mardi 5 novembre 2013

Recrutement, statut, salaires : les propositions du rapport Pêcheur pour la fonction publique remis le 4 novembre 2013


Le rapport tant attendu sur l'avenir de la fonction publique,
 réalisé par le conseiller d'Etat Bernard Pêcheur, est enfin sorti,
 pour être remis au Premier ministre lundi 4 novembre 2013.
 Il doit servir de base aux discussions avec les organisations 
syndicales dans le cadre de l'agenda social. Plusieurs pistes
 d'évolution sont évoquées, notamment en ce qui concerne 
l'emploi et les salaires dans la fonction publique.
Il faut faire évoluer la fonction publique, et instaurer une stratégie de long terme selon Bernard Pêcheur, qui s’attaque donc à différents aspects, au premier rang desquels l’emploi.
Niveau de fonctions - Le conseiller d’Etat propose d’abord de caractériser chaque corps ou cadre d’emploi par un « niveau de fonctions » qui correspondrait soit au diplôme détenu, soit à la nature des missions et des responsabilités exercées.
Selon lui, une mesure de nature à clarifier la classification des corps consisterait à « abandonner, sinon la notion de catégorie elle-même, du moins la référence exclusive au critère du diplôme, sauf pour certains corps dans lesquels la possession d’un diplôme universitaire constitue un élément nécessaire pour apprécier l’aptitude d’un agent à exercer ses missions ».
Chaque corps ou cadre d’emploi serait caractérisé par un « niveau de fonctions », soit eu égard au niveau du diplôme pour les corps dans lesquels cet élément est incontournable (enseignants, par exemple), soit en tenant compte de la nature des missions exercées et du niveau de responsabilités.
Deux paliers de recrutement - Deuxième mesure phare : mettre en place pour chaque corps ou cadre d’emploi deux paliers de recrutement, le premier pour les personnes sans expérience professionnelle, le second pour celles ayant acquis une expérience professionnelle dans la fonction publique ou le secteur privé.
Les recrutements seraient effectués, pour les personnes sans expérience professionnelle, à un premier palier, en pied de corps, par la voie du concours externe. Ces agents accéderaient ainsi au premier grade du corps ou du cadre d’emploi.
Un second palier de recrutement serait destiné aux personnes détenant déjà une expérience professionnelle suffisante, acquise dans la fonction publique ou hors de celle-ci. Ce recrutement serait organisé, selon le corps, par voie de concours interne (pouvant comporter des épreuves de reconnaissance des acquis de l’expérience professionnelle), de « troisième concours », de nominations au tour extérieur. Les agents ainsi recrutés accéderaient directement au deuxième grade des corps, organisés en trois grades, et au second et dernier grade des corps ne comportant que deux grades.
Non-titulaires - Sur les non-titulaires (19,7 % des emplois dans la FPT), le rapport souligne qu’il faut rendre plus transparents et plus objectifs les recrutements. Pour Bernard Pêcheur, la question des contractuels est « mal réglée ».
Le projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, déposé devant le Parlement, entend resserrer les conditions de recours aux non titulaires et rappeler que l’emploi des non titulaires est subordonné à une vérification des capacités. « Ces orientations, qui vont dans le bons sens, devront déboucher sur une mise en oeuvre effective des nouvelles règles par tous les employeurs publics et sur des réponses opérationnelles au besoin de remplacement d’agents indisponibles, faute de quoi le volant de non titulaires recommencera à croître, pour de bonnes ou de mauvaises raisons », souligne-t-il.
La logique de la carrière doit, dans les trois fonctions publiques continuer à prévaloir sur la logique de l’emploi. Autrement dit, l’occupation des emplois des administrations par des agents sur contrat doit être une exception, justifiée, encadrée et limitée. Le cadre ainsi posé ne doit pas être une pétition de principe, d’autant plus ferme que la pratique serait laxiste. A cet égard, il importe de corriger une tendance préoccupante qui ferait de l’embauche de non titulaires la voie normale du recrutement.
Recrutement sans concours des C - Le rapport propose aussi d’instaurer de la transparence dans le recrutement sans concours de fonctionnaires de catégorie C. Un nouveau décret pourrait prévoir :
  • le contenu des dossiers de candidature ;
  • le contenu de l’avis de recrutement et les modalités de publication de celui-ci ; l’avis devrait comporter, en particulier, pour répondre à l’objectif de transparence, un descriptif de la procédure de sélection ;
