vendredi 22 mai 2015

Harcèlement moral: de plus en plus d'affaires se retrouvent devant les tribunaux administratifs dans les collectivités territoriales comme dans les services de l'Etat (cf jugement de la CAA de Bordeaux) .et bientôt devant des tribunaux correctionnels

Existence d’un harcèlement moral

Tant les faits qui peuvent présumer l’existence d’un harcèlement moral que le comportement de l’agent, permettent d’établir en l’espèce qu’il a été victime d’un harcèlement moral.

Un professeur d’éducation physique et sportive s’estime victime, durant six années, fréquemment et régulièrement  de la part de l’un de ses collègues, de moqueries, insultes, paroles agressives et menaçantes, provocations, intimidation physique et cela pendant les heures de service.
A l’appui de ses allégations il produit le témoignage d’un autre collègue qui, comme lui, a été victime du comportement conflictuel de leur collègue. Il produit également les nombreux courriers adressés au principal du collège, à l’inspecteur d’académie et au directeur des ressources humaines du rectorat de l’académie, décrivant de façon circonstanciée les faits dont il a été victime, dénonçant la violence à son égard de ce collègue et tendant à ce que l’administration fasse cesser ce comportement.
Or, les éléments de fait ainsi produits par l’agent sont susceptibles de faire présumer l’existence d’agissements constitutifs d’un harcèlement moral à son encontre de la part de son collègue.
En outre, il s’avère que l’agent n’a pas, par son comportement, contribué à entretenir une relation conflictuelle au sein de l’équipe des professeurs d’éducation physique du collège. Dans ces conditions, le harcèlement moral dont se plaint l’agent doit être regardé comme établi.
Cour administrative d'appel de Bordeaux, 10 mars 2015, req. n°13BX02461.

Considérant, d'autre part, qu'il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

4. Considérant que M. C...soutient qu'il a été victime fréquemment et régulièrement durant les années 2004 à 2010, de la part de l'un de ses collègues professeur d'éducation physique et sportive au collège Colonel Le Gaucher, de moqueries, d'insultes, de paroles agressives et menaçantes, de provocations, d'intimidation physique et cela pendant les heures de service ; qu'à l'appui de ses allégations il produit le témoignage d'un autre collègue qui, comme lui, en 2004, a été victime du comportement conflictuel de leur collègue ; que, M. C... produit également les nombreux courriers qu'il a adressés durant cette période et en 2011 tant au principal du collège qu'à l'inspecteur d'académie ou au directeur des ressources humaines du rectorat de l'académie de Bordeaux, décrivant de façon circonstanciée les faits dont il a été victime, dénonçant la violence à son égard dudit collègue et tendant à ce que l'administration fasse cesser ce comportement; que les éléments de fait ainsi produits par M. C... sont susceptibles de faire présumer l'existence d'agissements constitutifs d'un harcèlement moral à son encontre de la part de son collègue ; que l'administration, quant à elle, se borne à affirmer que le requérant ne produit que ses propres écrits et des témoignages qui n'établiraient pas la réalité du harcèlement dont il s'estime victime ; que, contrairement à ce que soutient l'administration, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. C...aurait par son comportement contribué à entretenir une relation conflictuelle au sein de l'équipe des professeurs d'éducation physique du collège ; que, notamment, si l'administration invoque un rapport d'inspection établi le 4 janvier 2011, ledit rapport par lequel il est demandé à M. C..." d'entretenir désormais des relations courtoises et professionnelles avec son collègue " et de " mettre un terme définitif à cette relation conflictuelle ", ne relève aucun fait qui permettrait de regarder le requérant comme étant à l'origine du conflit ni même que par son comportement il aurait contribué à entretenir le conflit ; que, dans ces conditions, le harcèlement moral dont se plaint M. C...doit être regardé comme établi ;

5. Considérant que pour s'exonérer de toute responsabilité l'administration fait valoir qu'elle " a pris les mesures adéquates pour assurer le bon fonctionnement du service en recherchant les meilleures conditions possibles pour un retour à des relations apaisées entre M. C... " et son collègue ; qu'elle invoque le fait qu'un inspecteur s'est déplacé au collège pour rappeler à leurs devoirs les deux professeurs intéressés, qu'elle a mis en place une médiation par la nomination d'un professeur d'éducation physique supplémentaire, que les deux professeurs en conflit ont été reçus par le directeur des ressources humaines du rectorat et qu'elle a proposé à M. C...une affectation temporaire dans un autre établissement de son secteur géographique ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que les " mesures " ainsi prises par l'administration ont été tardives puisque le harcèlement dont M. C...est victime a débuté en 2004 alors qu'elles datent de 2011 et qu'elles ont été sans effet puisque les conditions de travail de M. C...ne s'en sont pas trouvé améliorées ; qu'ainsi, en ne faisant pas cesser les attaques dont M. C...a été victime, ce qu'il lui avait pourtant demandé à de nombreuses reprises, l'administration a méconnu son obligation de protection du requérant dans l'exercice de ses fonctions et a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;





Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. C...la somme de 10 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 25 juillet 2011.
Article 3 : L'Etat versera à M. C...la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C...est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C...et au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Une copie en sera adressée au recteur de l'académie de Bordeaux.

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