Enquête pour corruption sur le marché marseillais des déchets
Cyrille Louis à Marseille
25/11/2009 | Mise à jour : 08:00 | Ajouter à ma sélection
Une information judiciaire contre X a été ouverte après qu'un courrier de dénonciation a été envoyé au procureur de la ville. Des perquisitions ont eu lieu dans l'entourage du président PS du conseil général des Bouches-du-Rhône.
La nouvelle a fait l'effet d'un coup de tonnerre au sein du microcosme politique marseillais. Le 18 novembre dernier, des gendarmes agissant dans le cadre d'une commission rogatoire délivrée par le juge Charles Duchaîne ont perquisitionné le domicile d'Alexandre Guérini, frère du président (PS) du conseil général des Bouches-du-Rhône, Jean-Noël Guérini, ainsi que les locaux de quatre sociétés spécialisées dans le marché de l'environnement au sein desquelles il joue un rôle actif. «De nombreux documents ont été saisis et des réquisitions ont été adressées aux services fiscaux pour aider les enquêteurs à y voir clair dans le fonctionnement de ces structures», explique une source proche du dossier.
Très vives tensions politiques
Intervenant dans un contexte politique passablement tendu, ces perquisitions constituent le dernier développement d'une enquête qui a démarré en février 2009 par l'envoi d'une lettre anonyme dactylographiée au procureur de Marseille, Jacques Dallest. «Ce document, qui dénonce de façon circonstanciée un prétendu système mêlant trafic d'influence et prise illégale d'intérêt sur divers marchés publics, cite le nom de Jean-Noël Guérini et met explicitement en cause son frère Alexandre», précise une autre source informée. Au palais de justice, on tempère prudemment : «L'enquête commence tout juste. Il n'est donc pas impossible que nous ayons affaire à une dénonciation calomnieuse dont l'objectif serait d'éclabousser Jean-Noël Guérini.»
Pour en avoir le cœur net, le parquet a ouvert en avril dernier une information judiciaire contre «X», notamment pour «corruption, trafic d'influence, faux et usage de faux, abus de biens sociaux et prise illégale d'intérêt». Les gendarmes de la section de recherches de Marseille, qui ont d'emblée été chargés de ce dossier, viennent de se voir confier une commission rogatoire portant plus spécifiquement sur les marchés de traitement des déchets dans la Cité phocéenne. «Ce rapprochement a été décidé en partant de l'hypothèse qu'il pouvait exister des points de contact entre les deux dossiers», précise une source proche de l'enquête. Ouvertes dans la plus grande discrétion, ces deux procédures prospèrent au moment même où l'attribution des marchés de collecte des déchets marseillais donne lieu à de très vives tensions politiques. Le 9 novembre dernier, le député (UMP) Renaud Muselier s'en est ainsi publiquement pris aux patrons socialistes de la communauté urbaine de Marseille, les accusant à mots couverts d'irrégularités dans le choix des sociétés retenues avant de leur offrir un exemplaire du livre de Roberto Saviano Gomorra et d'asséner : «Marseille n'est pas Naples !»
Manifestement embarrassé par les récentes péripéties judiciaires, l'entourage de Jean-Noël Guérini se borne pour sa part à souligner qu'«aucune enquête ne vise le conseil général». Dans un communiqué, le patron socialiste du département fustige en outre «des insinuations malveillantes» et déplore que «certains profitent de cette circonstance pour procéder à un amalgame visant à salir (sa) personne et (son) action».
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A Marseille, le PS le nez dans les poubellesScoop / mardi 17 novembre par Xavier Monnier de bakchiche info
Une enquête est en cours sur l’attribution des marchés publics des ordures à Marseille. Empêtrés dans les sacs bleus : le patron du PS local Jean-Noël Guérini et son frère Alexandre, qui gère deux décharges dans le département.
Depuis octobre, un magistrat enquête sur les marchés des ordures à Marseille. Une affaire qui risque de compliquer la route de Jean-Noël Guérini, président PS du Conseil général, à la succession du maire Jean-Claude Gaudin. Et tourne les regards vers le frère Alexandre Guérini, fantôme des poubelles locales.