  • l’examen des dossiers de candidatures par une commission dont un membre au moins n’appartiendrait pas à l’administration ou la collectivité concernée (et qui pourrait comporter par exemple, s’agissant des collectivités territoriales, un élu, un fonctionnaire territorial et un représentant du centre départemental de gestion).
Bourse de l’emploi commune - Le rapport préconise par ailleurs de créer un portail internet unique intégrant ou fédérant les portails des bourses de l’emploi existantes, et les complétant pour permettre d’avoir connaissance de tous les emplois publics vacants à chaque instant. Bernard Pêcheur suggère de désigner la DGAFP comme chef de file et le cas échéant de créer un groupement d’intérêt public (GIP) pour suivre et administrer la bourse. Dans cette hypothèse, le GIP pourrait être composé des différents partenaires concernés (Etat, CNFPT, centres de gestion, FHF, Pôle Emploi).
Reçus-collés - Le rapport aborde aussi la question des reçus collés, mais sans prendre parti. « Un éventuel abandon du mécanisme ne pourrait, en tout état de cause, être envisagé sans une réflexion globale devant être menée par le gouvernement avec les élus et les organisations syndicales – et qui dépasse le cadre de ce rapport – sur l’équilibre à trouver entre la libre administration des collectivités territoriales et l’encadrement des conditions d’emploi et de rémunération des fonctionnaires territoriaux.
Ce débat devrait alors inclure la question des rémunérations indemnitaires des fonctionnaires territoriaux (pertinence du « principe de parité » ; fixation éventuelle, par l’Etat, de minima indemnitaires pour les fonctionnaires territoriaux, etc.). »
Evaluation de l’intérim - Enfin, sur la partie emploi, le rapport ne prend finalement pas clairement parti sur l’intérim – ce que certains acteurs craignaient. Il indique seulement qu’il convient de s’interroger sur la pertinence du dispositif de recours à des intérimaires.
Pour Bernard Pêcheur, cette voie ne doit toutefois pas être exclue par principe, et il préconise de mener une évaluation en 2014 ou 2015, « afin de mesurer, au terme d’une pratique d’environ 5 années, l’impact du dispositif, son étendue et son utilité ».
Salaires : mesures générales - Concernant les rémunérations, le rapporteur se montre plutôt compréhensif. Pour lui, « des mesures générales sont nécessaires ». Il souligne notamment que « la part des primes dans la rémunération globale des fonctionnaires est devenue trop élevée. Dans la FPT, elle a augmenté de plus de 4 points depuis 2000, pour atteindre aujourd’hui, en moyenne, 18 % ».
Il propose « d’écarter toute forme d’indexation mais de suivre l’évolution générale du pouvoir d’achat de sorte que les fonctionnaires ne soient ni favorisés ni décrochés par rapport aux salariés du secteur privé ».
Les fonctionnaires n’ont pas été épargnés : la valeur du point d’indice, c’est-à-dire des traitements, a été gelée depuis 2010, les effectifs ont été réduits puis stabilisés, les mesures catégorielles ont été limitées aux échelons les plus modestes. Ces mesures, nécessaires dans le contexte budgétaire de la France, ne sauraient tenir lieu, dans la durée, de politique de ressources humaines des administrations publiques.
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Audit des régimes indemnitaires – Le rapport préconise d’engager un chantier de simplification et d’harmonisation indemnitaire. Le but de ce chantier serait quadruple :
  1. réduction du nombre de régimes indemnitaires ;
  2. harmonisation interministérielle des régimes ;
  3. suppression des outils indemnitaires dépourvus de sens ;
  4. préservation, en les rénovant, des outils indemnitaires répondant à l’exercice de responsabilités particulières, à des sujétions particulières à l’agent, ou qui sont modulables en fonction de la qualité du travail.
Bernard Pêcheur propose de procéder à l’audit des régimes indemnitaires, tous les cinq ans, dans les trois fonctions publiques.
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Le rapport Pêcheur propose enfin de mieux associer les employeurs publics à la préparation des décisions et négociations. Les modalités de l’association des employeurs publics territoriaux au pilotage des politiques de fonction publique « doivent être réexaminées ».
Le rapport propose donc d’inscrire dans la loi que les négociations salariales auxquelles participent les organisations syndicales de fonctionnaires sont « conduites par le gouvernement, après consultation des représentants des administrations de l’Etat, des employeurs publics territoriaux et des employeurs publics hospitaliers ».

