A Marseille, le conflit des ordures c'est micmacs à tire-larigot
Par Rémi Leroux | Rue89 | 07/11/2009 | 13H35
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(De Marseille) La volte-face incroyable qui a mis fin au conflit qui durait depuis six jours à Marseille autour de la collecte des ordures ménagères dans le 1er arrondissement reste largement inexpliquée.
Comment la direction de la communauté urbaine Marseille-Provence-Métropole a-t-elle pu céder aux exigences de grévistes qui dénonçaient les conclusions d'un appel d'offres défavorable à leur entreprise ?
Public, privé… la collecte partagée
Retour en arrière. Jeudi 29 octobre, une centaine de salariés de la société privée Bronzo se mettent en grève pour dénoncer le fait que leur entreprise n'a pas été retenue dans le cadre d'un appel d'offres lancé par la communauté urbaine portant sur la collecte des déchets dans le centre-ville de Marseille. Ils exigent par ailleurs des assurances en cas de transfert vers la nouvelle société mandatée.
Jusqu'à présent, c'est le public qui gérait la collecte dans le Ier arrondissement. A partir du 1er janvier 2010, MPM prévoyait de la céder au privé (déjà présent dans d'autres secteurs de la ville) et, inversement, de faire passer certains arrondissements au public.
Une pratique de « turn over » mise en place l'ancien maire Gaston Defferre, poursuivie sous l'ère Gaudin mais dont certains dysfonctionnements et abus ont été dénoncés par la chambre régionale des comptes. Un système qui, depuis quarante ans, place la question de la propreté -ou plutôt de la saleté- au coeur de la vie politique marseillaise.
Les salariés de Bronzo ont alors bloqué l'accès à une demi-douzaine de sites par lesquels transitent habituellement les déchets et, en quelques jours, les tas d'ordures se sont accumulés dans tout Marseille.
Officiellement, Eugène Caselli, président PS de la communauté urbaine, a mis en avant mercredi l'état d'insalubrité avancé dans les rues pour justifier le retrait de l'appel d'offres, s'assurer du déblocage rapide des centres de collecte et permettre la reprise du ramassage.
Jean-Claude Gaudin, pour sa part, a déclaré prendre « acte » de cette décision « qui correspond à ce que réclamaient les agents de Bronzo ».
La commission des marchés a-t-elle bien fait son travail ?
En coulisses pourtant, « la gestion de la grève a été catastrophique », estiment plusieurs observateurs.
Tout est donc parti de la décision de la commission des marchés de MPM qui a considéré comme mieux-disante la société ISS Environnement (déjà présente dans les IIe et XVIe arrondissements de la ville) pour assurer la collecte dans le Ier arrondissement.
L'offre d'ISS était effectivement plus intéressante pour deux raisons principales :
Financièrement, l'offre du géant danois -qui pèse 8,5 milliards de chiffre d'affaires en 2007- était inférieure de près de 4 millions d'euros sur la durée de l'appel d'offres (6 ans) ;
Techniquement, sur le même lot, ISS mettait à disposition une cinquante d'agents en plus que son concurrent.
Premier élément pour le moins curieux : les déclarations d'Antoine Rouzaud, élu communautaire (PRG) en charge de l'assainissement, qui a expliqué le week-end dernier que ses services « avaient fait des analyses » mais que « la commission des marchés en avait décidé autrement ». Autrement ?
Faut-il comprendre que la société Bronzo avait eu la préférence des services techniques de MPM avant même que ne siège la commission des marchés ? Même si ce genre de pratique « n'a malheureusement rien d'étonnant, il est aussi extrêmement facile d'orienter un rapport technique préalable à une commission d'appel d'offres », nous a confirmé un agent territorial.
Le cas présent, toutes les appréciations techniques du dossier d'ISS Environnement auraient été sous-évaluées par les services de MPM. Une fois les « erreurs » rectifiées par les membres de la commission, l'offre du géant danois est passée en tête…
Bronzo, filiale du groupe des Eaux de Marseille (Véolia)
Bronzo a-t-elle été « choisie » au préalable et si oui pour quelle raison ?
A Marseille, la société en question est connue pour être une filiale du Groupe des Eaux de Marseille (ex-SEM), dirigée par plusieurs proches du sénateur-maire de Marseille, Jean-Claude Gaudin (UMP). Le groupe en question appartient pour moitié à Véolia, omniprésente dans la gestion de la ville, et Suez.
Quel intérêt la gauche, qui dirige MPM, aurait-elle eu à privilégier Bronzo ? Un élu communautaire a sa version :
« Tout était programmé à l'avance. A Bronzo le Ier arrondissement, à Sita (Suez) tel autre, à ISS un troisième… le redécoupage et les attributions avaient été négociés depuis longtemps. D'où la surprise de la gauche lorsque ISS Environnement est sorti du chapeau. »
Tout s'est donc joué en commission d'appel d'offres. Y siègent six membres, trois de la majorité de gauche (2 PS + 1 PC) et trois UMP. Lors du vote, ces derniers et l'élu communiste ont opté pour ISS Environnement compte tenu des dossiers technique et financier, les deux représentants PS ont soutenu Bonzo. Un élu UMP s'amuse :
« En choisissant ISS, nous avons travaillé pour M. Caselli en faisant faire des économies à MPM. Mais nous avons également travaillé pour M. Mennucci, le maire du 1er arrondissement, en lui permettant de disposer d'une main d'oeuvre plus importante dans son secteur. »
Les élus PS apprécieront l'ironie…
Silence complice de Jean-Noël Guérini ?
Politiquement, les conséquences pourraient être lourdes pour Eugène Caselli, le président de MPM, qui passait jusqu'à présent pour un négociateur plutôt avisé et apprécié, y compris par l'opposition.
Son stupéfiant revirement -donner raison aux salariés en grève d'une société non retenue à un appel d'offres en déclarant celui-ci « sans suite“- n'a cependant pas surpris tout le monde :
‘Je ne vois qu'un élément ayant poussé Caselli à casser l'appel d'offres : il a reçu un ordre, l'ordre de faire machine arrière.’
Or, à Marseille, les donneurs d'ordre au PS ne sont pas légion. Jean-Noël Guérini, tout puissant patron du conseil général des Bouches-du-Rhône, passe généralement pour le premier d'entre eux.
D'ordinaire si prompt à intervenir dès qu'un sujet intéresse Marseille, il est cette fois-ci resté muet sur une question -la propreté- qui était pourtant au coeur de sa campagne électorale des municipales en 2008. ‘Marseille propre en six mois’, promettait-il alors…
‘Les services de la communauté n'avaient pas assez ficelé les dossiers’
De retour d'un voyage en Tunisie, Jean-Noël Guérini s'est d'ailleurs contenté de saluer la ‘décision courageuse’ prise par Eugène Caselli.
Mais certains suggèrent que le président du conseil général épaulé par son frère Alexandre Guérini auraient ‘décidé du redécoupage de la collecte depuis longtemps’. Un élu communautaire :
‘Ils cherchent notamment à privatiser le IVe arrondissement où s'est jouée la dernière élection municipale et où Jean-Noël Guérini a été battu par Bruno Gilles.
Que Bronzo ait été écarté signifiait tout simplement que les services de la communauté urbaine n'avaient pas ficelé suffisamment les dossiers. Caselli s'est fait soufflé dans les bronches par les Guérini…’
Alexandre Guérini, personnage de l'ombre, particulièrement présent tout au long de la semaine dit-on, dirige une société (SMA la Vautubières) qui gère… l'une des principales décharges du département.
Une histoire de déchets, encore…
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