Dossier complet "La chute de la maison Guérini" à lire dans Bakchich Hebdo n°9, en vente mercredi 18 novembre chez tous les marchands de journaux.
Si vous avez raté le début, relisez ci-dessous "Un parfum de Gomorra" :
Jean-Noël Guérini sur un tas d’or… dures ?Dessin de PieR
Dans sa course qui vise à en faire définitivement la plus belle ville du monde, Marseille se distingue par une politique étonnante, l’étalage de ses ordures. Une grève des éboueurs, genre Naples, s’est achevée le mercredi 5 novembre.
Mécontents du résultat d’un appel d’offres -soit de la délibération souveraine des élus de la Communauté Urbaine de Marseille (CUM), qui gère la collecte des déchets- les salariés de la société Bronzo, filiale de Veolia, ont bloqué le ramassage et transformé la ville en dépotoir.
Victoire des boueux ! Le patron de la CUM, le socialiste Eugène Caselli, a annulé l’appel d’offres. Et tant pis si la société choisie, ISS Environnement, proposait un service moins cher de 4 millions. Quand on aime Bronzo, on ne compte pas.…
Une annulation qui a reçu le blanc seing de Jean-Noël Guérini, dit « Nono », le boss des socialistes locaux, sans lequel Eugène Caselli ne va même pas faire pipi…
Et qui a également comblé le vice-président de la CUM, aussi dite Marseille Provence Métropole (MPM), le délégué à l’assainissement Antoine Rouzaud, qui s’était permis de blâmer le choix de la commission d’appel d’offres. "Pour la première fois depuis 93 on était arrivé à négocier une réorganisation sans conflit. Mes services avaient fait des analyses sur ces sociétés, la commission des marchés en a décidé autrement. Il faudra savoir pourquoi."
Une bien étrange déclaration. Si un pacte a été scellé avant la délibération, pourquoi s’emboucaner dans un appel d’offres ? Peut-être parce qu’un tel pacte aurait des atours illégaux ?
Las, le même 5 novembre, un nouvel appel d’offres, sur un marché de tri et de transfert de déchets, a encore échappé à Bronzo, cette fois associée à la société Queyras. Et c’est Sita, filiale de Suez, moins-disante de 5 millions d’euros, qui a été choisie.
Ce marché est une longue histoire. Le 6 mai 2009, il avait déjà été attribué à Sita, après un bon moment de réflexion puisque le vote a été reporté trois fois. "Les élus ont résisté face à la pression mais l’ambiance était délétère après le vote. Impossible de faire avancer un dossier, témoigne une administratif de MPM. Entre Le Pharo et le vaisseau bleu (le conseil général ndlr), la tension était palpable".
Puis le marché a été annulé le 8 juin par le vétilleux Caselli au motif "d’irrégularité dans les procédure". Irrégularité ? Un nouveau gros mot à Marseille.
"On colporte des méchancetés"
Sitôt, ici, qu’il est question de poubelles les regards se braquent vers l’est. Pas Moscou, mais là où siège Nono Guérini, et un peu plus loin de son frère Alexandre, basé à la Farre-les-Oliviers où il règne sur les dépôts d’ordures.
Alex Guérini, lui aussi membre influent du PS (il siège au conseil fédéral après avoir été vice président de la commission des adhésions) et spécialiste -"depuis 30 ans" précise-t-il à Bakchich Hebdo- des ordures ménagères, via sa société de traitement et d’enlèvement. "Evidemment, dès qu’il y a un problème on colporte des méchancetés sur moi". Du genre Eugène Caselli, qui a annulé l’appel d’offres défavorable à Bronzo, a-t-il eu à souffrir de pressions ? "Jamais de la vie", nous dit Alex.
Et les liens qui existent entre Alexandre le bienheureux et Antoine Rouzaud, l’élu qui clame qu’un pacte a été conclu avant l’’appel d’offres ? "Oui Rouzaud est un ami. De même, le patron de Queyras est un jeune, qui s’est fait tout seul comme moi, et à qui je donne un coup de main".
A Marseille, le feuilleton des ordures n’en est qu’à ses débuts
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