Verbatims

Certaines analyses de Bernard Pêcheur ne manqueront pas d’intéresser ou d’interpeller les territoriaux. Nous en avons relevé en particulier deux, qui éclairent des sujets au coeur de l’actualité des collectivités.
Un facteur de trouble est la facilité, à laquelle il est aisé de succomber, de la mutualisation à tous prix. La recherche d’efficience est naturellement indispensable, et elle doit être conduite avec détermination car elle se heurte souvent aux routines et aux « intérêts de chapelle ». Pour autant, nombre des démarches de restructuration ou de mutualisation – qui postulent toujours que la fusion est génératrice d’économies immédiates- sous-estiment souvent les délais de mise en oeuvre, les coûts de transaction induits par la concentration ou l’éloignement des centres de moyens ou, encore, les risques de pertes de compétences.
Si la décentralisation, réalisée en 1982, développée en 2004 et dont le législateur devrait encore étendre la portée, ne suscite naturellement pas d’interrogations existentielles parmi les fonctionnaires territoriaux, les enjeux, pour les personnels, qui seront induits par la création des nouvelles intercommunalités et des métropoles ne doivent pas être sous-estimés. Les structures intercommunales emploient en effet désormais plus de 240 000 agents et leurs effectifs croissent plus rapidement que ceux des communes, ce qui conduit d’ailleurs de nombreux établissements de coopération intercommunale à franchir le seuil au delà duquel l’affiliation à un centre départemental de gestion n’est pas obligatoire (350 agents).

Les autres propositions du rapport

Emploi

  • Conduire à périodicité régulière, en principe quinquennale, et sous l’égide du Commissariat général à la stratégie et à la prospective, une réflexion prospective sur l’emploi public et la fonction publique à un horizon de 15 ans, en intégrant toutes les dimensions de l’action publique (évolution du service public, rôle des différentes collectivités publiques, évolution des missions et des modes d’exercice des professions, évolutions démographiques, besoins nouveaux), en concertation avec les élus, les organisations syndicales et les acteurs de la société civile.
  • Débattre, périodiquement, au sein du Conseil commun de la fonction publique des plans d’action de moyen terme à mener, notamment en matière de formation des agents, de modalités d’exercice des professions, d’organisation du travail.
  • Développer, chez tous les employeurs publics, lesdémarches de gestion prévisionnelle des effectifs, des emplois et des compétences.
  • Prévoir un débat annuel prospectif au sein des comités techniques ministériels, territoriaux et hospitaliers.
  • Renforcer, dans les études d’impact accompagnant les projets de lois, l’analyse des conséquences du texte en termes d’emploi public, en particulier en ce qui concerne les qualifications et les besoins de formation.
  • Actualiser le volet « emploi public » des études d’impact une fois les lois votées, afin de mettre en perspective l’évolution des besoins résultant des amendements votés par le Parlement.

