alternatives à la fracturation hydraulique de Christian Bataille et Jean-Claude Lenoir rédigé dans le cadre de l’Opesct, les auteurs précisent que la «perméabilité [du charbon] (…) peut être faible et il est alors nécessaire de procéder à des opérations de stimulation pour faciliter l’ouverture du réseau de fissures existantes ou pour créer de nouvelles fissures en fracturant la roche et ainsi optimiser la désorption du gaz». Un état de fait qui ne concernerait pas le NPDC puisque, dans leur conclusion, les auteurs assurent que «les techniques de fracturation hydraulique ou de stimulation (…) ne seront pas employées dans le Nord-Pas-de-Calais; d’une part en raison de l’interdiction faite en France; et d’autre part parce que le contexte géologique du Nord-Pas-de-Calais ne s’y prête pas (charbons déjà fracturés)». Au passage, la loi de 2011 [interdisant la fracturation hydraulique] en prend pour son grade: «La définition de la fracturation hydraulique n’est pas clairement établie. Il y a lieu de noter qu’il existe un flou concernant la définition de la fracturation hydraulique dans la règlementation actuelle l’interdisant».

LE NPDC, UN LIEU GAZIER STRATÉGIQUE
L’un des freins au développement potentiel des hydrocarbures non conventionnels en France, c’est le manque d’infrastructures pour faire circuler le gaz sur le territoire. «Le Nord-Pas-de-Calais est déjà équipé d’un réseau dense de transport et de distribution de gaz naturel. Il existe déjà des dispositions et des normes réglementaires appliquées pour les réseaux de transport de gaz conventionnel», rassurent les auteurs. Ils rappellent que la région occupe une place stratégique dans l’approvisionnement national: «C’est le point d’entrée du gaz naturel de Norvège et de Hollande: le terminal de la société Gassco à Loon-Plage est relié directement au gisement de Norvège; la station de compression de Taisnières-sur-Hon est reliée aux gisements de Norvège et de Hollande, via la Belgique. C’est près de 58% de la quantité de gaz importée en France qui transite par ces deux points, pour alimenter le quart nord-ouest du territoire national. Un projet de terminal méthanier est lancé par le Grand port maritime de Dunkerque».

COMPATIBLE AVEC LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE
Reprenant des arguments déjà développés, entre autres, par Christian Bataille et Jean-Claude Lenoir, les auteurs font valoir que l’exploitation de ces hydrocarbures n’est absolument pas incompatible avec les objectifs de transition énergétique. «Avant d’avoir terminé cette transition dans 30, 35 ou 40 ans vers des énergies beaucoup plus décarbonées, il sera incontournable d’utiliser des énergies carbonées.» Car selon eux, «la transition énergétique consiste à se donner les moyens d’atteindre l’objectif d’utilisation d’énergies décarbonées en intégrant de manière réaliste et responsable le lien énergie-économie.» Pas la peine de rechercher une référence aux conséquences climatiques de la production d’hydrocarbures supplémentaires: il n’en est pas fait mention. Pas plus qu’à la «troisième révolution industrielle» imaginée par Jérémy Rifkin pour la Région NPDC, qui devait la propulser à l’avant-garde de la transition énergétique.

RISQUES ENVIRONNEMENTAUX BALAYÉS
«Bien que des risques technologiques, sanitaires et environnementaux aient été identifiés, ils ne sont pas rédhibitoires à un projet d’exploration ou d’exploitation», estiment les auteurs. Ils considèrent en effet que la filière dispose «des moyens de maîtrise éprouvés dans d’autres filières»,ainsi que «de solutions pouvant être apportées par la mise en place de projets de recherche et de caractérisation». De quoi alimenter la demande réitérée en recherches, portée par tous les industriels du secteur. Il y aurait des «besoins de connaissances sur le domaine des risques sanitaires», reconnaissent du bout de la plume les auteurs, avec des «enjeux majeurs liés à la protection des aquifères. Les protections techniques existent, il conviendrait de développer la recherche à ce sujet». De toutes façons, la pollution des nappes phréatiques n’est pas identifiée comme sensible par le rapport du BRGM/Ineris[2] sur les impacts de l’exploitation du gaz de houille, estiment les auteurs, en dehors de toute fracturation hydraulique. «En outre les techniques de protection des aquifères sont parfaitement maîtrisées et des réseaux de surveillance sont suivis par le BRGM et l’Agence de l’eau à l’échelle des masses d’eau.»

Les risques de fuites ou d’accidents sur compresseurs haute pression sont «écartés en raison de la maîtrise des risques dans d’autres industries». La migration de gaz, «notamment en environnement peu profond ne concerne pas le Nord-Pas-de-Calais en raison de la profondeur des couches visées (700 à 1.500 m)». Le déploiement des activités sont tout à fait «compatibles avec l’usage du sol»,notamment grâce à la présence d’anciennes friches industrielles (déjà polluées?).

LES ÉCOLOGISTES HORS JEU
Autant de conclusions pleines d’optimisme, qui ont été rendues en l’absence des deux élus écologistes qui participaient à la mission. Après avoir «largement joué le jeu», Jean-François Caron, président du groupe EELV au conseil régional Nord-Pas-de-Calais et président de la commission Transition écologique et sociale régionale, ainsi qu’Emmanuel Cau, vice-président Aménagement du territoire et environnement, ont en effet claqué la porte il y a quelques semaines. Ils dénonçaient les«partis pris de la mission d’enquête» présidée par le communiste Bertrand Péricaud, «qui ne se cache pas de vouloir gagner ’la bataille du gaz de houille pour notre région‘, [ce qui] nuit aux échanges nécessaires sur les risques liés à l’exploitation du gaz de couche. Conflit d’intérêt des sociétés contactées, indépendance relative des experts, absence de transparence des analyses scientifiques… sont autant de freins à la qualité de l’enquête sur une potentielle exploitation du gaz de couche».