Gouvernance

  • Faire du Conseil commun de la fonction publique une véritable instance de discussion stratégique, conformément à l’article 9 ter de la loi du 13 juillet 1983 et à l’article 3 du décret du 30 janvier 2012, rôle qui, pour le moment, a été insuffisamment rempli.
  • Débattre au sein du Conseil commun de la fonction publique, en lien avec la réflexion prospective conduite périodiquement, des plans d’action de moyen terme à mener, notamment en matière de formation des agents, de modalités d’exercice des professions, d’organisation du travail.
  • Prévoir, lorsqu’une réforme a vocation à être déclinée dans plusieurs fonctions publiques, un rapport annuel au Conseil commun sur le déploiement de cette réforme.
  • Prévoir, au sein du Conseil commun de la fonction publique, un débat annuel sur les cadres professionnels communs à plusieurs fonctions publiques et les statuts d’emplois communs aux trois fonctions publiques.
  • Donner au Conseil commun de la fonction publiquecompétence pour connaître des projets de textes relatifs au titre Ier du statut général des fonctionnaires et le décharger, au profit des conseils supérieurs, de ses autres missions consultatives sur les projets de textes. Cela nécessite de modifier l’article 9 ter de la loi du 13 juillet 1983, ainsi que l’article 2 du décret du 30 janvier 2012.
  • Confier au département statistique de la DGAFP une fonction d’intégration des données statistiques concernant non seulement l’Etat, mais également les collectivités territoriales et les établissements publics employant des fonctionnaires hospitaliers.
  • Lever les derniers obstacles à la mobilité entre les 3 fonctions publiques, en réduisant le coût d’emploi des fonctionnaires de l’Etat détachés dans les deux autres fonctions publiques.
  • Restaurer la souplesse du détachement.
  • Renforcer les échanges de fonctionnaires au sein de l’Union européenne.

Salaires

  • Modifier le décret n°91-769 du 2 août 1991 pour inclure dans l’assiette de comparaison entre rémunération de l’agent public et SMIC, outre le traitement indiciaire, les indemnités correspondant à un travail effectif.
  • Unifier le barème des traitements de la fonction publique en traduisant en indices chiffrés les échelles lettre.
  • Développer les échelons fonctionnels et les échelons spéciaux.
  • Donner davantage de sens aux avancements d’échelons.
  • S’agissant des collectivités territoriales, si le principe de libre administration implique que les autorités territoriales demeurent libres de décider du rythme et du nombre des avancements, il est préconisé de substituer au mécanisme actuel d’avancement à l’ancienneté minimale ou à l’ancienneté maximale (qui conduit très souvent, pour l’autorité territoriale, à retenir le premier), un mécanisme plus proche de celui de l’Etat et reposant sur des durées moyennes, corrigées le cas échéant par des réductions ou des majorations d’ancienneté significatives.
  • Utiliser conjointement, et sans en privilégier aucun, les trois indicateurs salariaux de la fonction publique.
  • Poursuivre l’amélioration de ces indicateurs salariaux de la fonction publique (extension de l’ITB-GI à la FPT et à la FPH) et étendre la mesure de la RMPP à la sphère privée pour favoriser les comparaisons.
  • Revoir les modalités de prise en compte du SMIC.

Déontologie

Des assises nationales du service public devraient être réunies, rassemblant élus, partenaires syndicaux, responsables administratifs, entreprises et usagers, et permettant aux plus hautes autorités de notre pays d’exposer la stratégie et la politique du gouvernement.
Des assises régionales seraient organisées pour rassembler responsables et cadres des trois fonctions publiques de chaque région autour de la ministre, accompagnée à chaque étape d’un ou deux ministres. Ces assises seraient autant d’ étapes permettant de ponctuer la démarche sur le territoire national et d’enrichir les travaux des administrations chargées du pilotage des grands chantiers.
Parallèlement, des consultations ouvertes sur internetseraient conduites sur des thèmes choisis et feraient l’objet de restitutions et d’un suivi régulier.
Une communication adaptée (journal des Assises du service public, site internet) serait mise en place.
Mettre en place des outils complets et homogènes de mesure, par la DGAFP, la DGCL et la DGOS, de la mise en oeuvre des procédures disciplinaires dans les trois fonctions publiques.
Publier un bilan annuel, relatif à la déontologie et à la mise en oeuvre de la procédure disciplinaire dans les trois fonctions publiques.
L’équilibre général des droits et obligations défini par le législateur doit être approfondi, développé et décliné dans le cadre professionnel à travers des chartes déontologiques, élaborées en concertation avec les représentants des personnels.

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