[1] Les coûts opérationnels ont été estimé par l’Institut français du pétrole (BEICIP) à 0,11€/m3 contre un prix de marché de l’ordre 0,26 €/m3, précise l’étude.
[2] Bureau de recherches géologiques et minières et l’Institut national de l’environnement et des risques industriels


 (*)Le projet de loi de programmation sur la 

transition  énergétique n’est étrangement pas 

mentionné dans   la lettre de cadrage pour la 

transition écologique  que le Premier ministre a 

envoyé,  mardi  18 février 2014

Présenté comme devant être l’un des principaux textes du quinquennat,
 déjà reporté, le projet de loi de programmation sur la transition énergétique
 n’est étrangement pas mentionné dans la lettre de cadrage pour la transition
 écologique que le Premier ministre a envoyé, mardi 18 février 2014,
 au ministre concerné, Philippe Martin. Une omission de nature
 à alimenter les spéculations sur sa date de sortie.
Vo-la-ti-li-sé… En lisant la lettre de cadrage 2014 adressée, mardi 18 février, par le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, à son ministre de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie, Philippe Martin(p.20), on est en droit de s’interroger sur le devenir du projet de loi de programmation sur la transition énergétique. Et ce, d’autant plus que son parcours a, jusqu’ici, été chaotique.
Si important que cela ? - Car le texte, pourtant présenté par le chef de l’Etat et par son gouvernement comme devant être « l’un des plus importants du quinquennat », n’est même pas cité par le document. Celui-ci renvoie, certes, vers la feuille de route de la deuxième conférence environnementale, qui prévoit son adoption « avant la fin de l’année 2014 ».
Il réfère aussi à la précédente lettre de cadrage, dont la destinataire était alors Delphine Batho. Elle avait à l’époque pour mission de présenter le projet de loi en conseil des ministres… « en septembre 2013 ». Mais donc, dans le cas présent, ni mention, ni a fortiori calendrier. Tandis que le projet de loi sur la biodiversité figure, lui, explicitement au menu du ministre.
Discrétion - Plusieurs déclarations émanant depuis le début de l’année de l’exécutif livrent quelques indices sur ce qui ne peut évidemment être qualifié de simple omission. La discrétion du chef de l’Etat sur ce sujet, lors de ses voeux aux Français, le 31 décembre 2013 : deux phrases exprimant sa volonté que le pays « accomplisse sa transition énergétique ». Un mois plus tard, le 29 janvier, lors de sa propre cérémonie de vœux, le ministre Philippe Martin avait également assuré le service minimum. Tant sur le fond du futur projet de loi que sur son timing, en se contentant d’évoquer « une occasion, en 2014, d’agir (sur le réchauffement climatique) » à travers ladite loi.
Agenda incertain - Le récent report de deux semaines, du 11 au 27 février, d’une réunion d’une commission du Conseil national de la transition écologique (CNTE), instance collégiale chargée, notamment, du suivi des textes sur l’énergie, a été mal accepté par des participants, en particulier les ONG (voir encadré ci dessous). Elles y ont vu l’illustration d’un texte peu avancé, alors que la version officielle faisait état de « questions d’agenda ». Et n’y voient là rien d’encourageant, après le long débat national sur la transition énergétique (DNTE) de l’année 2013, marqué par des mois d’échanges pour une conclusion dans la confusion.
Le PS divisé - La situation semble également bien compliquée au niveau parlementaire, où les présidents de la commission des Affaires économiques et du Développement durable s’affrontent sur leur rôle respectif dans l’examen du futur projet de loi. Le premier, François Brottes, député PS de l’Isère, ex-conseiller énergie de François Hollande, pro-nucléaire, s’en pense le dépositaire. Le second, Jean-Paul Chanteguet, député PS de l’Indre, représentant l’ancien Pôle écologique du parti, favorable à une sortie progressive du nucléaire, estime avoir droit au chapitre.
Scepticisme - Aussi, les propos, le 7 février, du ministre de l’Ecologie, assurant que les « délais seront tenus » – présentation en conseil des ministres au printemps ; examen par le Parlement cet été ; adoption avant la fin de l’année – et que l’heure est à « quelques derniers arbitrages », ont laissé sceptiques plus d’un protagoniste de ce qui ressemble de plus en plus à un interminable feuilleton. D’autant que, dans un communiqué publié le 19 février, Philippe Martin se fixe comme objectif en 2014 la « finalisation du projet de loi de programmation sur la transition énergétique ». Une subtilité de langage en phase avec l’impression permanente de flou qui entoure ce texte.

Le projet de loi… des ONG

Coïncidence de calendrier, des ONG, parmi lesquelles Réseau Action Climat (RAC) et le Comité de liaison énergies renouvelables (CLER), ont annoncé, mercredi 19 février 2014, la présentation la semaine prochaine de leur propre projet de loi sur la transition énergétique, puisque « les propositions concrètes du gouvernement tardent à émerger ». Elles s’inquiètent d’une présentation « tardive et partielle » d’un texte qui, assurent-elles, manquera d’orientations « claires et ambitieuses ».

Lire également notre article « Transition écologique : un calendrier chamboulé« .

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